Chapitre 11 : La rupture d’un commun accord

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La rupture d’un commun accord est le 3ème type de rupture, plus récent, du contrat de travail.
Il repose sur un accord de volontés.

En droit commun des contrats, la rupture d'un contrat d'un commun accord est admise depuis la nuit des temps. On parlait en droit romain de mutuus dissensus.
Cependant, le droit du travail a toujours été très suspicieux du mutuus dissensus en raison de l'inégalité des parties : le risque était que, sous couvert d'un commun accord, la rupture soit en réalité imposée par le fort au faible.

Les choses ont changé lorsque le droit commun a commencé à valoriser la cessation de relations contractuelles qui ne sont pas uniquement contractuelles.
En juillet 1975, on admet le divorce par consentement mutuel, avec l'idée de pacifier la rupture pour pacifier l'après-rupture.
C'est le même esprit que l'on retrouve aujourd'hui dans le droit du travail : l'idée que la rupture consentie, même si elle n'est jamais totalement consentie, est une rupture qui ne donne pas lieu à contentieux.

Le droit du travail est l'une des dernières disciplines du droit privé à avoir été atteinte par ce phénomène de contractualisation : c'est la loi du 25 juin 2008 qui introduit la rupture conventionnelle en droit du travail.
On observe 2 choses :
1- C'est une innovation ;
2- C'est aussi une spécificité du droit du travail : le droit du travail ne se contente pas d'une rupture informelle et organise la rupture d'un commun accord.
Tout le dispositif vise à s'assurer de la réalité et de la réalité du consentement du salarié.
-> Procéduralisation de la rupture.

Cette rupture conventionnelle est un franc succès : au 1er trimestre 2023, il y a eu 126 000 ruptures conventionnelles.
Elle est aujourd'hui victime de son succès : le gouvernement réfléchit à rendre la rupture conventionnelle plus difficile, parce qu'elle laisse l'accès à l'indemnité chômage.

L'ordonnance du 22 septembre 2017 a repris le principe d'une rupture conventionnelle, en permettant de l'organiser collectivement.
C'est ce que l'on appelle la rupture conventionnelle collective (RCC), dont la particularité est qu'elle suppose un accord collectif conclu par l'employeur avec les organisations syndicales.

Dans la pratique, on parle souvent de rupture conventionnelle homologuée (RCH) pour désigner la rupture conventionnelle individuelle (RCI).

Puisqu'elles sont fondées sur un accord de volontés, il n'y a pas de contraintes particulières quant au motif de la rupture.
Les RCC reposent sur un motif économique très large, tandis que les RCI/RCH n'ont pas de motif particulier (elle peuvent donc très bien être justifiées par un motif économique).

Le droit du travail conçu suivant une relation binaire, lié à l'unilatéralisme qui caractérise la relation de travail : le pouvoir est aux mains de l'employeur.
Cela conduit à une conception très clivée de la relation de travail : il y a l'employeur // le salarié -> approche binaire.
Le droit s'est construit avec l'esprit que ces intérêts sont plus souvent antagonistes que plus souvent conjoints.

Section 1 : La rupture conventionnelle

Cette rupture conventionnelle est organisée par la loi.
En pratique, c'est parfois une rupture décidée par l'employeur et subie par le salarié.
Les textes sont donc organisés de manière à faire en sorte que le consentement donné par le salarié soit libre et en connaissance de cause.

Cela inscrit donc la rupture conventionnelle dans une procéduralisation (car évite rupture instantanée et les dérives qui en découlent), mais elle n'a pas à être motivée (il peut y avoir un motif économique).

Cela se traduit par "un ou plusieurs entretiens" (en pratique, il est rare qu'il y en ait plusieurs).
Ça n'a rien à voir avec l'entretien préalable à un licenciement : il s'agit de se mettre d'accord sur les modalités de la rupture.

Il y en a 2 qui supposent nécessairement un accord : la date de la rupture + l'indemnité spécifique de rupture.
La date de la rupture ne peut pas être antérieur au lendemain de l'homologation de la rupture par l'autorité administrative = au lendemain du dernier acte de la procédure de rupture.

Le salarié perçoit une indemnité, qui ne peut pas être inférieure à l'indemnité de licenciement.

À l'issue de l'entretien, il n'y a pas de délai minimum : les parties peuvent conclure la convention de rupture

L'acte doit être établi par écrit, signé par les parites, et comporter au minimum l'indication de la date de rupture et le montant de l'indemnité.
Il doit être établi en 3 exemplaires : employeur, salarié, l'autorité administrative qui devra homologuer la rupture.

💡 La convention de rupture peut être signée à l'issue de l'entretien.

Une fois la convention de rupture signée, la date de la signature fait courir un délai de 15 jours, qui est un délai de rétractation
technique originale en droit du travail
Cela signifie que l'une comme l'autre des parties peut librement se rétracter sans aucune justification.

La partie la plus diligente doit adresser le 3ème exemplaire de la convention de rupture l'autorité administrative (DREES) qui dépose à son tour d'un délai de 15 jours pour homologuer la convention.
En pratique, l'administration n'a pas le temps d'examiner la convention de rupture – souvent, elle ne répond pas et l'homologation se fait par défaut, suite à l'absence de réponse de l'administration sous 15 jours.
Donc souvent, 1 mois (2 fois 15 jours).

Le contrôle du juge a posteriori : le juge peut être saisi dans un délai de 12 mois.

Le juge vérifie le respect des dispositions légales.
Il faut un contrat écrit et signé, comprenant l'indication de la date de rutpure et du montant de l'indemnité -> ce sont des causes de nullité.
En pratique, il n'y a pas de jurisprudence sur le sujet.
Le non respect du délai de préavis est aussi cause de nullité.
Il y a du contentieux sur la remise d'un exemplaire au salarié.

Le vice du consentement le plus couramment retenu est la violence.
Le plus fréquent, le harcèlement, assimilé par la Cour de cassation à une violence morale.

Lorsque la nullité est retenue, la Cour de cassation estime que la convention est nulle et que la rupture conventionnelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
On ne comprend pas bien pourquoi cette jurisprudence : pourquoi pas les effets d'un licenciement nul / la réintégration ?

Adhésion de la Cour de cassation au dispositif de la rupture conventionnelle ?
La Cour de cassation a admis que la rupture conventionnelle est valable même quand il existe un différend entre l'employeur et le salarié.

Lorsqu'il y a un conflit, il faut y mettre fin.
On a pris la décision de doubler la rupture conventionnelle d'une transaction.

Est-ce que les protections spéciales du salarié en cas de licenciement jouent également en cas de rupture conventionnelle ?
Les salariés protégés sont ceux qui ont des fonctions syndicales ou d'élus dans l'entreprise – il faut une autorisation administrative de licenciement.
Salariés en congé maladie, salariées enceintes…
Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de rupture conventionnelle. On peut conclure une rupture conventionnelle avec une salarié enceinte.
-> Le législateur a voulu une autonomie de la rupture conventionnelle par rapport au licenciement.

Le prof trouve ça dommage, en particulier en ce qui concerne les arrêts longue maladie : c'est devenu aujourd'hui un moyen pour les entreprises de gérer ces salariés.

Section 2 : Les ruptures conventionnelles collectives

Les ruptures conventionnelles collectives sont prévues aux articles 1237-19 et suivants du Code du travail.
Elles exigent un accord collectif de travail, conclu avec des partenaires sociaux.
Il est soumis aux règles du licenciement économique, mais comme la RCC il repose sur le volontariat ; donc quelle est encore l'intérêt du PDV aujourd'hui ?
Le PDV est unilatéral.

C'est un dispositif souple, qui peut être utilisé par des entreprises en difficulté comme par des entreprises qui veulent se réorganiser.
On peut réduire des postes dans le cadre d'un RCC tout en créant de nouveaux postes en parallèle.
On parle parfois de "réorganisation structurelle" ou de "réorganisation à froid".

L'accord collectif doit prévoir le nombre maximum de départs possibles.
Quels sont les salariés qui pourront partir ? parfois c'est 12

Les critères de départage
c'est arrivé à une banque française importante : fait un RCC et il y avait plus de salariés voulaient partir que de fermetures de poste
elle n'avait pas prévu de critères de départage – les salariés écartés ont menacé de faire un procès ; ça c'est réglé par transaction

En pratique, on est généralement sur des indemnités importantes, ça se négocie.
Il peut y avoir des mesures d'accompagnement : par exemple, l'entreprise finance une reconversion personnelle, aide au lancement d'une entreprise…

Ça se passe très bien : en 2023, les RCC existent depuis 6 ans et il n'y a toujours pas de contentieux en la matière.
Cet instrument sert les intérêts des entreprises mais ne dessert pas les intérêts des salariés.

L'accord collectif fait l'objet d'un contrôle (en pratique, c'et une formalité) : l'administration doit le valider dans un délai de 15 jours.

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