Chapitre 10 : La rupture du contrat à l’initiative du salarié

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On distingue ici 3 modes de rupture :
1- La démission (le plus fréquent) ;
2- La résiliation judiciaire ;
3- La prise d’acte.

En cas de démission, la rupture est à l’initiative du salarié et elle lui est imputable (= c’est lui qui en supporte les effets) : il ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture.
En revanche, en cas de
résiliation judiciaire ou de prise d’acte, la rupture est aussi à l’initiative du salarié, mais les effets en sont imputés à l’employeur. Ces 2 modes de rupture supposent d’établir une faute de l’employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat ; si la preuve est en rapportée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

⚠️
Ce n’est pas une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse : la rupture produit simplement les mêmes effets.

Il s’agit ici d’un territoire façonné par la jurisprudence mais aujourd’hui stabilisé : la jurisprudence ne connaît plus de rebondissements.

Section 1 : La démission

La démission est définie comme « un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ».

C’est le premier mode du rupture du contrat. Le plus souvent, le salarié qui démissionne a déjà trouvé un nouvel emploi.
Au 1er trimestre 2023, il y a eu 500 000 démissions -> c’est énorme !

Cela correspond à la nécessaire circulation de l’emploi. Les craintes d’une « grande démission » ont aujourd’hui été largement dissipées.

Formellement, il n’y a aucune exigence. Il n’est pas exigé de motif de démission.
Cependant, il faut que la volonté du salarié soit formulée de façon claire et non équivoque.

Il y a un contrôle exercé a posteriori par le juge des ruptures qui seraient éruptives – sous le coup de la colère, de l’émotion…
En pratique, les employeurs préfèrent donc ne pas se contenter d’une démission verbale et demandent une lettre de démission.

Si la démission n’est pas claire et univoque, la Cour de cassation juge qu’elle doit être requalifiée en prise d’acte.

Lorsque le salarié démissionne et que l’employeur a un doute sur sa volonté réelle de démissionner, il est préférable pour l’employeur de procéder à un licenciement pour abandon de poste.

Depuis une loi de 2022, l’employeur a le choix, en cas d’absence injustifiée du salarié, entre licencier pour abandon de poste ou faire constater la présomption de démission (en mettant en demeure le salarié).
Ce nouveau dispositif est relativement dangereux pour les employeurs, puisque les salariés peuvent contester à posteriori la présomption de démission s’ils justifient d’un motif d’absence.

Le salarié démissionnaire ne bénéficie pas des indemnités de chômage. Il ne bénéficie d’aucune indemnité.
💡 La démission pour suivre son conjoint ne prive pas des indemnités chômage.

Le salarié qui démissionne doit suivre un préavis, qui peut être prévu par accord collectif, par le contrat ou par la loi (48 heures).

Section 2 : La résiliation judiciaire

Le fondement légal de la résiliation judiciaire est l’article 1127 du Code civil, qui prévoit que la résolution peut toujours être demandée devant le juge (ici, le juge, c’est le conseil des prud’hommes).

Le salarié doit pouvoir imputer un ou plusieurs manquements à l’employeur.
Attention, ce ne sont pas n’importe quels manquements : il faut que le ou les manquements soient “suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat ».

Exemples de manquements suffisamment graves qui empêchent la poursuite du contrat : manquements aux obligations de sécurité, harcèlement, retards répétés dans le versement des salaires, modification du contrat imposée par l’employeur…
C’est le juge qui apprécie la gravité du manquement.

Tant que le juge ne s’est pas prononcé, le salarié reste en fonctions, ce qui n’est pas très pratique pour ce dernier (surtout quand on sait qu’une action en résiliation peut durer plus d’1 an).
En pratique, il n’est pas rare que les salariés se mettent en arrêt maladie pendant la durée de la procédure…

In fine:

si le manquement est insuffisamment grave, l’action est rejetée et le salarié reste en fonctions ;
en général, on transige en faisant une rupture conventionnelle…
si le manquement est jugé suffisamment grave, le contrat est résilié aux torts de l’employeur

particularité en droit du travail : la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse -> le salarié a droit à l’indemnité de licenciement, à des dommages-intérêts
⚠️ La résiliation n’est pas requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; elle produit simplement les mêmes effets.

Si le manquement imputé à l’employeur aurait été de nature à justifier la nullité du licenciement, alors la résiliation produit les effets d’un licenciement nul.
Par exemple, si le salarié était victime d’un harcèlement, alors la résilition produit les effets d’un licenciement nul.
C’est assez théorique, parce que dans ces hypothèses le salarié ira généralement sur le terrain de la prise d’acte, plus rapide.

Depuis 2017, la distinction entre licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement nul a du sens : en cas de licenciement nul, les indemnités ne sont pas limitées par le barème Macron.

La chambre sociale a jugé que lorsque la résiliation produit les effets d’un licenciement nul, le salarié ne peut pas demander sa réintégration (et donc obtenir un arriéré de salaire).
Cette jurisprudence est inspirée par l’esstopel : le salarié qui exerce contre l’employeur une action en résiliation ne peut pas ensuite demander sa réintégration, parce que c’est contradictoire.

Section 3 : La prise d’acte

La prise d’acte se comprend en comparaison avec la résiliation judiciaire.
La prise d’acte n’est pas prévue par le Code du travail : c’est une création prétorienne. Là où la résiliation judiciaire a été codifiée en droit commun en 2016, la prise d’acte n’a jamais été codifiée.

Idée : un contractant ne peut pas être tenu de poursuivre l’exécution d’un contrat lorsque le manquement de son cocontractant est d’une gravité telle qu’il empêche la poursuite du contrat.

Dans cette hypothèse, on considère qu’on ne peut pas obliger le contractant à attendre une décision du juge. Dès lors, la prise d’acte produit un effet instantané : elle met fin immédiatement au contrat.
La Cour de cassation ajoute qu’elle produit un effet irrévocable : le salarié ne peut pas revenir sur une prise d’acte.

Puisqu’elle n’est pas prévue par les textes, la prise d’acte n’obéit à aucune règle de forme ni de motivation.

Si le salarié n’est pas tenu de motiver la prise d’acte, il devra en revanche avoir un motif pour l’exprimer devant le juge !
En effet, la prise d’acte est suivie d’un contrôle judiciaire : le salarié prend acte de la rupture, puis il saisit le conseil des prud’hommes pour en faire tirer les conséquences juridiques.

Si le manquement est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si le manquement correspond à un cas de nullité, il produit les effets d’un licenciement nul.

Le cas pathologique est la prise d’acte d’un salarié victime de harcèlement.

Si le manquement n’est pas jugé suffisamment grave, la prise d’acte produit les effets d’une démission.
Le salarié se retrouve alors sans emploi, sans indemnité, il bénéficie pas des indemnités chômage et il est redevable à l’employeur de l’indemnité de préavis qu’il n’a pas exécuté.
-> La prise d’acte est très dangereuse.

⚠️ La résiliation et la prise d’acte sont des modes de rupture qui sont réservés aux salariés.

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