Le principe de subsidiarité depuis le traité de Maastricht

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Cette fiche a été actualisée pour la dernière fois le 20 juin 1999 et pourrait donc ne plus être à jour.

Fiche rédigée par Carole Garreau, diplômée de Sciences Po Bordeaux et alors étudiante à Sciences Po Paris.

Le traité sur l’Union Européenne de 1992 a introduit un élément politique nouveau : le principe de subsidiarité.

Origine du principe de subsidiarité : il a fait sa première apparition dans le projet Spinelli de constitution européenne en 1984. Il a été introduit dans le traité de Maastricht à la demande des anglais soucieux d’éviter les dérives supranationales de la communauté par le jeu des compétences implicites et des allemands (subsidiarité est dans l’esprit des dirigeants allemands : organisation fédérale avec les Länders). Des arrières pensées différentes ont donc conduit à introduire un principe général de subsidiarité.

Dispositif prévu par le Traité de Maastricht (Domaine d’intervention du principe de subsidiarité)

Le traité de Maastricht prévoit 3 catégories de compétences :

  • Compétences exclusives à la communauté : explicites et implicites. Ce sont des compétences d’attribution qui découlent des dispositions contenues dans les traités auxquelles s’ajoute un principe correcteur qui admet que la communauté puisse également mettre en œuvre des compétences non inscrites dans les traités mais nécessaires pour assurer le fonctionnement de la communauté et atteindre les objectifs fixés par le traité (compétences implicites). Application : Arrêt AETR 1971, CJCE : aucun texte n’autorise la communauté à conclure des accords externes en matière de transport mais la communauté avait déjà commencé à poser des règles relatives au traitement social des chauffeurs routier, la CJCE a donc estimé que la communauté était compétente à la place des Etats pour conclure de tels accords externes.

    La théorie des compétences implicites a été utilisée chaque fois que se présente une lacune dans les traités et crée donc une dynamique des compétences.

  • Une large zone de compétences réservées aux Etats.
  • Entre les 2 : compétences partagées : Etats membres et la communauté peuvent intervenir.

    Il est difficile de tracer la frontière avec surtout 2 risques : que sur fond de dynamique des compétences communautaires, communauté tende à se substituer aux Etats ; que Etats fassent objection à exercice de ces compétences par la communauté et parviennent à la neutraliser.

→ Le Traité de Maastricht met en place un nouveau principe dans son art 3B, le principe de subsidiarité.

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Subsidiarité : indique que les pouvoirs doivent être exercés dans les organisations politiques au plus près des assujettis.

Il ne joue que dans le champ des compétences partagées = un principe régulateur de l’exercice de ces compétences et non de répartition de ces compétences. L’art 3-B s’est ainsi efforcé de stigmatiser les compétences respectives des Etats et de la communauté.

(Al 1 : « La communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité ».
Al 2 : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des objectifs de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».
Al 3 : « L’action de la communauté n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité » (principe de proportionnalité))

Les conséquences du principe de subsidiarité et son application restreinte à partir de 1993 :En vertu du traité, la Communauté devra apporter la preuve de la légitimité de son intervention à la place des Etats. La commission, chaque fois qu’elle présente un projet de texte doit justifier expressément ou implicitement qu’il ne contrevient pas au principe de subsidiarité. Conseil et PE doivent examiner les textes dont ils délibèrent à la lumière de ce principe. La commission avait alors également fait savoir que dans de nombreux cas, elle privilégierait la directive par rapport au règlement (directive comporte une part de compétence importante laissée aux Etats)

Mais la mise en oeuvre du principe de subsidiarité a rencontré de nombreuses difficultés :

La commission européenne a pris 3 engagements pour mettre en application le principe de subsidiarité : motivation de toutes les nouvelles propositions or ce mécanisme n’a porté que sur 3 textes en 1997 (moins de 1% des initiatives nouvelles) ; le retrait ou la révision de certaines propositions (61 en 1995, 48 en 1996, 30 en 1997) et le réexamen de la législation en vigueur (réévaluation des textes existants qui ne correspondent plus au critère de nécessité (niveau communautaire peu efficace) ou au critère de proportionnalité.

Mais cette évolution donne la priorité au principe de proportionnalité sur le principe de subsidiarité : la commission a opéré en effet dès 1995 un renversement des priorités, favorisant la qualité et la nature de la norme communautaire sans se préoccuper réellement du choix de l’auteur et de l’origine de la norme (Etats ou Communauté). On assiste au délaissement progressif du principe de subsidiarité alors qu’il était au centre du mouvement de réforme.

La doctrine interinstitutionnelle en matière de subsidiarité n’est pas non plus favorable à la pleine application du principe. Elle n’a que très peu évolué depuis la communication de la Commission (27 oct 1992) qui en fixait le cadre. Le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au Traité d’Amsterdam le reprend très largement (en ajoutant que le rapport annuel de la Commission sur son application serait également présenté (en plus du conseil européen et du PE) au Conseil économique et social et au Comité des régions. (Le conseil européen d’Edinbourg avait affirmé que le principe n’avait pas d’effet direct).

Ce cadre est suffisamment souple pour donner des marges de manœuvre (son application est considérée par exemple comme dynamique : réduction mais aussi possibilité d’extension de l’activité communautaire) mais ne lui permet pas de jouer le rôle de mécanisme régulateur prévu à l’origine.

Les institutions communautaires n’ont par ailleurs pas d’intérêt à assurer le respect du principe du subsidiarité : le PE n’accepte pas de réduction de ses domaines d’intervention que pourrait entraîner l’application du principe de subsidiarité ; au Conseil, il faut qu’une majorité d’Etats soit d’accord pour rejeter le texte pour atteinte au principe de subsidiarité ; la Commission n’a aucun intérêt à appliquer un principe qui limite son action.

Devant la CJCE et le tribunal de première instance, un moyen tiré de ce principe n’est que rarement invoqué et les juges restent prudents (en 1990, la CJCE n’acceptait de contrôler que l’EMA). Cependant, le RU a dans un recours invoqué le principe (mais seulement à titre incident dans une affaire concernant la durée du travail (art 118A du traité) : une directive avait été prise sur la limitation de la durée du travail (plafond de 45 h. Le RU a voté contre mais mis en minorité car conseil a statué à la majorité qualifiée) : 12 novembre 1996 RU contre conseil : CJCE a admis pour la première fois de manière claire la justiciabilité du principe de subsidiarité : elle accepte de se prononcer sur la conformité d’un acte communautaire à l’art 3 B. Le protocole d’Amsterdam donne à la juridiction communautaire les outils d’analyse et d’étude lui permettant à l’avenir d’exercer son contrôle du principe de subsidiarité.

Le principe a donc quelque peu freiné le zèle de la commission mais a rendu plus complexe la répartition des compétences. Son application est par ailleurs restée limitée.

De plus, les apports du traité d’Amsterdam sont encore faibles par rapport aux difficultés d’application de ce principe rencontrées depuis 1993 : la conférence des organes parlementaires nationaux spécialisés dans les affaires communautaires pourra émettre des contributions au principe de subsidiarité. On assiste pourtant à un regain d’intérêt pour le principe de subsidiarité de la part de la France, l’Allemagne et la GB ce qui pourrait permettre l’émergence d’une solution institutionnelle répondant aux carences de son application.

Des solutions sont également envisageables : notamment la rédaction d’une liste des compétences exclusives de la Communauté, partagées et réservées aux Etats ; la motivation de toutes les propositions de la commission au titre du principe de subsidiarité ; l’instauration d’un débat préalable au conseil, chargé de veiller à la bonne application du principe ; l’accès à la CJCE des structures représentant les collectivités publiques infranationales (comité des régions) et des parlements nationaux (COSAC) ; la création d’un recours juridictionnel spécifique au principe de subsidiarité.

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