Chapitre 2 : Le Président de la République

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Le PR est la clé de voûte des institutions.
Il y a eu, depuis 1958, 8 présidents :

  1. Charles de Gaulle, qui a effectué presque 2 mandats (1959-1965 ; réélu en 1965 au suffrage universel direct contre Mitterrand ; démissionne en 1969)
  1. Pompidou (1969-1974)
  1. VGE (1974-1981)
  1. François Mitterrand (1981-1988 ; 1988 – 1995)
  1. Chirac (1995-2002 contre Lionel Jospin ; 2002-2007)
  1. Sarkozy (2007-2012)
  1. Hollande (2012-2017)
  1. Macron (2017-2022)

Section 1 : Le statut du PR

§ 1. L’élection du Président

L’élection du PR est prévue à l’article 6 de la Constitution, qui établit le principe du quinquennat, du suffrage universel et (depuis 2008) de la limitation à 2 mandats consécutifs.

Arguments contre cette limitation : atteinte à la souveraineté du suffrage + source de danger pour la stabilité de la Constitution si le PR est très populaire.

Avant 1962, le PR était élu par un collège de grands électeurs composé de parlementaires, de conseillers régionaux et de représentants des conseils municipaux (+ de 80 000 personnes).

De Gaulle utilise la procédure du référendum pour dépasser l’opposition du Parlement. Il saisit le peuple sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, alors que c’est l’article 89 qui établit la procédure de révision.
Certains y ont vu un détournement de la Constitution.

Référendum largement approuvé par le peuple français (62%).
Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent pour se prononcer sur une loi adoptée par référendum.

En 1965, Charles de Gaulle devient le 2e Président de la République élu au suffrage universel direct (après Napoléon 3 en 1848).

Depuis 1962, l’élection est organisée par les articles 6 et 7 de la Constitution, complétés par une loi organique qui renvoie à des dispositions du code électoral.

Il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à 2 tours à 15 jours d’intervalle.
L’élection a lieu 20 jours au moins et 35 jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice.

500 parrainages sont nécessaires, sans que + d’1/10e d’entre eux proviennent d’un même département.
Ce système de parrainages a évolué au cours de la 5e République : à l’origine, il fallait 100 parrainages ; depuis 1976, il en faut 500.

Environ 47 000 personnes peuvent être parrains : parlementaires, membres français du parlement européen, conseillers régionaux et départementaux, maires…

La liste des parrainages est reçue, vérifiée et publiée par le Conseil constitutionnel.
La publication est soit partielle (à hauteur de 500 parrainages), soit intégrale.

Le Conseil constitutionnel suit l’élection présidentielle avant le scrutin (parrainages), pendant le scrutin (veille à la régularité des opérations électorales) et après le scrutin (proclamation des résultats, examen des réclamations contentieuses).

2006 : création de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Contrôle les comptes de campagne et vérifie le plafond des dépenses électorales (réactualisé à chaque élection).
Il faut que les candidats aient obtenu au moins 5% des voix pour obtenir un remboursement de leurs dépenses jusqu’à la moitié.

§ 2. Le mandat présidentiel

Depuis 2000, la durée du mandat est de 5 ans.
Révision adoptée le 2 octobre 2000 par la voie du référendum, avec une abstention considérable de 70%.

Révision parallèle du calendrier électoral pour faire coïncider élections présidentielles et élections législatives, pour obtenir une cohérence entre le vote du PR et celui du député.
Objectif : donner une majorité fiable au PR pour permettre à la majorité présidentielle de disposer tout au long du quinquennat de la majorité à l’AN.

Article 7 de la Constitution : en cas de vacance du PR, ses fonctions sont exercées par le président du Sénat puis, si celui-ci est à son tour empêché, par le Gouvernement.

§ 3. La responsabilité présidentielle

Par convention, on parle de “responsabilité pénale” du PR.

L’article 68 de la Constitution prévoyait initialement la mise en cause du chef de l’État devant la Haute Cour de justice, qui pouvait destituer le PR en cas de haute trahison.
Cela a été modifié car la notion de haute trahison est floue et difficile à établir.

En 1999, le Conseil constitutionnel rend une décision établissant l’immunité du PR et un privilège de juridiction.
Le 10 octobre 2001, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation précise que cette immunité est temporaire (elle ne dit que tant qu’il est en fonction).

Une réforme constitutionnelle consacrée spécifiquement au statut pénal du chef de l’État est adoptée le 23 février 2007 et refond les articles 67 et 68 de la Constitution.

Article 67 : “Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité”.
Article 68 : “Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.”

La Haute Cour est composée de tous les membres du Parlement.
Elle se réunit sur proposition des assemblées parlementaires, sous la présidence du président de l’Assemblée nationale.

Le chef de l’État ne peut pas être poursuivi, ni auditionné, pour les actes accomplis dans le cadre de ses fonctions.
Depuis 1999, il peut être amené devant la Cour pénale internationale, s’il commet un génocide ou un crime contre l’humanité.

Principe : immunité du PR pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.
Réserve : traduction devant la CPI (génocide, crime contre l’humanité) ou Haute Cour (”manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat”).

Il n’y a plus de haute trahison depuis 2007.
Ce manquement doit être constatable et grave. Il ne peut pas relever de considérations politiques : il faut un fait de nature pénale suffisamment grave.
Une seule sanction est prévue : la destitution.

Le PR ne peut pas être poursuivi devant une juridiction de droit commun, ni faire l’objet d’une interrogation ou d’une enquête.

Pour les actes qui sont détachés de l’exercice de ses fonctions, la justice ne peut pas s’en emparer tant que le PR est en fonction.
On suspend donc le délai de prescription pénale pendant le mandat présidentiel.

La responsabilité pénale de droit commun s’applique ensuite.

Objectif : protéger la fonction présidentielle + séparation des pouvoirs.

Section 2 : Les pouvoirs du Président de la République

L’article 5 de la Constitution prévoit que le PR veille au respect de la Constitution et assure une fonction d’arbitrage.
Il a pour mission de trancher les conflits politiques.
Il bénéficie de pouvoirs non contre-signés.

Il est en mesure de solliciter un autre pouvoir : le peuple (par le référendum : suffrage universel), le Parlement, le Conseil constitutionnel.

Article 8 al 1 : nomination du Premier ministre
Article 11 : référendum législatif
Article 12 : dissolution de l’Assemblée nationale
Article 16 : pouvoirs “exceptionnels” en période de crise
Article 18 : droit de message au Parlement
Article 54 : saisine du Conseil constitutionnel pour contrôler la constitutionnalité d’un traité
Article 56 : nomination des membres du Conseil constitutionnel
Article 61 : saisine du Conseil constitutionnel pour une loi ordinaire

§ 1. Les pouvoirs non contresignés

A – Article 8 alinéa 1 : nomination du Premier ministre

La nomination du Premier ministre prend la forme d’un décret que seul le PR peut prendre.

Le gouvernement engage sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur son programme (article 49 al 1) ou sur une déclaration de politique nationale ; le pouvoir de nomination des ministres est quant à lui un pouvoir contresigné.

La marge de manœuvre pour le PR pour désigner telle ou telle personne est large, à condition que cette personne obtienne la confiance parlementaire.
Cette marge de manœuvre est néanmoins variable :

  1. Si la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale est de la même couleur politique que le PR, la marge de manœuvre du PR est très large.
  1. Si la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale n’est pas de la même couleur politique que le PR, le pouvoir politique du PR est très conditionné : il doit nécessairement désigner une personne qui dispose du soutien de la majorité parlementaire.

Juridiquement, il n’y a pas de conditions expresses indiquées pour devenir Premier ministre.

B – Article 11 : le référendum législatif

Historiquement, le référendum a été vu d’un mauvais œil en raison de sa pratique plébiscitaire (notamment sous les 2 Empires).

Le référendum permet de solliciter directement le peuple et donc de mettre temporairement à l’écart la représentation nationale (Parlement).
C’est un moyen de contourner le Parlement dans le processus législatif.

Il y a un domaine au référendum : les projets de loi référendaires ne peuvent concerner que les domaines visés par l’article 11.
> Organisation des pouvoirs publics
> Réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent
> Ratification de traités
→ champ très vaste

Les projets doivent être proposés :
> par les 2 Assemblées conjointement
> sur proposition du gouvernement

Cette proposition doit être publiée au Journal Officiel.
Le gouvernement doit présenter ce projet de loi référendaire, puis débat.

L’aliéna 3 de l’article 11 prévoit un référendum d’initiative partagé.

Les 4 premiers référendums ont été pratiqués par de Gaulle lui-même ; ex : 1961 sur la crise algérienne.
Le dernier référendum a été initié par Chirac en 2005, pour la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe.

On observe une augmentation du taux d’abstention dans les référendums depuis le début de la 5e République (30% → 60%).

L’usage du référendum présente toujours un risque politique.
Risque : que le référendum soit posé non pour la question mais pour des usages politiques partisans.

Le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la constitutionnalité des lois référendaires depuis sa décision du 6 novembre 1962 “Loi référendaire”. Il considère que les lois référendaires sont l’expression directe du peuple souverain et ne se considère pas compétent pour la censurer.

2 types de référendums locaux sont prévus par la Constitution :

  1. Article 72-1 al 2 : référendum décisionnel local : permet de soumettre un projet d’acte aux administrés d’une collectivité territoriale, dans les conditions établies par la loi organique du 1er août 2003.
  1. Référendum d’autodétermination : la cession ou l’adjonction de territoires implique automatiquement une consultation des populations concernées.

C – Article 12 : la dissolution de l’Assemblée nationale

Sous la 3e République, on ne recourait plus à la dissolution après la crise de 1877 sous le mandat de Mac Mahon (Constitution Grévy).

Sous la 5e République, on ne peut dissoudre que l’Assemblée nationale, et pas le Sénat.
C’est un pouvoir propre du PR, qui peut prononcer la dissolution par un décret insusceptible de recours.

Le PR doit consulter le Premier ministre et les présidents des Assemblées, mais il n’est pas obligé de suivre leur avis.
= avis obligatoire simple
≠ avis obligatoire conforme
≠ avis facultatif

L’usage de la dissolution a été relativement limité sous la 5e République (utilisée 5 fois).
Elle a été utilisée pour la dernière fois en 1997, par la président Jacques Chirac qui souhaitait conserver une majorité à l’Assemblée nationale le plus longtemps possible. Cette dissolution “de convenance” semble avoir condamné la pratique.

D – Article 16 : le recours aux pouvoirs exceptionnels

Idée : il faut que le chef de l’État ait les moyens de gérer efficacement une crise grave, dans des conditions exceptionnelles et de façon transitoire.

Il existe des conditions de fond et de forme pour la mise en oeuvre de l’article 16 :

  • L’existence d’une menace grave et immédiate contre les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution des engagements internationaux de la France
  • Il doit y avoir une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels

C’est le chef de l’État qui apprécie ces conditions lui-même.
Son appréciation est limitée par des conditions de forme :

  1. Article 16 al 2 : information de la nation par un message.
  1. Il doit consulter officiellement le Premier ministre, les présidents des Assemblées et le Conseil constitutionnel. Ils donnent un avis simple que le chef de l’État n’est pas obligé de suivre.
    Le Conseil constitutionnel rend un avis motivé et public, qui fait de lui une autorité morale et un garde-fou.

Une fois que l’article 16 est mis en oeuvre, tous les pouvoirs publics constitutionnels sont réunis entre les mains du PR : il peut intervenir dans le domaine exécutif, dans le domaine législatif, il peut créer une juridiction d’exception… dès lors que ces mesures sont guidées par la volonté de rétablir l’ordre constitutionnel.
→ la séparation des pouvoirs est temporairement suspendue

La révision constitutionnelle de 2008 modifie le dernier alinéa de l’article 16 pour encadrer sa durée d’application.

Après 30 jours d’exercice, les présidents des Assemblées ou 60 députés ou sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel, qui répond avec un avis public.
Dans un 2e temps, après 60 jours d’exercice, il procède de plein droit à cet examen. Au-delà il peut se prononcer à tout moment (= peut s’auto-saisir dès lors qu’il considère que la situation le requiert).

L’article 16 n’a été appliqué qu’une seule fois : en 1961, lors de la crise algérienne.

Dans l’arrêt Rubin de Servens du 2 mars 1962, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent pour contrôler les actes pris dans le cadre de l’article 16 lorsqu’elle relèvent du domaine législatif, mais accepte s’ils relèvent du domaine règlementaire.
Le Conseil constitutionnel est appelé à donner son avis sur les décisions prises par le chef de l’État dans le cadre de l’article 16, mais cet avis n’est pas public.

E – Article 18 : le droit de message

Le droit de message prévu par l’article 18 permet au PR de communiquer avec les 2 Assemblées.

Il peut être utilisé principale :

  1. Par courtoisie républicaine (ex : après un remaniement ministériel) ;
  1. Lorsqu’il y a une décision particulièrement importante ;
  1. Pour informer sur les grandes orientations de la politique présidentielle.

Ce droit de message doit être apprécié au regard de l’irresponsabilité du PR sur le plan politique.
→ les messages ne peuvent pas donner lieu à un vote

En 2008, l’article 18 est modifié pour intégrer l’alinéa 2, qui permet au Président de prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès, traditionnellement réuni à Versailles.
(traditionnellement, le PR ne pouvait qu’adresser un message)

Cette faculté a été utilisée pour la 1ère fois par le président Sarkozy le 22 juin 2009 pour communiquer sur ses grandes orientations pour la 2nde moitié du quinquennat.

F – Articles 54 et 61 : la saisine du Conseil constitutionnel

Article 54 : il ne peut pas y avoir en France de ratification d’un traité s’il est inconstitutionnel.

Article 61 : contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires.
Le PR fait partie des autorités pouvant saisir le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi.

G – Article 56 : la nomination de 3 membres du Conseil constitutionnel

Le PR nomme 3 membres du Conseil constitutionnel et désigne son président.
C’est un pouvoir assez important.

Dans les 2 cas, il s’agit d’un acte de gouvernement (il n’est pas possible de contester le décret de nomination devant un juge).

§ 2. Les pouvoirs contresignés du Président

Les pouvoirs contresignés du PR sont les pouvoirs classiques traditionnellement confiés à un chef d’État : représentation de l’État, bon fonctionnement des institutions, relations internationales.

En matière de défense, le PR est le chef des armées (article 15) : il préside les conseils de défense et tous les comités en lien avec la défense nationale.
Article 35 : au-delà de 4 mois, la poursuite des opérations militaires doit être autorisée par le Parlement.

Article 52 : le PR peut négocier les traités.
Il accrédite les ambassadeurs.

Le PR est le gardien de la Constitution et décide donc si une révision constitutionnelle est menée par l’article 89 ou par référendum.

Il est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il ne préside plus le CSM pour des raisons d’indépendance.
Article 17 : il peut gracier (dispense de peine, mais la condamnation n’est pas supprimée). La dispense de peine peut être totale ou partielle.

Il a également des pouvoirs qui touchent au Parlement :

  1. Le PR ouvre et clôt les sessions parlementaires.
  1. Il promulgue les lois.
    Il doit le faire : il ne peut pas refuser de signer un décret de promulgation, sauf quand la loi a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel.
    Dans de rares cas, une loi est promulguée mais le promulguant dit qu’il n’en fera pas application ; exemple : loi du 31 mars 2006 qui crée le Contrat de première embauche.
    Tant que la loi n’est pas promulguée, le PR peut demander une nouvelle délibération au Parlement (article 10 al 2). En pratique, il s’agit surtout de permettre aux parlementaires de modifier certaines dispositions invalidées par le Conseil constitutionnel.

Article 9 : le PR préside le Conseil des ministres.
Intérêt : pouvoir fixer l’ordre du jour.
C’est une prérogative importante, sauf en période de cohabitation.

Le PR dispose d’un pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires de l’État dont une liste est définie à l’article 13 (75 000 / 80 000 personnes nommées directement par le PR).
Exemple : professeurs d’université.
Les ministres du domaine concerné contresignent la nomination.

Article 13 : pour certains emplois désignés par une loi organique, le Parlement doit être préalablement consulté et dispose d’un droit de veto.

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