Le principe de faveur et la loi du 4 mai 2004

Le droit du travail est soumis, du fait de ses nécessités d’être au plus près des situations de fait, à un éclatement de ses sources. Outre les sources étatiques (bloc de constitutionnalité, loi, règlements), l’évolution historique a mis au centre du problème social l’acte de négociation. Ainsi sont nés de nombreux accords et conventions de niveaux différents ( nationaux, interprofessionnels, de branche, d’entreprise ). Se sont aussi ajoutés à ce foisonnement les actes unilatéraux du chef d’entreprise ( règlement intérieur, usages et autres actes divers ). Le droit reprenant le pas sur le désordre, toutes ces normes ont été classées dans un ordre hiérarchique précis, organisant un système Kelsenien strict.
Toutefois, autant de normes ne pouvaient que se rencontrer et en se superposant, créer des problèmes d’application de droit dans le temps et de hiérarchie des normes. La jurisprudence a alors dégagé un principe simple, celui de l’application de la norme la plus favorable au salarié que l’on a baptisé principe de faveur.
La situation s’est complexifiée avec l’apparition des limites à ce principe, d’autant qu’elles n’ont fait, avec la recherche actuelle de compétitivité, que restreindre ce principe, tant et si bien qu’aujourd’hui, notamment avec la loi du 4 mai 2004, se pose la question : que reste-t-il de ce principe de faveur ?
La réponse à cette question est d’autant plus nuancée que le principe de faveur, en plus d’être d’une application complexe ( I ), est aussi soumis à des limites qui varient en fonction du contexte économique ( II ), modelant ainsi des flux et reflux dans le droit social.

I ) Un principe de faveur d’application complexe

Ce principe de faveur, crée et appliqué par la jurisprudence ( A ), peut parfois révéler un problème d’application ( B ).

A ) Sources et valeur du principe

1 ) Sources

Le principe de faveur n’est que peu présent dans les dispositions législatives. Tout au plus est-il évoqué aux articles L. 132-4, L.132-2 et quelques autres du code du travail. Sa détermination a été effectuée par les juges du fiat du manque d’une méthode claire de sélection de la norme applicable.
On peut apprécier sa légitimité au regard des grands principes du droit du travail, et notamment celui de l’ordre public social. Celui-ci impose que le droit du travail est, par essence, un droit de protection du salarié et qui doit donc ne pas de retourner contre lui. Ainsi, par définition, si deux normes concurrentes doivent s’appliquer, et sans que la hiérarchie des normes puisse les départager, le juge appliquera la plus favorable à la cause du salarié.

2 ) Valeur

Ce principe a été reconnu par le conseil constitutionnel ( décision du 29 avril 2004 ) comme ayant valeur de principe fondamental. Il lui refuse dans la même décision valeur constitutionnelle en ne le reconnaissant pas principe fondamental reconnu par les lois de la république. Le Conseil d’Etat lui donne valeur de principe général du droit du travail. Cette catégorie de principes est tirée par les juridictions administratives de l’esprit du droit et des textes sans qu’il y soit formellement écrit. Malgré un débat entre les auteurs publicistes sur la valeur de ce principe ( et comme de toute facon, le juge administratif est serviteur de la loi et donc uniquement censeur des décrets depuis CE Arrighi et la théorie de la loi-écran ), seule la loi peut modifier ou écarter un PGD donc en pratique, ce principe a valeur législative et on ne peut y déroger par un règlement. Quant à la Cour de Cassation, elle lui attribue le rang de principe fondamental du droit du travail.

B ) L’application complexe du principe

1 ) Application a priori simple du principe dans la hiérarchie des norme

L’application de ce principe s’inscrit dans la hiérarchie des normes. La pyramide des normes de Kelsen est organisée classiquement en droit du travail : constitution – loi – règlement – accords nationaux – accords de branche ou interprofessionnels – accords d’entreprise – actes unilatéraux du chef d’entreprise. Classiquement, l’accord supérieur doit être moins ou également favorable que son accord inférieur : l’accord d’entreprise est plus favorable que celui de branche qui l’est plus que le national. Ainsi, plus on monte dans l’échelle, plus on arrive aux minima de protection. Le principe de faveur vient donc préciser cette articulation en réglant le cas des normes égales mais de contenu différent : entre deux conventions collectives ayant vocation à s’appliquer, la plus favorable prendra le dessus.
Dans cet esprit, les normes étatiques constituent un minima absolu auquel nulle convention ne peut déroger en défaveur du salarié : c’est le premier niveau. Les autres, inférieurs, sont de plus en plus favorables à mesure que l’on descend. L’Etat est donc un gardien régalien, le niveau national crée les minima pratiques et l’entreprise va au plus prêt des besoins locaux. On peu y voir un exemple de subsidiarité du droit du travail qui est complété en cas de conflit par le principe de faveur.

2 ) L’identification délicate de la norme la plus favorable

Si le principe paraît simple à première vue, il est parfois délicat de déterminer quelle est la norme la plus favorable. La méthode d’appréciation est dite globale, et analytique avantage par avantage.
Elle est globale car elle ne doit pas prendre en compte l’intérêt de chaque salarié pris isolément. Ainsi, si une mesure est favorable aux ¾ des salariés mais nuit au reste, on ne peut qu’appliquer les lois de la majorité qui s’imposent aux autres. Si cette application peut paraître injuste pour la minorité, il faut aussi envisager le cas des grandes entreprises où, du fait du nombre conséquent de salariés, le juge ne peut faire une balance des milliers d’intérêts personnels à la norme. Il doit donc ne prendre en compte que « l’intérêt général » des salariés et en tirer les conséquences juridiques.
Elle est aussi analytique, au cas par cas. Elle doit être faite entre normes ayant la même cause ou le même objet. Si elle paraît évidente ( on ne peut comparer que ce qui est de nature unique ), elle connaît des limites. Ainsi, on ne doit pas aller trop loin dans la précision et fractionner jusqu’au plus petit dénominateur commun deux normes. Un juste milieu doit être fait entre le trop général et le trop précis. Application en est faite quand, ce qui est souvent le cas, un avantage est lié à un autre : la méthode globale reprends alors le pas.
En application, si deux normes sont en concours, et qu’elles ont même cause et objet, elles ne devront pas de cumuler, sauf disposition contraire.
Les limites de ces principes sont soulevées quand le chef d’entreprise promet la conservation de l’emploi contre une perte d’avantage. Les juges acceptent l’application de la perte d’avantage au nom de la sauvegarde de l’emploi malgré le caractère hypothétique et peu obligatoire d’un tel engagement dont on sait qu’il ne peut tenir du fait de l’instabilité économique actuelle.
De même, l’appréciation des juges peut parfois se révéler critiquable quand il faut chercher de deux mesures la plus favorables : est-il plus favorable d’avoir des horaires de 9 h à 17 H ou de 10 à 18 ? Parfois, la libre-appréciation confine à ses propres préférences en matière de sommeil…

II ) Un principe variant au gré du contexte économico-juridique

Ce principe de faveur est très restreint dans la pratique juridique du fait de l’ordre public absolu ( A ) et des limites exprès posées par la loi ( B ) qui amènent à penser que ce principe a perdu avec le temps une grande partie de sa portée.

A ) Un ordre public absolu aux contours variables

1 ) La nature de l’ordre public absolu

L’ordre public absolu constitue en droit francais un noyau dur de légalité auquel nul ne peut déroger sous aucun prétexte quel qu’il soit. Il constitue un minima non plus social comme le sont les normes étatiques sous l’angle du principe de préférence mais au contraire le domaine spécial réservé uniquement à l’intervention de l’Etat dans lequel les partenaires sociaux ne peuvent intervenir. Ces intérêts régaliens les dépassent en quelque sorte.
Son contenu est défini par le conseil d’Etat comme les normes constitutionnelles, les règles de droit internes ou internationales débordent du droit du travail ou intéressent des avantages ou garanties échappant par nature aux rapports conventionnels. On peut en comprendre dans une optique civile une sorte de domaine impératif indérogeable, un véritable ordre public au sens de l’article 6 du code civil. Est ainsi d’ordre public absolu l’interdiction d’indexation du SMIC car risquant une hausse des salaires et donc de l’inflation qui constitue un intérêt économique vital auquel est sacrifié l’intérêt du salarié et par-là même le principe de faveur. Il en est de même pour les délais des mandats des délégués du personnel.
Le principe de faveur est donc écarté par l’ordre public absolu mais les limites entre les deux sont modifiées par le temps.

2 ) Son application fluctuante

Le point où s’arrête le principe de faveur et où commence l’ordre public absolu constitue un curseur assez volatile et relatif. La société et l’économie changeant, les valeurs ne sont plus les mêmes d’une décennie à l’autre. Si la lutte contre l’inflation est aujourd’hui au summum des objectifs de la BCE – et donc de notre système économique -, il n’en était qu’un soucis dont on s’accommodait durant les Trente Glorieuses où son taux annuel moyen sur la période était de 5 %. Si aujourd’hui, notre ordre public absolu empêche les clauses d’indexation des SMIC, il aurait pu en être autrement avec un taux de croissance supérieur.
Ainsi, cet ordre public n’est pas aussi absolu qu’on veut le dire. Son évolution a d’ailleurs tendance à tendre à une diminution de son champ d’application. On aurait pu donc en déduire que cette limite revue à la baisse aurait laissé pérenne le principe de faveur et ainsi créer un reflux de celui-ci. Ce ne fut pas le cas du fait d’une nouvelle limite : les accords dérogatoires.

B ) Les limites exprès posées par la loi

1 ) Dérogation du fait de la loi avant et après la loi de 2004

Avant la loi du 4 mars 2004, le principe de dérogation existait mais n’était pas consacré en tant que tel dans la loi. Il était implicite à travers la réunion de plusieurs textes. La loi permettait de déroger aux majorations de salaires. La loi pouvait donc être écartée par la convention dans certains domaines, et ce, par exception.
La loi du 4 mars 2004 est venue étoffer le droit dérogatoire. Celui-ci a été crée pour permettre, comme son nom l’indique, aux partenaires sociaux dans l’entreprise de déroger au droit applicable pour des situations locales qui viendraient à le justifier. Toutefois, sans le dire expressément, c’est à la demande du chef d’entreprise que les négociations sont engagées et donc dans son intérêt. Le salarié doit, à l’occasion de ces négociations, dans le plus grand nombre de cas perdre de ses droits acquis. On touche ici à l’exact inverse de la raison d’être du principe de faveur, c’est-à-dire favoriser une norme qui lui est défavorable. Ainsi, la convention négociée pourra déroger aux normes négociées supérieures ( hors évidemment ordre public absolu )
Dans l’ordre hiérarchique, les principes habituels sont bousculés : le principe est que l’accord inférieur doit toujours être plus favorable que le supérieur. Or, ici, on va privilégier la norme inférieure qui sera moins favorable si les partenaires le décident : c’est nier complètement au principe de faveur sa portée générale dès que les partenaires sociaux le décident. Ce principe qui avait avant valeur de loi tombe maintenant au niveau du moindre chef d’entreprise discutant avec les représentants locaux. Au vu des délocalisations teintées de chantage que nous connaissons actuellement, faut-il laisser sans bride aucune de telles négociations remplacer un principe fondamental ?
La question pourrait être réglée par les conditions qui encadrent de telles dérogations. La loi a en effet limite son champ d’application sous plusieurs angles :
– Toute dérogation à une norme supérieure est impossible si cette règle l’interdit explicitement. Il faudra alors lutter contre les dispositions trop générales inscrites rapidement et excluant le dialogue.
– L’ordre public « super-absolu » constitué des règles d’hygiène et de sécurité ne pourront être revus à la baisse : la législateur ne transige pas sur la sécurité au travail.
– Le « noyau dur indérogeable » : les salaires minima hiérarchiques, les classifications, les garanties collectives ( liées à la maternité, l’handicap ou le décès des suites du travail effectué… )
Il faut espérer que les acteurs sociaux « creuseront » à côté et non pas en dessous des normes précédentes, permettant ainsi de conserver un équilibre que seule la négociation peut garantir.

2 ) Le principe soumis aux flux et reflux du fait du besoin de compétitivité

Nous l’avons vu, le principe de faveur était au début crée pour favoriser le salarié. La période de croissance de ce principe a fait la part belle à ses bénéficiaire dans un contexte favorable à des avancées sociales. Ce phénomène d’extension de son domaine que l’on a appelé « flux » n’a pas duré. Il s’est accompagné d’un « reflux » auquel on assiste aujourd’hui, dans un tout autre contexte. Les phénomènes de mondialisation, de délocalisation et la prise en compte croissante des intérêts économiques – donc patronaux – ont provoqué un revirement lent en défaveur du principe.
La loi de 2004 a consacré le principe de dérogation en tant qu’outil de flexibilisation de la négociation, voire même d’ajustement structurel des négociations et du droit du travail. Ce reflux actuel fait dire à certains que le principe de faveur est définitivement condamné. On pourrait faire une analyse moins pessimiste en se rendant compte que le droit du travail n’avait pas indéfiniment vocation à défendre les salariés. La crise économique doit voir le droit du travail se flexibiliser et d’adapter. Ainsi, le droit du travail peut devenir un autre outil d’ajustement économique qui va venir trancher le plus équitablement possible les conflits entre la défense du salarié et la conservation de l’activité économique compétitive.

[ NB : les limites liées à l’unité du statut collectif n’ont pas été traités ]

Commentaire de l’arrêt Durandal du 17 octobre 2000

Fiche rédigée par Adélaïde Favot, alors en maîtrise de droit.

La distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail, élaborée par la jurisprudence est difficile à mettre en oeuvre. La Cour de Cassation tente de systématiser la distinction, mais avec difficulté. Elle continue à pratiquer une analyse in concreto « sans se résoudre à une qualification ferme des éléments modifiés » (ESCANDE).
La question s’est posée en l’espèce à propos d’une salariée Mme DURANDAL, engagée par l’association LADAPT en 1989 en qualité de secrétaire à temps partiel qui a été licenciée en 1994 pour faute grave du fait de son refus des nouveaux horaires et d’une rétention d’information.
La salariée saisit alors les juges du fond pour le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel de Reims dans son arrêt du 11.02.1998 a débouté la salariée qui a alors formé un pourvoi en cassation.
La CA estimait que l’horaire de travail, et notamment la pause de midi, n’étaient pas un élément du contrat de travail et que le refus de la salariée de poursuivre l’exécution du contrat, aux conditions décidées par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction de l’entreprise constituait une faute grave.
La salariée estimait quant à elle que son refus n’était pas constitutif d’une faute grave car le nouvel horaire imposait à la salariée d’être présente à l’heure du déjeuner dont elle pouvait disposer précédemment, ce qui lui permettait de s’occuper de ses enfants d’âge scolaire.
La Cour de cassation s’est donc demandé si la modification portant sur l’horaire journalier d’un salarié travaillant à temps partiel et plus précisément la suppression de sa pause de midi constituait une modification du contrat de travail ou un simple changement des conditions de travail.
La chambre sociale de la Cour casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel estimant qu’en l’état actuel du texte applicable et à défaut d’une clause contractuelle expresse prévoyant l’horaire quotidien et le bénéfice de la pause de midi, l’employeur en changeant l’horaire et en demandant aux salariés de travailler pendant l’heure du déjeuner fait usage de son pouvoir de direction. Dès lors, le refus de la salariée de poursuivre l’exécution du contrat en raison, non d’une modification du contrat mais d’un simple changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice du pouvoir de direction, est fautif et rend la salariée responsable de l’inexécution du préavis qu’elle refuse d’exécuter aux nouvelles conditions.
Mais, elle précise en l’espèce, que le nouvel horaire imposait à la salariée d’être présente à l’heure du déjeuner dont elle pouvait disposer précédemment, ce qui lui permettait de s’occuper de ses enfants d’âge scolaire.
La cour rappelle donc le pouvoir conditionné que détient l’employeur pour changer les horaires de travail et plus précisément pour supprimer la pause de midi d’un salarié à temps partiel (I) et précise les effets du refus du salarié d’exécuter son contrat de travail aux nouvelles conditions. (II)

I) Le pouvoir conditionné de l’employeur de supprimer la pause de midi d’un salarié à temps partiel

Le changement d’horaire d’un salarié à temps complet est constamment pour la jurisprudence considéré comme relevant du pouvoir de direction de l’employeur (A). La Cour précise ici, qu’en matière de temps partiel, le changement d’horaire en l’absence de clause expresse le prévoyant est aussi un simple changement des conditions de travail (B).

A) Le changement d’horaire, simple changement des conditions de travail

La jurisprudence distingue la « modification du contrat de travail » et le simple « changement des conditions de travail ». La modification du contrat de travail ne peut être possible qu’avec l’accord du salarié, alors que le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur et peut être imposé au salarié sans son consentement. Dès lors, il est important de savoir ce qui relève du contrat de travail ou du pouvoir de l’employeur pour savoir si le salarié est en droit de refuser la modification.

Selon une jurisprudence constante, l’aménagement des horaires de travail relève du pouvoir de l’employeur. Pour un travail à temps complet en horaire de jour, il peut parfaitement changer les horaires d’entrée et de sortie, limiter la pause de midi, « ces aménagements du travail, même désagréables pour certains salariés, ne modifient pas l’armature du contrat », selon le conseiller WAQUET. L’employeur peut donc supprimer une pause de déjeuner ou augmenter l’amplitude de travail hebdomadaire sans que cette mesure soit qualifiée de modification contractuelle. Il fait usage de son pouvoir de direction.
Mais qu’en est –il pour le cas d’un salarié à temps partiel ? En effet, la durée du travail, la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ainsi que les conditions de la modification éventuelle de cette répartition font partie des mentions obligatoires que doit comporter le contrat de travail à temps partiel. Il en résulte que la durée du travail comme la répartition des heures de travail sur la semaine ou sur le mois constituent des éléments qui ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord du salarié, ce qui a conduit la Cour de Cassation à se montrer rigoureuse sur le libellé des clauses permettant une modification de cette répartition. Qu’en était –il de la modification portant sur l’horaire journalier du salarié, et plus précisément, de celle consistant en la suppression de la pause de midi ?
La cour a répondu qu’ « en l’état du texte applicable et à défaut d’une clause contractuelle expresse prévoyant l’horaire quotidien et le bénéfice de la pause de midi, l’employeur en changeant l’horaire et en demandant aux salariés de travailler pendant l’heure du déjeuner fait usage de son pouvoir de direction ».

B) « En l’état du texte applicable et en l’absence de clause contractuelle expresse »

S’agissant des textes applicables, on peut rappeler que depuis l’intervention de la loi du 19.01.2000, les conséquences du refus du salarié à temps partiel d’accepter une modification de la répartition de son horaire de travail ou encore un changement des horaires au sein de chaque journée travaillée sont définies par la loi. Désormais, la loi impose le principe de la communication par écrit au salarié de ses horaires de travail pour chaque journée travaillée dont les modalités doivent être fixées par le contrat de travail. En cas de changement des horaires journaliers figurant dans le document qui lui a été transmis, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement s’avère incompatible avec des « obligations familiales impérieuses, le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, une activité professionnelle chez un autre employeur ou une activité professionnelle chez un autre employeur ou une activité professionnelle non salariée ».On peut se demander si les raisons invoquées par la salariée « s’occuper de ses enfants d’âge scolaire » auraient été considérées comme suffisamment impérieuses.
Quoiqu’il en soit, la Cour relève l’absence de clause contractuelle expresse prévoyant l’horaire quotidien et le bénéfice de la pause de midi. En présence d’une telle clause, la solution aurait été toute autre dans la mesure où la modification aurait, en ce cas, porté sur un élément contractuel. Le refus du salarié n’aurait pu constituer par lui-même un motif de licenciement. Donc, comme le souligne Marie Cécile ESCANDE-VARNIOL, « la règle prétorienne est sauf contractualisation, les horaires de travail sont établis librement par l’employeur et peuvent être modifiés unilatéralement. » Ainsi, la faute commise par le salarié qui refuse un changement d’horaire de travail relèverait de l’insubordination ou de la violation des règles de discipline.
Le salarié ayant refusé la modification proposée, la haute juridiction précise également les incidences de ce refus pour l’intéressé.

II) Les effets du refus du salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail

Le refus de la salariée de poursuivre l’exécution de son contrat de travail est selon la Cour fautif, mais cette faute ne peut être qualifiée de grave en raison du motif du refus invoqué en l’espèce (A). De plus, son refus la rend « responsable de l’inexécution du préavis qu’elle refuse d’exécuter aux nouvelles conditions » (B)

A) L’exclusion d’une faute grave en raison de l’appréciation des faits d’espèce

Auparavant, le refus d’une modification des conditions de travail était constitutif d’une faute grave, que l’employeur pouvait sanctionner par un licenciement disciplinaire. Par la suite, la Cour de cassation a assoupli sa jurisprudence et posé en principe que le refus du salarié d’accepter un changement de ses conditions de travail ne constituait pas nécessairement une faute grave (Soc, 4.06.1998) Celle-ci pouvait être écartée par les juges du fond compte tenu notamment des circonstances du changement des conditions de travail (Soc, 3.04.1997) C’est ce qui est rappelé ici, car la Cour de cassation n’hésite pas à censurer les juges du fond pour avoir admis la faute grave sans s’attacher aux circonstances particulières du refus par la salariée de la nouvelle répartition de ses horaires de travail.
Ici, la situation personnelle de la salariée a conduit la cour à une appréciation in concreto. Comme le note JE RAY, « voilà du très subjectif dans un domaine dont la chambre sociale avait justement voulu l’exclure ».
La Cour va en effet prendre en compte des éléments très personnels lui permettant d’ « atténuer l’extrême sévérité de la sanction de l’insubordination »
Le refus n’est en l’espèce qu’une faute réelle et sérieuse.

B) La responsabilité de la salarié de l’inexécution de son préavis

L’employeur qui licencie un salarié à raison du refus par celui-ci d’un changement de ses conditions de travail, sans se prévaloir d’une faute grave, est fondé à lui imposer d’exécuter son préavis aux conditions nouvellement prévues (Cass, 25.11.1997) Et, si le salarié persiste dans son refus, il ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice du préavis qu’il a refusé d’exécuter.
Toutefois, il avait été jugé que le salarié licencié à tort pour faute grave à la suite de son refus catégorique d’une mesure n’emportant pas modification de son contrat pouvait prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis (Soc, 3.04.1997)
Cette décision semble donc remettre en cause la solution. Il semble que le droit à l’indemnité de préavis sera systématiquement écarté en cas de requalification du licenciement pour faute grave consécutif au refus du salarié d’un simple changement des conditions de travail. Pour la doctrine, cela est critiquable car « revient à présumer de ce que le salarié aurait refusé d’exécuter le préavis de ce que le salarié aurait refusé d’exécuter le préavis aux nouvelles conditions si l’employeur ne s’était pas placé, à tort, sur le terrain du licenciement pour faute grave ». Or, l’erreur de qualification du licenciement ayant été la cause première de l’inexécution du préavis, il n’est pas normal que le salarié en soit responsable.