Chapitre 9 : La rupture du contrat à l’initiative de l’employeur (le licenciement)

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Relations individuelles de travail (L3).

Il y a 2 grands motifs de licenciement :

  1. Le licenciement pour motif personnel : la raison du licenciement tient à la personne du salarié ;
  1. Le licenciement pour motif économique : la raison du licenciement tient à la situation de l'employeur / de l'entreprise.

Il existe aussi un motif sui generis : le salarié peut être licencié lorsqu’il refuse des mesures d'application d'un accord de performance collective.
L’ordonnance de 2017 a ajouté un autre motif
sui generis : le contrat d'opération de chantier est un CDI conclu pour une opération ou pour un chantier en particulier → la fin de l’opération constitue un motif de licenciement ni personnel ni économique.

Lorsque le salarié est directement personnellement mis en cause lors de la rupture du contrat, il va avoir tendance à contester, alors qu’il n’y a que 6% de contentieux sur les licenciements économiques (ce qui est très peu !).

Section 1 : Le licenciement pour motif personnel

Le droit du licenciement a fait l'objet d'une législation spéciale, qui existe depuis une loi de 1973.
Cette loi est importante, puisque pour la 1ère fois dans notre législation de droit privé, le législateur vient règlementer le droit de rompre un contrat à durée indéterminée.

Auparavant, les salariés étaient très peu protégés, mais ça ne posait pas problème puisqu'il s'agissait d'une époque de plein emploi.
Cette loi s’inscrit dans le contexte du 1er choc pétrolier, qui marque le début d'une crise économique dont on n'est jamais totalement sortis.
En théorie, il découle du droit constitutionnel de la liberté contractuelle un droit pour l'employeur de mettre fin au contrat.

Il existe 2 techniques cumulatives pour assurer une relative protection du salarié :

  1. Une motivation : on exige un motif de rupture, dans l’objectif d’éviter le caractère discrétionnaire ou arbitraire de la rupture.
    Le juge peut éventuellement contrôler ce motif.

    Le motif doit être objectif, réel et sérieux → ça n’est pas n'importe quel motif subjectif dont l'employeur pourrait faire état.
    Cette exigence limite la rupture : l'employeur doit avoir objectivement une bonne raison de mettre fin au contrat.

    Ces motifs doivent être énoncés dans une lettre de licenciement dont le salarié est destinataire.

  1. Une procéduralisation permet d'éviter la rupture instantanée, qui peut être une rupture d'humeur.
    L’objectif est que l'employeur renonce au licenciement.
    En effet, le chômage endémique depuis 1974 fait que priver un salarié de son emploi a des conséquences très fortes, surtout si celui-ci est âgé.

    L’intégration du facteur temps permet éventuellement de revenir sur la décision.
    Ça n'est qu'après la lettre de licenciement que le licenciement devient effectif.
    Toutefois, en pratique, en matière de licenciements personnels, il est rare que l'employeur renonce au projet.

§ 1. Le motif de licenciement

Le motif est par nature inhérent à la personne du salarié, mais il n'est pas défini par la loi.
Tout au plus, la loi exige que le motif soit réel et sérieux.
La réalité du motif implique qu'il repose sur des faits objectifs, matériellement vérifiables.
Le
sérieux du motif implique une adéquation de la rupture aux faits invoqués.

Il existe 2 axes d'appréciation du sérieux d'un motif :

  1. On regarde, du point de vue de l'employeur, la répercussion du fait imputé au salarié sur l'exécution de la prestation qui en est attendue.
    Il faut que la prestation pour laquelle le salarié a été recruté soit affectée par sa faute et que l'employeur n'obtienne pas ce qu'il est légitimement en mesure d'attendre.
  1. On regarder, du point de vue de l'employeur, les conséquences de la perte d'emploi pour le salarié.
    Le licenciement a des conséquences personnelles qui peuvent être très importantes pour le salarié : il faut que le motif de licenciement soit suffisamment sérieux pour justifier ses conséquences sur la situation personnelle du salarié.

Ce qui marque l'évolution de la jurisprudence depuis 1973, c'est une recherche d'objectivité.
→ Objectivation du motif de licenciement.

Le motif de licenciement ne peut pas être tiré d'un fait de la vie personnelle, mais des exceptions existent, développés par une jurisprudence spéciale.

A – L'objectivation du motif de licenciement

Dans la pratique, il y a forcément une part de subjectivité.

Par exemple, le motif du licenciement pour perte de confiance renvoie à l’idée que le comportement du salarié, sans être fautif, conduit en ce que l'employeur n'a plus confiance en lui.
La jurisprudence a admis qu'un salarié soit licencié parce que l'employeur avait eu une joute verbale avec la femme du salarié.

On distingue 2 catégories :
1- les motifs tenant à la capacité du salarié à exercer ses fonctions ;
2- les motifs tenant à la faute du salarié.

1) Les motifs tenant à la capacité du salarié à exercer ses fonctions

Ici, il n'y a pas de faute du salarié : il n'apporte simplement plus satisfaction à l'employeur ou ne peut plus exercer ses fonctions de manière satisfaisante.
Il ne s'agit pas d'un licenciement disciplinaire : l'employeur n'a aucune faute à reprocher au salarié.

On trouve 3 types de motifs :

  1. L’insuffisance professionnelle : la prestation fournie par le salarié n'est pas à la hauteur de ce que l'employeur en attend objectivement.
    En pratique, beaucoup d'entreprises ne l'utilisent jamais.
    En effet, si le salarié a été récemment recruté, on pourra reprocher à l'employeur de ne pas avoir rompu la période d'essai ; tandis que si le salarié a une grande ancienneté, on pourra dire que s'il est resté si longtemps dans l'entreprise c'est qu'il est compétent pour exercer ses fonctions.

    On ne pourra pas non plus dire qu'il n'a pas su s'adapter à l'adaptation de son poste, puisque l'employeur a une obligation de formation du salarié à l'adaptation de son poste et à son maintien dans l'emploi (article L6321-1 du Code du travail).
    💡 Si le salarié a refusé une formation, alors le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé.

  1. Les absences prolongées ou répétées du salarié, à la double condition :
    1- qu’elles perturbent le fonctionnement de l'entreprise ; et
    2- qu'elles rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié.

    Ces absences ne doivent surtout pas être justifiées par l'état de santé du salarié : ça serait discriminatoire !
    La Cour de cassation admet que le remplacement soit encore en cours au moment du licenciement.
    Dans un arrêt du 17 novembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que, dans le mesure où le salarié ne peut pas résilier un préavis, le salarié licencié pour un motif d'absence prolongée n'a pas droit à une indemnité de préavis.

  1. L’inaptitude : le résultat d'une maladie ou d'un accident du travail fait que le salarié n'est plus apte à exécuter ses fonctions.
    Le salarié qui fait l'objet d'un arrêt de travail durable doit être examiné par un médecin du travail sur sa demande ou à la demande de l'employeur.
    La médecine du travail ne peut qu'examiner et donner des avis → le médecin du travail ne peut pas soigner / faire de prescriptions.
    À l'issue de la visite, le médecin peut conclure à l'inaptitude du salarié → il n'est plus apte à exécuter dans les mêmes conditions les missions précédentes.

    C'est évidemment une contrainte pour l'employeur.
    Il doit rechercher un reclassement du salarié au sein de l'entreprise à un poste qu'il est susceptible d'occuper
    ou doit procéder aux aménagements permettant au salarié de poursuivre son activité : l'employeur ne peut pas licencier tout de suite le salarié.
    Il est possible de contester l'avis du médecin sous 15 jours devant le conseil des prud'hommes.

    Suivant le principe constitutionnel de la liberté contractuelle, l'employeur n'a pas d'obligation de créer un poste.
    Dans un arrêt du 29 mars 2023, qui a fait beaucoup de bruit, la Cour de cassation estime que, s'il est possible de maintenir le salarié à condition de le passer en télétravail à 100%, l'employeur en a l'obligation.


2) Les motifs tenant à la faute du salarié

Le Code du travail ne définit pas la faute et la jurisprudence n'a pas posé de seuil de gravité.
Cependant, il y a un principe de proportionnalité : il faut que la faute soit assez grave pour justifier le licenciement.

Cette gravité peut tenir à un fait unique, mais parfois elle vient de la répétition de faits.

On identifie 2 types de fautes :

  1. La faute grave est une faute d'une gravité telle qu'elle empêche le maintien du salarié dans l'entreprise (y compris pendant la période de préavis).
    Elle prive le salarié de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement.
  1. La faute lourde est une la faute intentionnelle du salarié qui avait une intention de nuire.
    Elle est encore plus grave, mais elle est rarement caractérisée.
    C’est la seule faute qui permet d'engager la responsabilité personnelle du salarié.

La Cour de cassation décide, par une jurisprudence constante, que si la faute grave n'est pas caractérisée, le licenciement peut tout de même être fondé sur un motif objectif et sérieux.
Cela invite les entreprises à se diriger vers la faute grave, car si la faute n'est pas caractérisée il suffira juste de payer les indemnités et le licenciement peut quand même être valable.

Le droit du travail ne définit pas la faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire.
Il renvoie au droit commun, qui n'est pas plus explicite (article 1240 du Code civil).

Là où le droit civil admet des fautes qui présentent un certain degré de gravité, que l'on appelle fautes qualifiées, le droit du travail en admet 2 :
> la faute grave : celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
> la faute lourde : la faute intentionnelle qui démontre une intention de nuire du salarié.

Quelques fautes que l'on retrouve de manière récurrente dans la jurisprudence :

  • L'insubordination du salarié, lorsqu'il n'exécute pas les directives qui lui sont données, constitue une faute qui peut fonder un licenciement.
    Les juges effectuent ici un contrôle de proportionnalité.
    ⚠️
    Il ne faut pas confondre l'insubordination (motif disciplinaire) et l'insuffisance professionnelle (motif non disciplinaire).
  • Le manquement à l'obligation de loyauté, telle que la concurrence déloyale, est une faute qui fonde systématiquement un licenciement.
    Les conseils de prud'hommes sanctionnent toujours la concurrence déloyale.
  • Les incivilités, qui incluent des comportements que l'on considère inacceptables alors même qu'ils n'affectent pas nécessairement l'exécution de la prestation de travail, constituent une faute qui peut fonder un licenciement.
    On y retrouve la consommation de produits interdits + la consommation d'alcool.
    On y trouve également les situations de harcèlement : non seulement l'employeur peut sanctionner le salarié, mais il a tout intérêt à le faire.
  • L'abandon de poste est la situation dans laquelle le salarié cesse de venir au travail sans motif légitime. C'est une faute qui peut fonder un licenciement disciplinaire.

    Par une loi du 21 décembre 2022, le législateur a institué une présomption de démission dans l'hypothèse où le salarié a cessé de se rendre à son poste de travail.
    Ce texte, qui ne présente pas un grand intérêt, semble avoir été pris dans l’unique but de faire faire des économies à Pôle Emploi.

    En droit, cette nouvelle procédure consiste à mettre en demeure le salarié absent de justifier son absence et de reprendre ses fonctions, dans un délai fixé par l'employeur (minimum 15 jours).
    Si le salarié ne revient pas, il y a démission présumée, avec un intérêt certain pour l'État : le salarié présumé démissionnaire ne pourra pas bénéficier des indemnités chômage.
    La loi elle-même prévoit que le salarié peut contester cette démission présumée en rapportant la preuve d'un motif légitime d'absence (par exemple, droit de retrait, dépression…). Les effets seront alors imputés à l'employeur.
    Pour l'employeur, aller sur ce nouveau terrain est donc risqué ; il a plus intérêt à faire un licenciement pour faute, même s'il a le choix.

B – Le motif de licenciement tiré de la vie personnelle du salarié

En principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas être une cause de licenciement.
La notion de vie personnelle, utilisée par la Cour de cassation, est plus large que celle de vie privée : c'est tout ce qui ne regarde pas l'employeur.

Ce principe se justifie par le droit au respect de la vie privée + par le fait que le pouvoir disciplinaire ne peut pas s'exercer en dehors de la relation de travail.

La première exception à ce principe est ancienne :
Cass. soc., 17 avril 1991, Painsecq :
M. Painsecq est aide-sacristain à la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris), qui a refusé la réforme de Vatican 2. À la suite d'une indiscrétion, la paroisse apprend qu'il est homosexuel et le licencie. Il conteste son licenciement sur le terrain de la vie privée.
La Cour de cassation pose le principe qu'un fait tiré de la vie privée ne justifie pas un licenciement. Elle apporte un tempérament : elle admet que le trouble caractérisé résultant du fait de vie privée peut justifier un licenciement.
Autrement dit, si le fait tiré de la vie personnelle ne peut pas en lui-même justifier un licenciement, le trouble caractérisé (= la perturbation que ce fait apporte dans le fonctionnement de l'entreprise) qui en résulte peut constituer une cause objective de licenciement.

C'est plus une limite qu'une exception au principe : la cause de licenciement n'est pas le fait de vie privée lui-même, mais le trouble caractérisé qui en a résulté.

⚠️
Il s'agit d'un licenciement non disciplinaire !

Exemple : lors de l’affaire dite de la “ligue du LOL”, certains employeurs ont licencié les salariés concernés face à l'émoi, mais les juges du fond n'ont pas adhéré. Ici, le trouble caractérisé était assimilé à la dégradation de l'image des employeurs.

La Cour de cassation a franchi un nouveau cap par un arrêt du 3 mai 2011, dans lequel elle a affirmé "qu'un fait personnel ne peut pas justifier le licenciement du salarié, sauf s'il caractérise un manquement à une obligation découlant du contrat de travail".
Elle réaffirme ainsi le principe tout en permettant désormais à l'employeur d'aller sur le terrain disciplinaire (le manquement à une obligation découlant du contrat de travail est une faute).

Exemples :

  • Cass. soc., 8 novembre 2011 : une personne qui a des fonctions de gardiennage d'un centre d'hébergements de mineurs est licenciée après que l'on retrouve dans son logement des revues pédopornographiques, ce qui est un fait relevant de la vie privée.
    La Cour de cassation relève un manquement à une obligation découlant du contrat de travail qui justifie le licenciement du salarié. En effet, elle relève que le salarié avait utilisé sans autorisation la photocopieuse de l'établissement pour reproduire les images en question.
    Cette jurisprudence permet à l'employeur d'aller sur le terrain disciplinaire, ce qui permet de licencier le salarié sans préavis, ce que ne permettait pas la notion de trouble caractérisé.
  • Cass. soc., 27 mars 2012 : un steward d'une compagnie aérienne consomme du cannabis pendant une escale (le dossier ne permettait pas de savoir s'il était encore sous emprise lorsqu'il a repris le vol). À posteriori, la compagnie l'apprend et le licencie, ce qu'il conteste.
    La Cour de cassation conclut qu'il y a eu un manquement aux obligations découlant du contrat, considérant que compte tenu des fonctions en termes de sécurité du personnel navigant, ceux-ci doivent s'abstenir de consommer des stupéfiants.

Problème : la notion d'obligation découlant du contrat de travail est très vaste. On peut y introduire des devoirs d'ordre moral ou éthique.
On peut considérer que, de ce point de vue-là, la jurisprudence va trop loin et devient moralisatrice.
Exemples de ce glissement vers l’éthique :

  • Cass. soc., 28 novembre 2012 : un éducateur d'un centre d'hébergement de mineurs handicapés a une histoire d'amour platonique avec l'une des mineures du centre (15 ans) ; il n'ose pas alerter sa hiérarchie et lui répond que lui aussi l’aime, mais il ne se passe rien.
    Quand la mineure devient majeure et n'est plus hébergée dans le centre, la relation devient sexuelle, ce que l'employeur apprend ; il licencie l'éducateur, considérant qu'il s'agit d'une violation du code éthique. La Cour de cassation admet le licenciement, ce qui semble regrettable.
  • Cass. soc., 31 mars 2021 : un responsable d'une agence accepte des cadeaux importants de la part des clients.
    La Cour de cassation juge que cette acceptation constitue un manquement aux obligations découlant du contrat, et plus précisément un manquement au code de bonne conduite en vigueur dans l'entreprise.
    Pourtant, accepter des cadeaux relève de la vie personnelle – cela semble être un moyen détourné de faire produire des effets au code de bonne conduite alors même qu'il n'a pas été annexé au règlement intérieur.

Une troisième exception au principe a été apportée par un arrêt du 8 juillet 2020 : lorsque les faits de vie personnelle se rattachent à la vie professionnelle.
Cette dernière exception trouve ses prémices dans 2 arrêts de 2011 et 2012, à propos de faits de harcèlement sexuel commis en dehors du temps et du lieu de travail.

Cass. soc., 4 octobre 2023 :
Lorsque des infractions au Code de la route reprochées au salarié ont été commises lors de ses temps de trajet avec le véhicule mis à sa disposition, lequel n'a commis aucun dommage, les infractions ne peuvent être regardées comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat ni comme se rattachant à sa vie professionnelle, si bien que ces faits de la vie personnelle ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire.
Le "ni" montre bien qu'il s'agit de 2 exceptions différentes.

§ 2. La procéduralisation du licenciement

Cette procéduralisation permet éventuellement d'éviter la rupture du contrat.
Objectif : ne pas faire du licenciement une décision instantanée.

Cette procéduralisation consiste en une succession de phases.

La première phase consiste en la tenue d'un entretien préalable au licenciement.
La possibilité est donnée au salarié de s'expliquer, de se justifier et éventuellement de convaincre l'employeur de revenir sur sa décision, au cours d'un entretien préalable auquel il est convoqué.
Pour l'instant, la Cour de cassation n'exige pas que la convocation comprenne les motifs de l'éventuel futur licenciement.

Le droit permet au salarié d'être assisté au cours de cet entretien par un tiers – généralement, un autre salarié de l'entreprise (un élu ou un représentant syndical).
Ça n'est pas une obligation : le salarié n'est pas tenu d'être assisté.

Une question reste en suspens : est-ce que l'entretien préalable peut se tenir à distance ?
Les juges du fond semblent y être favorables.

Si l'employeur persiste dans sa décision de licencier le salarié, il doit respecter un délai de 48 heures, conçu pour lui laisser le temps de réfléchir.
48 heures après l'entretien préalable, l'employeur peut notifier la décision de licencier.
Il doit respecter un formalisme : il faut une lettre de licenciement, adressée au salarié sous la forme d'un recommandé avec avis de réception (article L1232-6 du Code du travail).
La pratique et la Cour de cassation admettent la remise en main propre en contrepartie d'une décharge (c'est ce qui est pratiqué le plus souvent dans les faits).

Le formalisme porte aussi sur le contenu de la lettre : la lettre de licenciement doit indiquer et préciser le ou les motifs de licenciement invoqués par l'employeur pour fonder la rupture du contrat.
La Cour de cassation admet que l'on peut invoquer à la fois un motif non disciplinaire et un motif disciplinaire.

L'article L1235-2 du Code du travail dispose que "la lettre de licenciement fixe les limites du litige".
Cela signifie que l'employeur, en cas de contentieux, ne pourra pas invoquer d'autres motifs que ceux énoncés dans la lettre.

Si l'employeur ne peut pas ajouter un nouveau motif, il peut en revanche préciser les motifs énoncés dans la lettre (nouveauté de l'ordonnance du 22 septembre 2017).
Cette précision peut être apportée de sa propre initiative par l'employeur dans un délai d'1 mois.
Cette précision peut aussi être apportée sur demande du salarié.

Cet ajout de 2017 casse une jurisprudence antérieure, que l’on pouvait considérer critiquable, qui considérait que l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement (qui n'est juridiquement qu'un vice de forme !) privait le licenciement de cause réelle et sérieuse.
→ L'insuffisance de motivation était assimilée à une absence de motif !

Désormais, si le salarié n'a pas demandé à l'employeur de préciser les motifs, l'insuffisance de motivation sera un simple vice de forme (→ maximum 1 mois de salaire d'indemnité).
Ce n'est que dans le cas où le salarié a demandé à l'employeur de préciser les motifs et que l'insuffisance de motivation subsiste qu'il y a absence de cause réelle et sérieuse.
En pratique, la plupart des salariés ne demandent pas la précision des motifs, parce qu'ils ne connaissent pas cette possibilité.

Une fois la lettre de licenciement envoyée ou remise en main propre au salarié, ce qui est vrai en droit commun est codifié en droit du travail : l'employeur doit laisser au salarié un délai de préavis avant que celui-ci ne quitte l'entreprise.
Le contrat est rompu, mais la relation de travail se poursuit pour les besoins du préavis.
La plupart du temps, la durée du préavis est prévue par des accords collectifs.

L'employeur peut dispenser le salarié du préavis, mais il doit l'indemniser (lui verser les salaires qui auraient été versés). C'est assez fréquent dans les licenciements pour faute.
💡 La faute grave prive le salarié du préavis et de l'indemnité qui l'accompagne.

Pourquoi ce préavis ?
Le préavis est créé dans une période de plein emploi. Elle avait pour objectif de laisser au salarié le temps de se retourner et de retrouver un emploi.
Aujourd'hui, il est souvent plus compliqué de trouver un emploi → le préavis a perdu de sa philosophie.

Il peut y avoir encore des obligations post-contractuelles qui régissent l'après-contrat.
Par exemple, l'obligation de confidentialité se développe aujourd'hui de manière inquiétante.

La clause de non-concurrence est la plus courante.
Elle réduit la liberté de travailler du salarié, notamment dans des domaines de spécialité.
La clause n'est donc valable qu'au prix de conditions cumulatives :

  • Elle doit être limitée dans l'espace ;
  • Elle doit être limitée dans le temps ;
  • Elle ne doit pas priver le salarié de toute possibilité de retrouver un emploi ;
  • Elle doit comporter une contrepartie financière, calculée au regard des éléments précédents. Cette contrepartie financière est souvent prévue par les conventions collectives.
    Si l'indemnité est dérisoire, la clause est nulle.

En revanche, la Cour de cassation a admis que si la clause est excessive dans le temps ou dans l'espace, elle peut être réduite par le juge.
Le professeur Grégoire Loiseau souligne que cela conduit à monétiser une atteinte à une liberté fondamentale, ce qui n'est pas évident sur le principe…

La clause de renonciation à la clause de non-concurrence permet à l'employeur de renoncer à l'obligation de non-concurrence du salarié.
En renonçant ainsi à l'obligation de non-concurrence, l'employeur se libère de son obligation de verser la contrepartie financière !
La Cour de cassation valide ces clauses, mais précise que l'employeur doit lever cette clause au plus tard au jour de l'effectivité de la rupture.

En pratique, il est devenu courant que la clause post-contractuelle comporte une clause pénale.

§ 3. Les conséquences financières du licenciement

Le licenciement ouvre droit au salarié à une indemnité, qui a pour objet de réparer le préjudice tenant à la perte d'emploi.
En pratique, l'indemnité de licenciement est le plus souvent déterminée par les accords collectifs de travail. Elle peut être fixée par le contrat.

Comme le préavis, l'indemnité de licenciement n'a pas à être versée en cas de faute grave ou de faute lourde.
Hormis cette exception, l'indemnité est due même si le licenciement repose sur un motif réel et sérieux !

Lorsque l'indemnité de licenciement est contractuelle, la Cour de cassation la qualifie de clause pénale. Cette qualification est aujourd'hui discutée par la doctrine.
Cela permet au juge de réduire l'indemnité de licenciement lorsqu'elle est manifestement excessive.

À cette indemnité s'en ajoutent d'autres lorsque le licenciement est vicié (irrégularité de forme ou de fond).

Le vice de forme est une irrégularité procédurale : le salarié n'a pas eu d'entretien préalable, la lettre de licenciement est insuffisamment motivée…
La sanction est d'1 mois de salaire maximum.

Cette sanction ne se cumule pas avec celle due en cas de vice de fond.

Le vice de fond désigne le licenciement non fondé. On distingue 2 types d'irrégularités :
1- le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2- le licenciement nul.

A – Le licenciement sans cause réelle et sérieuse

💡 Il faut éviter l'expression "licenciement abusif", qui est aujourd'hui datée.

Lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le principe en droit français est que la sanction est pécuniaire.
Autrement dit, le salarié dont le licenciement est irrégulier n'a pas le droit d'être réintégré.
Si l'employeur est d'accord, il peut y avoir réintégration, mais cela est très rare.
La protection de l'intérêt des entreprises a ici primé (peut-être pourrait-on y avoir une manifestation de la liberté d'entreprendre ?)

L'ordonnance du 22 septembre 2017 a décidé, de manière très critiquable, d'établir un barème fixant en nombre de mois de salaire le montant des dommages-intérêts, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Ce barème est aujourd'hui appelé "barème Macron". Il est prévu à l'article L1235-3 du Code du travail.
Il est critiquable parce qu'il enferme les dommages-intérêts dans un standard, quels que soient les dommages réellement subis par le salarié.

Dans la pratique, les barèmes sont intéressants lorsqu'ils indicatifs.
Avec le barème Macron, c'est la première fois que le législateur français rend un barème impératif.

Objectif : rendre prévisible les dommages-intérêts dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour ne pas dissuader les investisseurs étrangers de s'installer en France.

L’exemple est courant en pratique d’un salarié senior qui a peu d'ancienneté mais dont les chances de retrouver un emploi sont très basses : le préjudice qu'il subira sera très important, mais il sera très peu indemnisé.

Ce barème Macron continue aujourd'hui de susciter des crispations, et notamment des hostilités très fortes dans certaines entreprises.
Ces critiques ont conduit à remettre en cause la validité de ce barème sur le droit conventionnel.
Des cours d'appel résistent encore à cette jurisprudence, mais ces arrêts sont à chaque fois censurés par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Le barème Macron est considéré par une grande partie de la doctrine comme insuffisant, et s'inscrit dans un mouvement plus large de déjudiciarisation du droit du travail.
En effet, si l'enjeu n'est que de 15 jours de salaire, le salarié ne va pas au contentieux.
Depuis le barème Macron, on observe une diminution du contentieux individuel du travail, les parties préférant souvent transiger.
→ Le barème mériterait peut-être d'être revu.

⚠️
Il ne faut pas confondre :
  • ces dommages-intérêts dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; et
  • l'indemnité de licenciement qui est due à tous les salariés (sauf en cas de faute grave ou de faute lourde) victimes d'un licenciement, qui sert à compenser la perte d'emploi.

B – Le licenciement nul

Le licenciement est nul lorsqu'il est prononcé en violation d'une liberté fondamentale ou lorsque le licenciement est prononcé à l'encontre d'un salarié victime de harcèlement ou d'un salarié victime de discriminations.

D'une manière générale, la nullité vient d'une atteinte à un droit considéré comme fondamental.
Exemples : abus non caractérisé de la liberté d'expression ; licenciement qui viole la liberté religieuse ; licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié qui mène une action en justice contre l'entreprise…

Le licenciement est également nul lorsqu'il est prononcé à l'encontre d'une personne qui bénéficie d'un régime de protection : maladie, congé paternité ou maternité… sauf lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave ou pour impossibilité de poursuivre le contrat.

Un autre cas de nullité est le licenciement des salariés exerçant une fonction de représentation (par exemple, les délégués syndicaux) : ceux-ci ne peuvent être licenciés qu'avec l'accord de l'inspection du travail.

La liste n'est pas exhaustive, mais on constate que le périmètre de cette nullité est très large, d’autant plus que la Cour de cassation pourrait continuer à reconnaître de nouveaux cas de nullité.

Le licenciement nul a pris un intérêt particulier depuis l'ordonnance de 2017, pour plusieurs raisons :

  1. Le salarié dont le licenciement est nul peut exiger sa réintégration, contre la volonté de l'employeur.
  1. À défaut d'exercer ce droit, le salarié peut obtenir une indemnisation au moins égale au salaire des 6 derniers mois → le barème Macron ne s'applique pas.

💡 La réintégration est un droit, même si le salarié n'entend pas ensuite rester dans l'entreprise.
Autrement dit, même si le terme n'est pas utilisé, il est traité comme un droit discrétionnaire : le salarié peut demander sa réintégration et démissionner le lendemain.

En effet, la Cour de cassation précise qu'en cas de réintégration, le salarié peut obtenir le paiement des salaires qui auraient dû être versés entre le jour du licenciement et le jour de la réintégration, déduction faite des revenus de remplacement (par exemple, si le salarié a eu un autre emploi ou s'il a perçu des indemnités chômage).
Cela est d’autant plus intéressant qu’en raison des délais procéduraux, la réintégration est souvent prononcée 3 à 5 ans après le licenciement.

La demande de réintégration formée en appel est recevable.

Aujourd'hui, les plaideurs vont de plus en plus sur le terrain du licenciement nul.

Section 2 : Le licenciement pour motif économique

Le motif économique tient à la situation de l'entreprise.
La raison est conjoncturelle et les raisons sont étrangères au salarié
(qui le vit en conséquence d'autant plus mal, puisqu'il ne peut pas se défendre…).
Puisque le licenciement économique ne tient pas à la personne du salarié, il est souvent vécu comme étant injuste.

Pour autant, il ne faut pas surévaluer le licenciement économique, qui est beaucoup plus rare qu'on ne le pense : il ne représente qu'environ 5% des ruptures de CDI.
À titre de comparaison, les ruptures conventionnelles représentent plus de 12% des ruptures de CDI.

Le contentieux est beaucoup plus faible : il représente moins de 3%, tandis que le contentieux pour motifs personnels est aux alentours de 30%.

Objectif : ne pas décourager les entreprises de prononcer des licenciements économiques, parfois pour des motifs pas forcément sérieux ("licenciements boursiers").
Il faut avoir conscience que ces licenciements sont souvent suspects : il y a souvent des licenciements de convenance / de rentabilité.

Le droit des licenciements économiques est très évolutif : chaque gouvernement essaye de trouver des solutions pour permettre les licenciements économiques tout en évitant les excès en la matière.

Entre 1975 et 1986, en plein dans la crise économique liée aux krachs boursiers, les licenciements économiques devaient être approuvés par l'administration, qui contrôlait s'ils étaient justifiés.
L'autorisation du licenciement disparaît en 1986 et la compétence est redonnée, pour les contentieux individuels, aux conseils des prud'hommes, et pour les contentieux collectifs, aux tribunaux judiciaires.

Les juges du tribunal judiciaire se montreront particulièrement stricts à l'égard des licenciements économiques.
Dans les années 2010, de nombreux plans de licenciement (des plans de sauvegarde de l'emploi – PSE) sont rejetés par les juges, ce qui conduit à une réaction des organisations patronales (et notamment du MEDEF) qui demandent un changement de législation, qui sera opéré par la loi du 14 juin 2013.

En effet, dans les années 2010, certains juges judiciaires avaient politisé les plans de licenciement.
Dans une décision, la cour d'appel de Paris a considéré que le juge des référés peut être saisi de la contestation d'un plan de licenciement si la cause économique n'est pas évidente et qu’il peut suspendre le plan de licenciement indéfiniment !
Cette décision "coup d'éclat" a séduit le TGI de Nanterre, dont la section sociale était composée de 3 magistrates que l'on surnommait "les 3 rouges", qui faisaient passer leurs convictions politiques et qui ont bloqué tous les plans de licenciement des entreprises de La Défense à partir de 2010.

La loi du 14 juin 2013 distingue 2 catégories de licenciements économiques :

  1. Les grands licenciements économiques ("licenciements PSE") sont soumis, en ce qui concerne la procédure, au contrôle de l'administration du travail (dont le contentieux relève du juge administratif).

    Ils supposent 3 conditions cumulatives :

    1. Un entreprise supérieure à 50 salariés ;
    1. Procède au licenciement d'au moins 10 salariés ;
    1. Sur une période de 30 jours.

    Les contentieux individuels continuent de relever de la compétence du conseil des prud'hommes.

  1. Les petits licenciements économiques, qui correspondent à la situation où au moins 1 des 3 conditions n'est pas remplie, obéissent au régime antérieur : la compétence relève du tribunal judiciaire en ce qui concerne la procédure + du conseil des prud'hommes pour le contentieux individuel.

Historiquement, la 2ème évolution qui s'est faite a consisté à généraliser l'application des règles du licenciement économique à toutes les ruptures de contrat fondées sur un motif économique.
Étaient concernés à l'époque les plans de départs volontaires (PDV), qui sont des ruptures pour motif économique d'un commun accord (les salariés sont volontaires pour quitter l'entreprise).
Le risque était que ces ruptures conduisent à une moindre protection des salariés.

Cela a conduit le législateur, en 1992, à poser le principe selon lequel le droit du licenciement économique s'applique à toute rupture pour motif économique ("amendement Mendon").
Ce principe est aujourd’hui posé à l’article L1233-3 du Code du travail.

Depuis, cette généralité a subi 2 exceptions :

  1. Une loi de 2008 introduit la rupture conventionnelle, qui déroge aux règles du licenciement économique.
    → Une rupture conventionnelle individuelle ou homologuée peut avoir une cause économique.
  1. L’ordonnance du 22 septembre 2017 prévoit que la rupture conventionnelle collective obéit à ses propres règles, qui ne sont pas celles du licenciement pour motif économique.
    Objectif : flexibiliser les ruptures pour motif économique.

Les nouvelles ruptures conventionnelles collectives (RCC) se développent très bien, mais cette flexibilité accrue ne va pas dans le sens des intérêts des salariés.

On retrouve les 2 grands actes dégagés en 1973 : l'exigence d'un motif de licenciement + la procéduralisation de la rupture.

§ 1. Le motif du licenciement économique

À la différence du motif personnel que la loi ne définit pas, le Code du travail définit le motif économique de licenciement.

L'article L1233-3 du Code du travail décompose la définition en 3 éléments :

  1. Le motif économique est tout d'abord un élément "non inhérent" à la personne du salarié.
    Il s'en infère des conséquences en droit.
  1. "résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi" ou encore d'une "modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail".
  1. "consécutives notamment à des difficultés économiques, à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, à des mutations technologiques, ou à la cession d'activité".

Les 2 premiers éléments constituent la cause qualificative du licenciement économique, tandis que le 3ème élément constitue sa cause justificative (→ le motif réel et sérieux).
On distingue ainsi la cause qualificative de la cause justificative :

A – La conception du motif de licenciement

1) Les éléments déterminant le caractère économique du licenciement : la cause qualificative

Le premier élément est un "motif non inhérent à la personne du salarié".
Cela revient à considérer que, chaque fois qu'un motif d'ordre personnel n'est pas caractérisé, le licenciement présente nécessairement un caractère économique.

Qu’en est-il de l’hypothèse d'un transfert de toute ou partie de l'entreprise donnant lieu à un transfert des contrats de travail, en application de l'article L1224-1 du Code du travail ?
Il n'est pas rare que les contrats de travail se trouvent modifiés à l'occasion de leur transfert (par exemple, mutation géographique). Il est très fréquent que les salariés refusent cette modification ; le cessionnaire n'a pas d'autre choix que de les licencier.
C'est un licenciement économique, parce que ce n'est pas un motif personnel.
Problème : le plus souvent, l'entreprise cessionnaire n'a pas de motif économique → le licenciement se trouve sans cause réelle et sérieuse.

Il faut que le motif non inhérent à la personne du salarié résulte d'une suppression d'emploi (les juges sont vigilants : la suppression d'emploi doit être "définitive" sur une échelle de temps relative), d'une transformation d'emploi (l'article L6241-1 du Code du travail oblige l'employeur à former les salariés à l'évolution de leur emploi) ou d’une modification du contrat refusé par le salarié (le salarié a 1 mois pour faire connaître son refus de la modification).


2) Les éléments constitutifs de la cause économique du licenciement : la cause justificative

L'article L1233-3 envisage 4 motifs économiques :

  1. Des difficultés économiques ;

    C’est un motif qui est lié à la conjoncture économique. Il doit se traduire par des difficultés actuelles et certaines qui affectent gravement l'activité de l'entreprise.
    En droit du travail, les choses ont été rendues plus simples par la loi Travail du 8 août 2016, qui donne des éléments de référence pour caractériser les difficultés économiques. Cela simplifie la tâche des entreprises.
    Ces éléments tiennent à une évolution significative d'un indicateur économique (baisse des commandes, baisse du chiffre d'affaires, pertes d'exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation).
    Il y a même des critères quant à la durée de la baisse en fonction de la taille de l'entreprise.

    Ce droit très précis participe au mouvement de déjudiciarisation du droit du travail, poursuivi par l'ordonnance du 22 septembre 2017.

  1. Une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de compétitivité (souvent abrégée en "sauvegarde de compétitivité") ;

    C'est un motif difficile à établir, puisqu'on est dans une situation d'anticipation de difficultés prévisibles.
    2 éléments sont à retenir : 1- il faut que des difficultés économiques soient prévisibles ; 2- il faut que l'entreprise puisse se réorganiser pour affronter ces difficultés.
    Idée : il vaut mieux supprimer 10 postes que d'attendre des difficultés qui conduiront à en supprimer 50.

    S'il est assez aisé d'établir des difficultés économiques, la sauvegarde de compétitivité a une amplitude plus large et est donc plus vague, ce qui conduit à en faire un motif volontiers évoqué par les entreprises → c’est un motif "passe-partout".
    Ce motif de licenciement est donc hautement surveillé par les juges.

  1. Les mutations technologiques ;

    Les mutations technologiques constituent un motif autonome : elles peuvent justifier des licenciements économiques même si l'entreprise n'est pas en difficulté et ne risque pas de l'être.
    L'adoption de l'IA Act, qui réglementera les outils d'intelligence artificielle à hauts risques, risque d'accélérer les licenciements pour mutations technologiques.

  1. La cessation d'activité.

    La Cour de cassation précise depuis très longtemps qu'elle doit être totale et définitive.
    Ainsi, la fermeture d'un site ou d'un établissement ne constitue pas un motif économique.
    De même, la cessation d'une activité précise déficitaire, qui ne concerne pas la totalité de l'entreprise, ne constitue pas un motif économique.
    L'exigence d'une cessation définitive renvoie à la technique consistant à fermer une entreprise pour la rouvrir sous un autre nom.

    Pour autant, ce motif est sous haute vigilance : il est souvent utilisé par des multinationales qui ferment une filiale pour la délocaliser dans un pays où la main d'œuvre est moins coûteuse et/ou moins protégée.
    La jurisprudence admet que, dans ces situations, il y a une "légèreté blâmable" de l'employeur qui prive les licenciements de cause réelle et sérieuse.
    Ici encore, on voit les limites du droit du travail : les salariés n'obtiendront un remboursement que sous une forme indemnitaire, ce qui ne remplace pas un emploi.
    Une partie de la doctrine, et notamment le professeur Grégoire Loiseau, estime qu'il manque en droit français les dommages-intérêts punitifs, qui dissuaderaient les entreprises de commettre ce genre de fautes lucratives.

    Puisque ce motif sert à des "pratiques voyou" de délocalisation, pourquoi ne pas le supprimer ?
    Parce que c'est un motif qui est très utile pour les toutes petites entreprises, qui ne pourraient pas s'en passer (par exemple, une pharmacie / un restaurant / un bar dont le propriétaire prend sa retraite sans successeur).

B – Le caractère réel et sérieux du motif économique

Il faut que les faits soit matériellement établis, qui rendent certain le fait allégué.
C'est sur le caractère sérieux que le droit apporte des particularités, en exigeant, pour que le motif soit sérieux, que l'employeur ait préalablement recherché à reclasser les employés concernés.
Idée : le licenciement est une mesure ultime, qui doit être évitée chaque fois que c'est possible (→ chaque fois que le salarié peut être reclassé).

Le reclassement doit se faire sur un poste équivalent.
Il s'agit d'un poste de la même catégorie (= qui exige les mêmes compétences) et à rémunération équivalente.
Ce n'est qu'à défaut de poste équivalent que la recherche de reclassement doit se faire sur des postes de catégories inférieures.
→ Obligation très exigeante pour les employeurs.

💡 Le salarié n'est jamais tenu d'accepter le poste qui lui est proposé.

C'est une obligation de moyens : elle suppose qu'il y ait des postes disponibles dans l'entreprise ou dans le groupe + que le salarié accepte d'être reclassé.
Il serait donc plus correct de parler d'obligation de recherche de reclassement plutôt que d'obligation de reclassement.

Comme en matière d'inaptitude, la Cour de cassation exige que l'employeur exécute loyalement son obligation de reclassement.
La loyauté est un moyen d'intensifier cette obligation.

Cette recherche de reclassement est désormais territorialement limitée : aujourd'hui, la recherche de reclassement ne se fait que sur le territoire national.
En effet, les postes hors territoire national ne trouvaient jamais preneur ; les salariés refusaient systématiquement ce genre de postes → c'était une perte de temps et d'argent.
Exception : les entreprises transfrontalières.

L’hypothèse s’est présentée en jurisprudence d’une entreprise ferme son activité et qui propose un reclassement dans une autre entreprise du groupe, ce que tous les salariés acceptent sauf 2 d'entre eux.
Pour les derniers mois de son activité, l'entreprise a recours à des intérimaires. Les salariés ont reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé ces postes pendant le reclassement.

La Cour de cassation juge que l'employeur doit proposer tous les postes disponibles, même les postes précaires.
→ Jurisprudence très exigeante.

Cela sembler être surprenant. En effet, cette jurisprudence pose une grande question aux entreprises et aux avocats en droit du travail : qu'est-ce qu'on fait une fois que ce poste en intérim cesse ? Est-ce qu'il percevra les indemnités de licenciement pour motif économique ?
Le professeur Grégoire Loiseau parle d’une "jurisprudence stupide", développée par des magistrats de la chambre sociale “complètement déconnectés de la réalité" qui adoptent des "positions dogmatiques et absolument pas réalistes".

§ 2. La procéduralisation du licenciement économique

Cette procéduralisation est un trait caractéristique du droit du licenciement depuis 1973.
Idée : le licenciement est une procédure ultime qui doit pouvoir être évitée.
La procédure est une garantie du droit des salariés licenciés ; c'est pour ça que le droit du licenciement est un droit modèle, politiquement protecteur.

Les choses ont été rendues complexes par la loi du 14 juin 2013, qui distingue 2 procédures différentes selon la taille de l'entreprise et le nombre de salariés licenciés : il y a les "petits" licenciements économiques et les "grands" licenciements économiques.
3 critères cumulatifs sont nécessaires pour que l'on puisse parler d'un grand licenciement économique :

  1. L’entreprise doit comprendre au moins 50 salariés ;
  1. Au moins 10 salariés doivent être licenciés ;
  1. Sur une période de 30 jours.

Si ces 3 critères sont réunis, il s'agit d'un grand licenciement économique qui est soumis au contrôle de l'administration du travail.
Les petits licenciements économiques restent soumis au droit applicable avant 2013.

En principe, ces critères s'apprécient au niveau de l'entreprise.
Exception : lorsque l'entreprise appartient à une unité économique et sociale (UES, mégastructure qui réunit plusieurs entreprises) et que la décision de licencier est prise au niveau de l'UES, les critères doivent être appréciés au niveau de l'UES.

💡 Historiquement, l'UES a été créée comme un moyen d'éviter que les entreprises de plus de 50 salariés n'évitent les règles applicables à partir de 50 salariés.

Ici, l'objectif est d'éviter que les entreprises se partagent les licenciements pour éviter de mettre en place un PSE.

Étonnamment, la Cour de cassation n'applique cette jurisprudence qu'aux UES, et non aux groupes de société, mais cette hypothèse ne semble pas s'être présentée pour l'instant.

A – Les petits licenciements économiques

Il peut s'agir du licenciement d'un seul salarié.
2 procédures se succèdent :
1- une procédure de consultation de représentants du personnel ;
2- une procédure individuelle.

La procédure individuelle est la même que celle du licenciement pour motif personnel.

Concernant la procédure de consultation des représentants du personnel : dès lors qu'un licenciement présente un caractère économique, les élus du personnel doivent être consultés.
Depuis 2017, les élus du personnel sont le conseil social et économique (CSE).
Un CSE est obligatoire dans les entreprises à partir de 12 salariés.

On consulte le CSE : on doit lui demander son avis, qui ne lie pas l'employeur.

En matière de licenciement économique, il y a 2 consultations parallèles :
1- l'une porte sur le projet de licenciement (à partir d'un salarié) ;
2- l'une porte sur le projet de restructuration.
La pratique parle respectivement de la consultation "livre 1" et de la consultation "livre 2" (il s’agit d’une terminologie ancienne aujourd'hui obsolète).

Lors de la consultation sur le projet de licenciement économique, les informations que l'employeur doit donner aux représentants élus portent sur "le motif économique, le nombre de licenciements envisagés, les catégories socioprofesionnelles concernées, les critères d'ordre [pour déterminer qui sera visé par la mesure de licenciement, ce qui signifie que les critères d'ordre doivent être appliqués même si une seule personne est licenciée]”.

Le premier critère que l'employeur doit prendre en compte est un critère professionnel ; c'est en général celui que les employeurs préfèrent, parce que quitte à licencier les salariés, autant conserver les plus compétents.
Si ce critère ne suffit pas, il se double d'un 2ème critère : un critère contractuel, qui tient compte de l'ancienneté des salariés dans l'entreprise.
Un 3ème critère peut être pris en compte : un critère social, qui tient compte des conséquences de la perte d'emploi au regard de la personne du salarié ; à cet égard, l'employeur doit tenir compte des charges de famille.
Enfin, les critères de réinsertion professionnelle concernent les seniors, les personnes handicapées…
(c'est une autre application de l'intelligence artificielle qui est attendue).

Cet avis ne lie pas l'employeur : même si le CSE donne un avis négatif, le licenciement peut avoir lieu.

La 2ème phase lui succède : la procédure individuelle.
Pour rappel, le salarié est convoqué à un entretien préalable au cours duquel il peut être assisté.
Particularité : le ou les salariés licenciés pour motif économique bénéficient d'une priorité de réembauche → si l'entreprise procède à un recrutement, ils sont prioritaires.
La durée de cette priorité de réembauche est limitée à 6 mois.
Dans l'immense majorité des cas, la priorité de réembauche ne joue pas.

B – Les grands licenciements économiques

Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est l'instrument central en matière de grands licenciements économiques, car sa finalité est d'éviter les licenciements ou d'en limiter le nombre.

À défaut, l'idée est de favoriser des mesures alternatives pour aider les salariés à retrouver un emploi : mesures de formation, financement par l'employeur de la création d'une entreprise par le salarié licencié, recours à des mesures alternatives au licenciement (comme des ruptures d'un commun accord), aménagement de l'emploi du salarié pour le conserver dans les effectifs mais à d'autres conditions…

Parfois, le CSE comporte des éléments intéressants, qui font que des salariés peuvent vouloir s'y inscrire pour bénéficier de mesures indemnitaires très intéressantes, d’un financement de l'entreprise qu'ils veulent créer, …
Le PSE est intéressant quand il est financé correctement ; mais lorsque l'entreprise n'a plus de moyens financiers, le PSE sera compressé au maximum.

Le PSE est exigé lorsqu'il est procédé à des licenciements secs (= imposés en application des critères d'ordre), mais aussi lorsqu’il est procédé à des départs volontaires.
Les entreprises privilégient les départs volontaires : aujourd'hui, les grandes et très grandes entreprises ont de plus en plus rarement recours à des licenciements secs.

⚠️
Les plans de départs volontaires (PDV) obéissent au régime des licenciements économiques.
Il faut donc un motif économique au sens de l'article L1233-3.

On a aujourd’hui une conjonction de dispositifs qui se superposent.
En effet, les PDV doivent être distingués d'un autre dispositif créé en 2017 : les ruptures conventionnelles collectives (RCC), qui se font également sur la base du volontariat.
Ce qui les différencie, c'est que les RCC ont un régime autonome qui suppose un accord collectif de travail : il n'est pas nécessaire d'avoir un motif économique au sens de l'article L1233-3.

En 2017, il était prévu que les PDV disparaissent et se transforment en RCC (→ on n'aurait donc eu que les licenciements économiques "secs" avec un PSE + les RCC) ; mais finalement, les 3 dispositifs ont persisté.

Depuis 2013, les grands licenciements économiques sont soumis au contrôle de l'administration.
L'administration est ici la DREETS (Direction régionale de l'économie de l'emploi, du travail et des solidarités), qui remplace les DIRECCTE depuis 2017.
Dans le cadre de ce cours, on peut simplement retenir que c’est l’administration du travail.

Pour autant, les contentieux individuels restent de la seule compétence du conseil des prud'hommes.

1) L'organisation des grands licenciements économiques

Ces grands licenciements économiques, dont le cœur est le PSE, peuvent être organisés de 2 manières :

  1. Ils peuvent être organisés au moyen d'un accord collectif de travail conclu par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 50% des suffrages ;

    Le contenu de l'accord collectif est précisé par la loi : il doit comporter le PSE, les critères d'ordre, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi envisagés et les catégories professionnelles concernées.
    Si un tel accord est conclu, il suffit pour organiser le licenciement économique et le CSE n'est consulté que sur le livre 2, c'est-à-dire sur le plan de restructuration.

  1. Ils peuvent être organisés par un document élaboré unilatéralement par l'employeur.
    Cela n'interdit pas qu'il y ait des accords volontaires : un employeur peut faire un plan de départs volontaires unilatéral.

    L'employeur fixe unilatéralement toutes les informations requises.

    Ici, il faut une double consultation du CSE sur le projet de licenciement et sur le projet de restructuration.
    Particularité : les élus du personnel ont la possibilité de recourir à un expert, à la charge de l'employeur. Objectif : éclairer les élus, qui n'ont pas de formation économique.

    Ici encore, l'avis ne lie pas l'employeur : l'employeur peut prononcer les licenciements même en cas d'avis négatif de l'employeur.

Souvent, les plans de licenciement qui font l'objet d'un accord sont les PDV.
💡 Les RCC nécessitent un accord collectif, alors qu'un PDV peut se faire sans accord collectif.


2) Le contrôle des grands licenciements économiques

Ce contrôle est exercé par l'administration (la DREETS).
L'administration vérifie la régularité de la procédure (que le CSE a bien été consulté, qu'il a reçu l'information nécessaire…).
Elle contrôle aussi la conformité du projet de licenciement aux règles légales.

Depuis la loi de 2013, l'administration ne contrôle pas le motif économique de licenciement.
On peut trouver cela dommage. C'est l'héritage des "trois juges rouges".

À l'issue de ce contrôle, si l'autorité administrative estime que ce projet est régulier, elle valide l'accord collectif ou elle homologue le document unilatéral.
Le contrôle est beaucoup plus léger en matière d'accords collectifs.

Si l'administration refuse de valider l'accord ou d'homologuer le document unilatéral, l'employeur n'a pas de recours : il doit reprendre son projet.
En pratique, c'est très rare, puisqu'il y a un dialogue en amont entre l'employeur et l'administration.

En cas de décision de validation ou d'homologation, un recours est possible dans un délai de 2 mois. Il est ouvert aux syndicats de l'entreprise, au CSE, aux salariés concernés par la mesure de licenciement et à l'employeur.

Le recours doit être exercé devant un tribunal administratif, avec une possibilité d'appel devant la CAA et de recours extraordinaire devant le Conseil d'État.
→ Aujourd'hui, le contentieux des grands licenciements est un contentieux de droit public.

La loi a prévu une concentration des contentieux à l'occasion de la décision de validation ou d'homologation : c'est uniquement à ce moment-là que peut également être contestée la régularité de l'information du CSE, la validité de l'accord collectif…
Autrement dit, le législateur a voulu que tous les contentieux ne s'agrègent qu'après la décision de l'administration. Ici encore, on voit le traumatisme de la jurisprudence Viveo.

Les contentieux individuels dépendent toujours du conseil des prud'hommes (par exemple, l'absence de cause réelle et sérieuse).
Les 2 juridictions travaillent main dans la main.

§ 3. Le droit spécial du licenciement économique dans les groupes de société

A – L'incidence de l'appartenance de la société qui licencie à un groupe de sociétés

Cette incidence se manifeste sur 3 points :

  1. Sur l'appréciation du motif économique de licenciement.
    La loi prévoit que le motif économique de licenciement doit s'apprécier au niveau du secteur d'activités du groupe auquel appartient l'employeur.

    Cette règle est très contraignante pour les entreprises : une société peut être en difficulté tout en appartenant à un groupe qui se porte très bien.
    On pourrait répondre que, dans un groupe, il y a forcément une solidarité ; sur des groupes internationaux, ça n'est pas nécessairement le cas.
    On a ainsi vu des licenciements refusés ; par exemple, jurisprudence sur le groupe Mondadori, dont la filiale française se portait mal – la filiale française n'a pas pu procéder aux licenciements.

  1. Sur le reclassement.
    Le reclassement doit être recherché parmi les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de reclassement permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

    En pratique, c'est extrêmement compliqué : si les autres sociétés du groupe ne coopèrent pas (elles n'en ont pas légalement l'obligation), cela pourra être reproché à la société qui licencie pour obtenir l'annulation d'un licenciement.
    C'est donc une règle qui est très rigoureuse. Pour le professeur Grégoire Loiseau, la solution est simple : il faudrait que la jurisprudence reconnaisse la personnalité morale au groupe…

  1. Sur l’appréciation de la proportionnalité des mesures du PSE aux moyens du groupe.
    Le groupe est pris en compte pour apprécier si les mesures du PSE sont proportionnés aux moyens du groupe.

Ces règles ont été limitées par l'ordonnance du 22 septembre 2017 : elles ne s'appliquent au groupe que pour les entreprises établies sur le territoire national.

Le groupe est constitué d'une société dominante d'un point de vue économique et de sociétés dominées. En pratique, c'est la figure capitalistique : la société dominante détient au moins 50% du capital de ses filiales.

B – Le co-emploi et la responsabilité délictuelle

On se situe dans l'hypothèse d'une distorsion au sein du groupe, lorsque la société mère phagocyte sa filiale en s'y substituant pour imposer ses propres décisions, ce qui a pu conduire au licenciement économique prononcé par la filiale.
Cette hypothèse n'est malheureusement pas rare, notamment dans les groupes internationaux.

Dans une affaire célèbre, le grand groupe international Lee Cooper, composé d’une société mère américaine et d’une filiale française, et qui a des fonds de pension parmi ses actionnaires, a fait remonter tous les profits de ses filiales, ce qui a fini par affaiblir la filiale française, qui s’est retrouvée en difficulté financière et a dû prononcer des licenciements économiques.

La Cour de cassation a admis que les salariés agissent contre la société mère en ouvrant deux fondements : le co-emploi et la responsabilité délictuelle.

Le co-emploi a été conçu par la Cour de cassation dans les années 2010.
Idée : lorsque la société mère s'est immiscée dans la gestion de la filiale pour prendre elle-même toutes les décisions, elle est devenue co-employeur.
Cela a l'immense avantage de pouvoir lui imputer les licenciements économiques et les indemnisations associées.

La Cour de cassation retient désormais une définition très stricte du co-emploi → son champ d'application est extrêmement étroit.
Dans un arrêt du 23 novembre 2022, elle affirme qu’en dehors de l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de co-employeur s'il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur conduisant à une perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
L'existence d'une situation de co-emploi est caractérisée dès lors qu'il est démontré une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale se traduisant par l'éviction de ses organes de direction".

La jurisprudence initiale a eu pour effet de faire fuir certaines multinationales de France, ce qui fait que la Cour de cassation elle-même a refermé le co-emploi, à un point où l'on peut se demander s'il est encore utile aujourd'hui.

La Cour de cassation privilégie aujourd'hui le terrain de la responsabilité délictuelle, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.
Cette action est beaucoup moins intéressante pour les salariés, puisqu'ils ne peuvent obtenir que l'indemnisation de leur préjudice, suivant le principe de la réparation intégrale ("tout le préjudice, mais rien que le préjudice").
Or souvent, ce préjudice aura déjà été réparé par l'indemnité de licenciement qui répare la perte d'emploi.

Puisque l'intérêt est moindre, le volume de contentieux a baissé en la matière.

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