Chapitre 1 : La genèse des institutions de la 5e République

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Ses fondements, ses grandes caractéristiques, comment est-ce qu’elle a été élaborée concrètement, son fonctionnement général.

Section 1 : Les fondements et caractéristiques de la Constitution du 4 octobre 1958

4 caractéristiques sont expressément mentionnées à l’article 1er : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.”.

§ 1. Le caractère indivisible

L’indivisibilité de la République est issue de la tradition révolutionnaire.

Elle regroupe 4 aspects :

  1. L’intégrité du territoire (le Président de la République) en est le garant ;
  1. La forme unitaire de l’État ;
  1. L’unité du peuple (il n’y a qu’1 seul peuple français) ;
  1. L’uniformité du droit (le même droit français s’applique sur tout le territoire français).

“indivisibilité” est un terme juridique avec des implications juridiques réelles.

Il faut nuancer la forme unitaire de l’État, puisque l’on reconnaît des spécificités territoriales.
Il existe en France des autorités décentralisées : les collectivités territoriales. Ce sont des personnes morales de droit public, on reconnaît donc leur personnalité juridique.

Cette organisation décentralisée a été consacrée par le constituant avec la révision constitutionnelle du 23 mars 2003 qui précise que l’organisation de la République française est décentralisée.
On reconnaît aujourd’hui le principe de libre administration et de l’autonomie financière des collectivités territoriales (titre 12).

Il existe dans la Constitution des dispositions spécifiques pour les collectivités d’outre-mer, qui ont des spécificités particulières et bénéficient donc d’un statut particulier.
L’article 72-3 de la Constitution distingue 2 grandes catégories de collectivités territoriales :

  1. Dans les DOM et ROM, mentionnés à l’article 73, le principe est celui de l’identité législative : les lois et règlements adoptés en métropole y sont de plein droit applicables, sauf si la disposition est adaptée expressément.
    Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Mayotte
  1. Dans les COM (collectivités d’outre-mer), mentionnées à l’article 74, le principe est celui de la spécialité législative : les lois et règlements y sont applicables seulement s’ils le mentionnent expressément.
    Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, Polynésie française, Saint Barthélemy, Saint-Martin

Certaines collectivités constituent des catégories particulières ; par exemple, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’un titre spécifique dans la Constitution (titre 13) et d’un statut spécifique issu de l’accord de Nouméa (1998).

§ 2. Le caractère laïc

La laïcité est un principe républicain ancien, établi par la loi du 9 décembre 1905.
Elle est composée de 3 éléments :

  1. La neutralité de l’État vis-à-vis des cultes : l’État n’a pas vocation à intervenir dans l’établissement des cultes ;
  1. La liberté religieuse (reconnue strictement par la Constitution) ;
  1. La non-ingérence des cultes dans les affaires publiques.

§ 3. Le caractère démocratique

L’article 1er de la Constitution renvoie à la notion de démocratie (⚠️ pas que l’expression du suffrage), qui est détaillée dans les articles 2, 3 et 4.

La Constitution établit un principe d’égalité entre les citoyens ; elle garantit le pluralisme des courants d’expression et la participation équitable des partis politiques à la vie démocratique de la Nation.

§ 4. Le caractère social

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ajoute le principe de la parité hommes/femmes.

On constate une “course à la constitutionnalisation”, avec l’intégration de nombreux droits économiques et sociaux qui se trouvaient déjà dans le préambule de la Constitution de 1946.

Section 2 : L’élaboration de la Constitution

§ 1. La chute de la 4e République

La 4e République est adoptée en 1946 et est très vite affaiblie par de profonds déséquilibres entre les institutions (au profit du Parlement) + une forte instabilité gouvernementale.
C’est un régime défaillant confronté à de grands problèmes politiques et historiques, notamment la gestion de la décolonisation.

La crise du 13 mai 1958 est une tentative de coup d’État militaire depuis Alger, qui pousse De Gaulle à sortir de la “traversée du désert” qu’il vit depuis 1946 et à déclarer qu’il “se tient prêt à assumer les pouvoirs de la République”.

Le Président du Conseil, René Coty, démissionne pour laisser place à De Gaulle.
Un “gouvernement d’union nationale” est formé, dans lequel tous les partis sont représentés (sauf le parti communiste), avec comme mission :
1- de régler la question algérienne ;
2- de faire une nouvelle constitution.

§ 2. La loi du 3 juin 1958

La loi du 3 juin 1958 autorise le gouvernement De Gaulle à élaborer une nouvelle Constitution.
Elle est prise en dérogation de l’article 90 de la Constitution de 1946, qui prévoyait la révision de la Constitution.

Elle est accompagnée de la loi du 2 juin 1958, qui octroie les pleins pouvoirs au gouvernement De Gaulle pour 6 mois.

Elle définit les conditions de cette révision, pour encadrer le pouvoir constituant délégué au gouvernement De Gaulle :

A – Des conditions de forme

  • Le gouvernement doit recueillir l’avis d’un comité consultatif composé notamment de membres du Parlement.
  • Le projet de constitution doit être élaboré après l’avis du Conseil d’État et être soumis au référendum.
  • Il doit être promulgué dans les 8 jours suivant son adoption.

B – Des conditions de fond

  • Le gouvernement doit être responsable devant le Parlement.
  • L’indépendance de l’autorité judiciaire doit être garantie : principe de séparation des pouvoirs + reconnaissance d’un régime parlementaire.

Avec cette loi, on peut considérer que la transition entre les 2 Républiques s’opère dans la légalité républicaine, même si cette révision constitutionnelle a été réalisée en dehors du cadre de l’article 90.

§ 3. La mise en place des institutions

Les institutions de la 5e République ont été préparées par le comité consultatif, composé majoritairement de parlementaires et dirigé par Paul Reynaud.
+ Michel Debré, ministre de la justice.

Le projet présenté par le général de Gaulle a été présenté le 4 septembre et ratifié le 28 septembre 1958 (date du référendum, 82,6% favorable).
Quelques députés étaient contre le texte : Pierre Mendès France, François Mitterrand…

Article 92 de la Constitution de 1958 : disposition transitoire qui permet au gouvernement d’adopter des ordonnances.
+ de 300 ordonnances sont adoptées, dont beaucoup ont une valeur organique.

Le président Coty reste en fonction jusqu’au 8 janvier 1959, date à laquelle le général de Gaulle est élu et choisit Michel Debré comme Premier ministre.

Section 3 : Le fonctionnement général du régime de la 5e République

Les objectifs des constituants de 1958 étaient de :

  1. Rétablir une stabilité gouvernementale
  1. Restaurer le “pouvoir d’État”
    en faisant du chef de l’État une autorité puissante qui incarne une certaine stabilité de l’État
  1. Mettre fin à la souveraineté parlementaire
    en mettant fin aux régimes de la 3e et de la 4e République marqués par un déséquilibre des institutions au profit du parlement
    + en mettant fin au “régime des partis”
  1. Restaurer une équilibre entre le pouvoir exécutif et le Parlement, ce qui implique de rationaliser le régime parlementaire
    en mettant en oeuvre toute une série de mécanismes pour éviter que le régime parlementaire ne se déséquilibre au profit du Parlement comme sous les 3e et 4e Républiques

Ces objectifs sont enracinés dans l’expérience des régimes précédents et dans la tradition républicaine.

Il existait aussi un objectif davantage politique : la volonté de faire un régime à la hauteur de la grandeur de la France.
Idée : il faut un régime apportant de la stabilité, de l’efficacité et de la puissance.
Enjeu : l’indépendance de la France.

§ 1. Les orientations gaulliennes

L’esprit de la Constitution de 1958 est guidé par les idées constitutionnelles du général de Gaulle.
Idée : donner au pouvoir exécutif un statut et des pouvoirs nécessaires afin d’atteindre la stabilité politique et constitutionnelle et lutter contre le “régime des partis”.

De Gaulle avait donné sa vision des institutions au moment de la mise en place de la 4e République, dans le discours de Bayeux du 16 juin 1946.
Ce discours retrace la préoccupation du général de Gaulle de donner au chef de l’État une légitimité forte et les moyens de réagir en cas de crise.

La fonction présidentielle est dotée d’un statut et d’un rôle renforcé, qui s’exprimera notamment à travers la fonction d’arbitrage présidentielle.

§ 2. Un régime parlementaire rééquilibré

Michel Debré, dans son discours du 27 août 1958 devant le Conseil d’État, rejette le régime d’assemblée et le régime parlementaire, avant de conclure qu’il reste le régime parlementaire, qu’il convient d’adapter aux spécificités françaises.
On retrouve dans la Constitution :

  • Le suffrage universel
  • La séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs
  • La responsabilité du gouvernement devant le Parlement
  • Le droit de dissolution dont bénéficie le Président de la République à l’égard de la chambre basse

Ces caractéristiques sont indispensables à ce régime de “séparation souple” des pouvoirs.

La 5e République est un régime parlementaire rééquilibré au profit du pouvoir exécutif, pour mettre fin à la prédominance du Parlement.
On parle de rationalisation du parlementarisme.

Exemple : le régime des sessions parlementaires mis en place dès 1958.
Montesquieu disait qu’il fallait avoir en tête des moments de respiration dans ce régime des sessions.
Debré et de Gaulle organisent un régime strict de sessions, avec 2 sessions ordinaires de 3 mois (aujourd’hui abandonnées avec l’instauration d’une session unique).
→ donner au gouvernement la maîtrise de la procédure législative

La délimitation du domaine de la loi est révolutionnaire, car le Parlement pouvait jusqu’alors tout faire et intervenir dans tout domaine.
La création du Conseil constitutionnel, organe qui viendra contrôler les actes du Parlement (”chien de garde de la République”).
La réhabilitation du référendum.
L’incompatibilité entre fonction ministérielle et mandat parlementaire permet de lutter contre le “régime des partis”.

→ On peut observer que le régime instauré par la Constitution de 1958 est le fruit de l’expérience des constitutions précédentes.

La 5e République est bien un régime parlementaire, qu’on dit parfois “présidentialisé”.
C’est un régime parlementaire dualiste : le gouvernement est lié par la double relation de confiance vis-à-vis de la chambre basse et du PR.
Pendant les périodes de cohabitation (la majorité à l’Assemblée nationale n’est pas de la même couleur que le PR), la 5e République devient un régime parlementaire moniste, puisque le gouvernement n’est responsable que devant le Parlement.

En 1962, une réforme constitutionnelle permet l’élection du PR au suffrage universel direct.
Objectif : conférer au PR la plus forte légitimité possible.

En 2000, le mandat du PR passe de 7 à 5 ans.

La révision du 23 juillet 2008 réforme en profondeur les institutions de la 5e République, en modifiant ou ajoutant plus de la moitié des dispositions de la Constitution.

Dissertation complète : les ordonnances de l’article 38 de la Constitution

Sujet de dissertation : « Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution : loi ou règlement ? ».
Auteur : Timothée Peraldi


“L’ivresse des ordonnances constitue-t-elle une tentation bonapartiste pour Macron ?”. C’est ainsi que s’interroge Olivier Ihl, professeur de science politique à Sciences Po Grenoble, sur le recours aux ordonnances par l’exécutif français, devenu très fréquent depuis le début des années 2000 ; le président de la République actuel Emmanuel Macron a ainsi fait usage de 325 ordonnances en 4 ans, tandis que seulement 155 ordonnances ont été publiées en 20 ans entre 1984 et 2003. S’il y voit un “problème démocratique”, c’est parce que le système d’ordonnance permet au pouvoir exécutif de légiférer sans que le Parlement ne puisse délibérer.

C’est l’article 38 de la Constitution de 1958, modifié pour la dernière fois le 23 juillet 2008, qui définit le rôle des ordonnances en droit français. Il dispose ainsi que “Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi”. L’expression “du domaine de la loi” fait ici référence à l’article 34 de la Constitution qui délimite les domaines pour lesquels la loi “fixe les règles” ou se contente de “délimite[r] les principes fondamentaux”.

Dans un contexte de défiance accrue envers les institutions et d’inflation législative, il semble pertinent de s’interroger sur la place prise par ces normes juridiques particulières, à mi-chemin entre lois et règlements, dans l’ordre juridique français. Dès lors, comment les ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution se distinguent-elles des autres normes juridiques en droit français ?

Nous verrons d’abord comment les ordonnances agissent comme des règlements dans le domaine de la loi (I), avant d’étudier comment elles permettent une immixtion croissante du pouvoir exécutif dans le processus législatif (II).

I – Une norme juridique à mi-chemin entre loi et règlement 

Le système d’ordonnances mis en place par la Constitution de 1958 permet au gouvernement d’agir dans le domaine de la loi (A) tout en gardant le contentieux sous le contrôle du juge administratif (B).

A – La possibilité pour le gouvernement de légiférer dans le domaine de la loi

C’est l’article 38 de la Constitution qui permet au pouvoir exécutif de passer des ordonnances prenant “des mesures qui sont normalement du domaine de la loi”. Les ordonnances permettent donc au pouvoir exécutif d’agir directement dans le cadre très large de la loi établi par l’article 34 de la Constitution, par exemple pour modifier des lois existantes, en évitant ainsi un examen souvent très long d’un projet de loi par le Parlement. Le recours aux ordonnances permet ainsi au gouvernement de mettre en œuvre rapidement certaines mesures de son programme.

La Constitution, via son article 24, dispose néanmoins que « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. ». En conformité avec ces principes, l’article 38 établit des limites strictes au pouvoir du gouvernement d’établir des ordonnances. Ainsi, il est contraint pour cela de demander l’autorisation au Parlement, qui l’accorde en passant une loi dite “d’habilitation”. Cette loi d’habilitation doit fixer précisément la durée et les domaines sur lesquels le gouvernement pourra prendre des ordonnances ; si elle ne le fait pas, elle pourra alors être sanctionnée par le Conseil constitutionnel pour incompétence négative. De plus, certaines dispositions ne peuvent pas faire l’objet d’une loi d’habilitation, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 juin 2003 : “une loi d’habilitation ne peut prévoir l’intervention d’ordonnance dans les domaines réservés par la Constitution à la loi organique, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale”. Enfin, un projet de loi de ratification de l’ordonnance doit être déposé devant le Parlement avant l’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation, sous peine de caducité de l’ordonnance ; le Parlement, s’il examine ce projet de loi, reste ainsi libre d’abroger les dispositions établies par l’ordonnance s’il le souhaite.

Si les ordonnances peuvent être considérées comme des actes réglementaires parce qu’elles émanent du pouvoir exécutif, elles peuvent l’être également parce que le contentieux qu’elles peuvent générer relève de la justice administrative.

B – Le juge administratif, responsable du contentieux

L’article 34 de la Constitution de 1958 dispose que les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après l’avis du Conseil d’État. Le juge administratif exerce donc a priori un premier contrôle non contraignant de la conformité des ordonnances aux normes supérieures dans le système juridique (bloc de constitutionnalité, traités internationaux, lois organiques…).

A posteriori, le contentieux relatif aux ordonnances relève également de l’ordre administratif. Ainsi, le Conseil d’État, dans son arrêt “société Baxter” du 28 mars 1997, affirme que “les ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 ont, alors même qu’elles interviennent dans une matière ressortissant en vertu de l’article 34 […], le caractère d’actes administratifs ; qu’à ce titre, leur légalité peut être contestée aussi bien par la voie d’un recours pour excès de pouvoir formé conformément aux principes généraux du droit que par voie de l’exception à l’occasion de la contestation de décisions administratives ultérieures ayant pour fondement une ordonnance”. Il réitère dans son arrêt “Association de défense des sociétés de course des hippodromes de province” du 4 novembre 1996, dans lequel il souligne que le juge administratif vérifie que l’ordonnance dont il doit apprécier la légalité a bien été prise “dans le respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, des principes généraux du droit qui s’imposent à toute autorité administrative ainsi que des engagements internationaux de la France”. C’est donc le juge administratif, via le Conseil d’État, qui est compétent pour connaître des recours formés contre les ordonnances, de la même manière que les autres actes de nature réglementaire tels que les décrets.

Les ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 de la Constitution semblent donc être des actes par nature réglementaires ; elles empruntent néanmoins de nombreuses caractéristiques aux actes législatifs.

II – Une immixtion croissante du pouvoir exécutif dans le processus législatif

Une importante décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020 (A) et dans un contexte de recours de plus en plus fréquent aux ordonnances par les gouvernements successifs (B), les ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 de la Constitution semblent constituer une immixtion croissante du pouvoir exécutif dans le processus législatif.

A – La révolution du 28 mai 2020

Jusqu’à présent, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel considéraient que les ordonnances étaient, avant leur éventuelle ratification, des actes réglementaires sur lesquels le Conseil d’État pouvait exercer un contrôle de constitutionnalité, de la même manière que pour les décrets. Dans sa décision n°2020-843 QPC du 28 mai 2020, le Conseil constitutionnel revient sur sa jurisprudence en affirmant que les dispositions d’une ordonnance “doivent être considérées comme des dispositions législatives” dès l’expiration du délai d’habilitation fixé par le Parlement, et ce même si celle-ci n’a pas encore été ratifiée par le Parlement.

Cette décision a été fortement critiquée par la doctrine : Cécile Duflot, ancienne ministre de l’Égalité des territoires et du logement, affirme que “Ça dépossède totalement le Parlement de son pouvoir, ça dit le contraire de la Constitution et ça prive aussi les citoyens de leur capacité de contester directement des ordonnances obsolètes”. Benjamin Morel, maître de conférences à l’Université Paris-2 Panthéon-Assas, critique quant à lui une décision “bizarre” “au vu du caractère très particulier de la période, et du caractère difficilement soutenable en des termes constitutionnels de cette prise de position”. Julien Padovani, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, y voit enfin une décision “contraire à l’esprit de la Constitution”. L’essentiel de ces critiques sont orientées contre la ratification implicite des ordonnances que cette décision semble mettre en place, ainsi que contre le fait que les justiciables souhaitant contester la conformité à la Constitution d’une ordonnance non ratifiée par le Parlement après l’expiration du délai d’habilitation devront désormais passer par la procédure plus contraignante de QPC établie sur la base de l’article 61-1 de la Constitution.

B – Le recours de plus en plus fréquent aux ordonnances

Depuis le début des années 2000, le nombre d’ordonnances adoptées en France est en forte augmentation ; un rapport sénatorial daté du 27 octobre 2021 témoigne ainsi de la “banalisation du recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution : 14 ordonnances publiées chaque année entre 1984 et 2007 ; 30 par an entre 2007 et 2012 ; 54 par an entre 2012 et 2017 ; 64 par an depuis 2017”. Il souligne également que 84 ordonnances ont été publiées entre le 23 mars et le 31 décembre 2021 dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, ce qui constitue une nette accélération du recours à l’article 38 de la Constitution sur les deux dernières années.

Dans le même temps, la ratification des ordonnances, qui était déjà loin d’être systématique, tend à diminuer : selon ce même rapport, 18% des ordonnances publiées ont été ratifiées par le Parlement sous le quinquennat actuel, contre “62% pour le quinquennat 2007-2012 et 30 % pour le quinquennat 2012-2017”. Face à ce constat, et soucieux de “faire en sorte que [le revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020] n’entraîne aucun recul de l’Etat de droit pour les justiciables”, le Conseil d’État a clarifié dans un communiqué de presse du 16 décembre 2020 les modalités du contrôle de légalité qu’il exerce sur les ordonnances. Ainsi, “la contestation d’une ordonnance au regard des droits et libertés garantis par la Constitution doit prendre la forme d’une QPC” qui sera transmise au Conseil constitutionnel, tandis que le Conseil d’État continuera de contrôler la conformité des ordonnances “aux autres règles et principes de valeur constitutionnelle, aux engagements internationaux de la France, aux limites fixées par le Parlement dans la loi d’habilitation et aux principes généraux du droit, ainsi qu’à des règles de compétence, de forme et de procédure”.

Quelles sont les différences entre une démocratie directe et une démocratie indirecte ?

Ce tableau présente les différentes caractéristiques des démocraties indirecte et directe afin de permettre de les comparer.

Démocratie directeDémocratie indirecte
Objet de représentationle peuplela nation
Type de souverainetépopulaire : chaque citoyen est titulaire d’une partie de la souveraineté. Idée de Rousseau, « le Contrat social ».nationale : la nation est indivisible, ce sont les individus vivant sur un territoire mais aussi les expériences et les projets, les morts et ceux qui vont naître.
CaractèresLe peuple agit et s’exprime lui-même. Existence de représentants pour simplifier la vie politique.La nation est une abstraction, elle ne peut ni agir, ni s’exprimer. Il faut des représentants qui auront pour mission d’agir pour elle.
Conception de l’électoratL’électorat-droit : tout citoyen étant titulaire d’une fraction de l’autorité souveraine, il a donc le droit de s’exprimer. Cette théorie appelle forcément le suffrage universel.L’électorat fonction : Les citoyens n’ont aucun droit naturel à s’exprimer car la souveraineté réside en dehors d’eux. Leur fonction est de désigner les personnes qui parleront pour eux.
Statut des représentantsMandat impératif : le peuple désigne ses représentants, l’élu n’est pas libre, il exécute les instructions reçues par le peuple. Il est subordonné au peuple. Il est privé de toute initiative autonomeMandat représentatif : le représentant agit sans contrôle. Sa liberté est totale tant que dure le mandat. Sa sanction : la non réélection. Il dispose donc d’une compétence générale mais il y a le danger d’un transfert de souveraineté.
Type de mandatMandat court : permet d’éviter les abus de pouvoir, les fossés entre représentants et représentés. Facilite le contrôle du peuple.Mandat long : évite la lassitude des élections, donne plus de liberté d’esprit, symbolise la continuité de l’Etat par le chef de l’Etat, permet l’apprentissage des élus.