Chapitre 3 : La formation du droit international public

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L’article 38 du Statut de la CIJ énumère les différentes sources que la Cour va appliquer pour régler les différends qui lui sont soumis :
> les conventions internationales (générales ou spéciales)
> la coutume internationale
> les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées (expression vieillie)
> les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations

Pour les positivistes, le droit n’existe que par la volonté des États.

On remarque que sont absents :
> les actes unilatéraux des États
> les actes unilatéraux des organisations internationales (ex : décisions de l’AGNU / du Conseil de sécurité ; ex : directives et règlements de l’UE)

La CIJ est tenue de les appliquer.

Il existe aussi des instruments dépourvus de force obligatoire (ex : actes concertés non conventionnels).

Section 1 : Les modes de formation du droit international public

I – Le mode volontaire de formation du droit international public

Les sources du droit international qui sont issues de ce mode de formation volontaire sont celles qui émanent directement de la volonté des États / qui découlent d’un processus conscient de création du droit.

Cela implique pour les États de manifester leur volonté à s’engager juridiquement.

Le mode volontaire de formation du droit international public regroupe les traités et les actes unilatéraux.

A – Les traités internationaux

Les traités sont la source la plus formalisée et utilisée du droit international.
Ils peuvent aussi être nommés “convention”, “protocole”, “pacte”…
Ils sont la source la plus formalisée et utilisée du droit international.

Article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 : un traité est un accord international conclu par écrit et régi par le droit international.

La technique du bilatéralisme, issue du système westphalien, a longtemps été la norme.
La technique multilatérale apparaît au Congrès de Vienne de 1815 qui institue le concert européen en établissant les droits et obligations respectives de tous les États parties.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, négociée pour approuvée à l’unanimité en décembre 1948 par l’AGNU, illustre cette évolution de la portée des traités.

On relève aussi un développement de l’objet des traités, qui dans les premiers temps du droit international n’avaient pour objet que de renforcer la coopération entre les États.

Le traité est un accord de volonté entre sujets du droit international.
Il est l’expression de la volonté concordante des États.
💡 “sujets du droit international” = pas uniquement les États
→ une organisation internationale peut également conclure un traité

La Cour internationale de justice a affirmé qu’un État ne peut pas, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement.
→ incarnation de la doctrine positiviste volontariste

Ce consentement doit être conclu par écrit.
La signature indique que le texte est devenu définitif, mais la ratification est importante. C’est la ratification qui manifeste la volonté définitive de l’État d’être lié par le traité.

La procédure de ratification est propre au droit interne de chaque État, qui va en définir les modalités.
En France, la procédure de ratification est définie par les articles 52 et 53 de la Constitution.

Un traité international est porteur d’effets juridiques. Il crée des droits et des obligations internationales.
L’article 26 de la Convention de Vienne pose le principe pacte sunt servanda (”tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi”).
→ principe d’effet relatif : un traité ne lie que les parties

Il faut distinguer les traités des actes concertés non conventionnels (exemples : communiqués publiés à l’issue du G7/G20 ; textes issus de conférences internationales pour officialiser l’issue d’une discussion ; etc.).

Le droit international prévoit la possibilité d’adopter des réserves.

B – Les actes unilatéraux

Les actes unilatéraux sont adoptés par les États ou les organisations internationales.
Ils constituent un autre mode de formation volontaire de droit international, en permettant de créer des normes et situations juridiques opposables aux tiers sous réserve de certaines conditions établies par le droit international.

1) Les actes unilatéraux des États

Les États peuvent faire valoir leurs intérêts de manière unilatérale dans l’ordre juridique international, par exemple pour prendre position à l’égard d’une situation de faits, pour affirmer qu’ils sont en position d’un droit…
Ces actes vont aussi produire des effets juridiques.

On distingue 3 catégories d’actes unilatéraux :

  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à l’exercice de droits souverains : ils sont pris dans l’ordre juridique interne afin d’exercer des compétences conférées par le droit international aux États.
    Exemples : délimitation des eaux territoriales ou de la ZEE, attribution de sa nationalité à une personne physique ou morale, immatriculation d’un navire ou d’un aéronef, déclaration d’embargo ou de guerre…
    Ces actes, qui ont trait à l’exercice de ces droits souverains, permettent à l’État de revendiquer unilatéralement ces droits. Ils prennent le plus souvent la forme d’une loi ou d’un règlement interne, dont la validité dépend de leur conformité au droit international.
  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à l’opposabilité d’une situation juridique : ils sont pris dans l’hypothèse où l’État proteste ou reconnaît la validité d’une situation porteuse d’effets juridiques.
    Exemple : pratique de la reconnaissance de l’État : lorsqu’un État reconnaît l’existence d’un autre, cette reconnaissance lui est opposable.
  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à la création d’engagements juridiques : ils sont pris par l’État dans l’objectif de renoncer à l’exercice d’un droit, ou pour créer une obligation à son égard.
    On peut parler de “promesse unilatérale” : l’État s’engage à faire ou ne pas faire.
    Exemple : dans l’affaire des essais nucléaires opposant la France à l’Australie devant la CIJ, la France a renoncé par une déclaration à poursuivre ses essais nucléaires dans l’atmosphère.

2) Les actes unilatéraux des organisations internationales

On distingue :

  1. Les actes qui ont pour fonction la régulation interne de l’organisation internationale : on parle d’actes autonormateurs ;
  1. Les actes qui visent à réguler le comportement des États membres : on parle d’actes hétéronormateurs.

Dans la grande majorité des cas, les organes des organisations internationales ont simplement un pouvoir de recommandation.
Le Conseil de sécurité de l’ONU peut néanmoins adopter des résolutions obligatoires pour les membres de l’organisation, au titre de l’article 35 de la Charte des Nations Unies.

L’article 289 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prévoit 3 types d’actes unilatéraux obligatoires : les règlements, les directives et les décisions du Parlement européen.
Il mentionne également les avis et les recommandations, qui sont des actes unilatéraux mais qui ne créent aucun droit ni obligation pour leurs destinataires.

II – Le mode spontané de formation du droit international public

Dans le mode volontaire de formation du droit international, les normes internationales naissent d’une manifestation expresse de la volonté des États et/ou des organisations internationales.

Dans le mode spontané de formation du droit international, les normes internationales naissent d’un processus empirique fondé sur les répercussions des comportements des membres de la communauté internationale convaincus de respecter une norme.
→ pas formalisées dans un écrit

La difficulté est de les identifier, puisqu’il s’agit de droit non écrit.
Le processus par lequel se forme la norme internationale est invisible.

A – La coutume internationale

La coutume a longtemps été la source principale du droit international.
Exemple : liberté en haute mer, immunité diplomatique…

La coutume s’applique à l’ensemble des membres de la communauté internationale : elle a une portée erga omnes (et non inter partes comme les traités).

Il y a une controverse doctrinale sur le fondement de la coutume internationale :

  1. Selon l’interprétation volontariste, la coutume est le reflet d’un accord tacite ; elle s’impose donc aux États. Elle est une sorte de “traité implicite” entre États.
    Cette interprétation a été consacrée dans l’affaire du Lotus de 1927, dans laquelle la CPJI rappelle le fondement volontariste du droit international.
    Elle est aujourd’hui remise en cause par l’interprétation objectiviste, qui défend le fondement spontané du droit coutumier :
  1. Selon l’interprétation objectiviste, la coutume est avant tout un phénomène sociologique dicté par des nécessités sociales.

Les approches convergent sur ce qu’est la coutume.
Les éléments constitutifs de la coutume sont :

  1. Un élément objectif ou matériel : renvoie à l’existence d’une pratique générale.
    Cette pratique doit être “générale” (et non “universelle” ou “unanime”).
    Problème : à partir de quel seuil peut-on considérer une pratique comme “générale” ?
    Dans l’arrêt du plateau continental de la mer du Nord de 1989, la CPI affirme qu’une pratique très large et représentative peut suffire, à condition toutefois qu’elle comprenne les États particulièrement intéressés à cette pratique.
    Le droit international établit l’existence de coutumes régionales/bilatérales/locales, comme reconnu par la CIJ dans l’affaire du droit de passage sur le territoire indien, qui oppose l’Inde et le Portugal en 1960.
    Il doit exister une forme de continuité dans les comportements → cette pratique doit être répétée.

    Cet élément objectif et matériel est plus simple à démontrer que l’élément subjectif :

  1. Un élément subjectif ou psychologique : renvoie à l’acceptation par les États de cette pratique comme étant du droit (opinio juris).

Les sources spontanées du droit international laissent une grande place à l’interprétation, notamment du juge.
Souvent, en cas de différend, lorsque les États invoquent la violation d’une règle coutumière, le juge doit rechercher si cette coutume existe.

La coutume, à la différence des traités, oblige l’intégralité des États, sans qu’ils n’aient activement participé à sa conception.

La théorie de l’objecteur persistant affirme que seul un État qui n’aurait cessé de s’opposer à l’émergence d’une règle coutumière peut se voir dispensé de l’appliquer.

B – Les principes généraux du droit

Le statut de la CIJ fait référence aux “principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées”, qui constituent une source distincte de la coutume.
Ils sont mobilisés par le juge international lorsque la solution au litige ne peut pas être trouvée dans une coutume ou un traité.

Les principes généraux du droit sont des principes communs aux ordres juridiques de droit interne. Tous les États n’ont pas les mêmes traditions juridiques, mais ils ont des principes communs que l’on peut internationaliser.
Exemple : principes en matière de responsabilité internationale.

Les principes généraux du droit international sont des principes qui sont propres à l’ordre juridique international. Ce sont généralement des principes abstraits desquels découlent des normes internationales plus précises, qui pourront être formalisées dans des traités ou donner lieu à l’émergence de règles coutumières.

Ces principes généraux sont par définition abstraits. Ils guident le comportement des États et s’appliquent en l’absence de règles internationales plus précises.

Section 2 : Les dynamiques de formation du droit international public

I – La codification du droit international public

Le processus de codification consiste en le passage d’un droit non écrit à un droit écrit.
De nombreuses normes coutumières se sont vues être codifiées dans des conventions internationales.

La codification a certains avantages :
> elle rend le droit international plus intelligible ;
> elle permet de garantir la sécurité juridique, en figeant le droit international.

C’est la Commission du droit international qui est en charge de la codification des normes coutumières. Elle est composée de 34 experts à la compétence reconnue.
On peut noter son Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (2001).

II – La fragmentation du droit international public

On constate une dynamique de fragmentation qui concerne les normes du droit international (et non les sources), en raison d’un mouvement de spécialisation croissant du droit international.

Difficulté : certaines règles peuvent entrer en contradiction.
Par exemple, les règles relatives à la libéralisation des échanges internationaux (dans le cadre de l’OMC) sont-elles compatibles avec les règles relatives à l’environnement ? Un État pourrait-il interdire l’entrée de produits fabriqués dans un État tiers au motif qu’ils sont dommageables pour l’environnement ?

La Commission du droit international a proposé une solution fondée sur la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) : la règle spéciale s’applique en priorité sur la règle générale.
+ quand 2 règles contradictoires dans 2 traités sont toutes les 2 des règles spéciales, la règle postérieure s’applique en priorité.

Cette solution ne s’applique que sur les traités auxquels les mêmes États sont parties, elle est donc insuffisante. Pour la Commission du droit international, il est nécessaire d’établir une hiérarchie des normes. Cette hiérarchie des normes ne semble cependant pas envisageable dans le droit international, en raison de l’équivalence des sources.

III – L’objectivisation du droit international public

A – Les normes erga omnes (applicables à tous les États)

Le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire ont donné naissance à des normes qui doivent être respectées par tous les États.
Ce concept a été reconnu par la Cour internationale de justice, lors de sa décision dans l’affaire Barcelona Traction opposant en 1970 la Belgique à l’Espagne.
Exemple : l’interdiction de commettre un crime d’agression ou un génocide.

B – Les normes impératives

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’article 53 de de la Convention de Vienne sur les traités mentionne l’existence de normes impératives.
L’apparition de ces normes impératives remet en cause l’équivalence normative en instaurant une hiérarchie entre normes impératives et normes classiques.

Comment définir quelles normes sont impératives ?
Il n’existe pas de liste de normes impératives, mais seulement quelques exemples : l’interdiction du recours à la force, l’auto-détermination des peuples, le caractère sacré de la personne humaine…

Les États ont refusé de consacrer ces normes impératives, laissant le soin aux juridictions internationales de déterminer le contenu de cette notion.
La CIJ a longtemps refusé d’admettre leur existence, avant de consacrer cette notion en 2006 dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo, en affirmant que l’interdiction du génocide est une norme impérative.
La CIJ ne tire cependant aucune conséquence juridique de cette qualification de norme impérative, parce qu’elle a un rôle juridictionnel, et non politique.
→ elle ne souhaite pas entrer dans une logique de hiérarchisation, pour éviter les critiques des États

Si la notion de norme impérative participe au phénomène d’objectivisation du droit international public, elle n’a pas remplacé sa logique horizontale et intersubjective.

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