Chapitre 1 : Les acteurs étatiques, sujets traditionnels du droit international public

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Les sujets de droit international sont des acteurs auxquels le droit international confère des droits mais aussi des obligations.
→ le sujet est appréhendé par le droit

Dans un arrêt de 1949, la CIJ affirme que “les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits”.
Sujets originaires : les États.
Sujets dérivés : par exemple, les organisations internationales, dont la création ne découle pas d’un fait juridique mais de la volonté des États.

Contenu

Section 1 : La place centrale de l’État, sujet originaire du droit international public

I – La formation de l’État souverain

A – L’existence de l’État : la réunion de critères matériels

Théorie des éléments constitutifs

1) Une dimension spatiale : un territoire

Les conditions d’existence apparaissent assez aisées à remplir :

  • Il n’existe aucune exigence relative à l’étendue d’un territoire (les micro-États peuvent exister).
  • Il n’y a pas d’exigence quant à la continuité du territoire : il peut exister des enclaves.
    Exemple : le territoire de la Palestine est séparé entre Gaza et la Cisjordanie.
  • Il n’y a pas d’exigence quant à la délimitation des frontières : l’absence de tracé exact des frontières internationales ne peut être invoqué pour dénier la qualité étatique à une collectivité humaine.
    Exemple : on ne peut pas invoquer l’incertitude des frontières entre Israël et la Palestine pour contester leur existence étatique.

La CIJ est chargée de traiter des contentieux concernant des différends territoriaux entre États.

Les États disposent d’un territoire terrestre, aérien et maritime.

  • Le territoire terrestre correspond à l’ensemble des terres émergées ; cela comprend à la fois le sol et le sous-sol.
  • Le territoire maritime (uniquement quand l’État a une frontière maritime) inclut plusieurs zones sur lesquelles le pouvoir de l’État s’exerce exclusivement :
    • Les eaux intérieures, constituées des baies, ports, havres, rades, etc.
    • Les eaux territoriales s’étendent vers le large jusqu’à 12 miles marins à partir des côtes.
      L’État y dispose d’un pouvoir exclusif, avec comme seule obligation d’y laisser passer les navires étrangers (droit de passage inoffensif).
      Pour le reste, il y est souverain ; il dispose de compétences économiques (pêche) et de sécurité (douanes, environnement).
    • La zone contigüe s’étend au-delà de la mer territoriale, jusqu’à 24 miles marins depuis la côte.
      L’État n’y exerce que des compétences de police (douanière, sanitaire, fiscale, immigration).
    • La zone économique exclusive s’étend jusqu’à 200 miles marins depuis la côte.
      L’État y exerce à titre exclusif certains droits précisément définis, qui concernent l’exploitation, l’exploration, la conservation et la gestion des ressources économiques.
    • Le plateau continental est constitué des fonds marins et de leur sous-sol, au-delà de la mer territoriale.
      L’État y dispose de droits exclusifs en ce qui concerne l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles.
    • 💡 La haute mer échappe à toute emprise des États.

    C’est la Convention de Montego Bay de 1982 qui régit ces droits maritimes.

    Les 3 premières puissances maritimes (en taille de l’espace maritime) sont :
    1- Les États-Unis
    2- La France
    3- L’Australie

  • Le territoire aérien est le territoire atmosphérique qui surplombe le territoire, les eaux intérieurs et les eaux territoriales de l’État.
    Dans ce territoire, l’État est libre d’autoriser ou d’interdire le survol de son territoire à tout aéronef étranger.
    Au-delà de cet espace atmosphérique (80 à 160 km selon les spécialistes), on trouve l’espace extra-atmosphérique.
    La Convention sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique du 19 décembre 1967 prévoit un régime de liberté des États qui exclut son appropriation (comme pour la haute mer) et interdit son utilisation à des fins non pacifiques.

Le territoire apparaît donc comme l’espace sur lequel s’exerce exclusivement l’autorité étatique : c’est la raison pour laquelle ce territoire fonde ce que l’on appelle la compétence territoriale de l’État.

2) Une dimension humaine : une population

Tout comme l’État ne peut pas exister sans son territoire, il ne peut exister sans sa population.
Il s’agit d’une société humaine.

La population comprend tous les habitants qui vivent et qui travaillent sur son territoire, indépendamment de leur qualité (nationaux ou étrangers).
Au sens juridique, la population ne correspond donc pas exactement à la collectivité humaine qui se trouve sur le territoire de l’État.

Au sens juridique, la nationalité est définie comme “l’ensemble des individus rattachés de façon stable à l’État par un lien juridique”.
Elle fonde la compétence personnelle de l’État.

L’importance politique et symbolique de ce rattachement par la nationalité est soulignée par l’absence de règles internationales sur ce point : chaque État décide des modalités d’octroi de la nationalité (ex : droit du sol, droit du sang).

Le droit international n’exige aucune condition quant à :
> la dimension de la population
> son caractère sédentaire
> son homogénéité culturelle, religieuse, linguistique

→ Aucune règle de droit international n’impose à chaque État de correspondre à une nation.

  • Qu’est-ce qu’une nation ?

    Conception subjective : nation = les individus qui la composent possèdent une volonté de vivre ensemble.

    Conception objective : nation = facteurs factuels – exemple : partage d’une culture, langue, histoire, …

3) Une dimension politique : un gouvernement effectif et indépendant

L’existence d’un appareil politique est nécessaire à l’existence de l’État.
Un territoire sans gouvernement ne peut pas être considéré comme un État.
Ici, gouvernement = pouvoir exécutif + législatif + judiciaire.

Le droit international public n’exige pas de modalités particulières de représentation gouvernementale.
Monarchie, république, autocratie, démocratie… le droit international n’interfère pas dans le choix du régime politique.
On ne peut pas remettre en cause le caractère étatique d’une entité politique au motif de la nature de son régime.

Les seules conditions exigées sont celles d’indépendance et d’effectivité.

La condition d’indépendance établit que le gouvernement n’est soumis à aucune autre autorité de même nature, à l’intérieur comme à l’extérieur de son territoire.
Les fonctions étatiques doivent être exercées en toute autonomie.
Il doit les exercer de manière exclusive, ne pas être concurrencé par des autorités de même nature.

Cela exclut les États fantoches, tels que la Transnistrie (contrôlée par la Russie) et la République de Chypre du Nord (contrôlée par la Turquie), ainsi que les peuples coloniaux.

Les entités politiques expriment ce souhait d’indépendance dans une déclaration unilatérale.

La condition d’effectivité porte sur la capacité à exercer réellement les fonctions étatiques, et notamment le maintien de l’ordre et l’exécution des engagements internationaux.
Cette capacité doit porter sur l’ensemble de la collectivité.

Cette condition est généralement assumée.
Le droit international s’accommode de contestations ponctuelles ou pérennes dès lors qu’il n’y a pas de remise en cause de l’autorité du gouvernement sur l’ensemble de son territoire.

On distingue différents niveaux de défaillance :

  1. Le plus grave : les structures gouvernementales ont totalement disparu pour une période donnée.
    Exemple : entre 1991 et 2000, l’État somalien n’avait plus de gouvernement.
    Pour autant, la Somalie existe toujours ; l’État défaillant se voit protégé dans son statut. Il y a une présomption de maintien de la structure étatique contre sa disparition, pour garantir la stabilité des relations internationales (les États ne peuvent pas disparaître ou apparaître au gré d’événements qui leur sont extérieurs).
  1. Il existe bien des structures gouvernementales, mais celles-ci n’ont pas d’emprise totale sur son territoire et sa population en raison d’autorités concurrentes ou de ses propres défaillances à gouverner.
    Exemple : Syrie, Libye.

Cas pratique #1 : la Principauté de Sealand a déclaré son indépendance en 1967.
Composée de 5 habitants, elle dispose de sa propre constitution, monnaie et drapeau. En 2004, elle a proposé une équipe nationale pour jouer un match officiel.
Au vu des critères, peut-elle être considérée comme un État ?

Réponse : non → puisqu’il s’agit d’un îlot artificiel, on ne peut pas réellement parler de territoire.

⚠️ La reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’État ; elle n’a qu’un effet déclaratif.

Cas pratique #2 : le Kurdistan est situé à cheval sur plusieurs États déjà constitués.
Mais difficulté : il n’y a pas de gouvernement qui représente l’ensemble du peuple kurde.

B – L’accession à l’indépendance d’une collectivité

L’accession à l’indépendance d’une collectivité demeure un processus factuel lié à des considérations historiques.
Le droit international public ne prévoit pas de procédure d’émergence des États. Cela reste une question de faits.

1) Un processus factuel

a) Apparition d’un nouvel État par dissolution ou fusion (disparition de l’État prédécesseur)

La dissolution d’un État est l’éclatement d’un État préexistant en 2 ou plusieurs États nouveaux dont aucun ne peut prétendre être le successeur de celui dont ils sont issus, sauf accord entre les États successeurs.

Dans le cadre de l’URSS, les nouveaux États qui lui ont succédé ont accepté que la Russie succède à l’URSS dans toutes les organisations internationales (Accords d’Alma-Ata du 21 décembre 1991).

Être considéré comme le continuateur de l’État prédécesseur présente pour l’État nouvellement formé des enjeux économiques, politiques et diplomatiques.
Exemple : lui permet de bénéficier du statut de membre qu’avait l’État prédécesseur dans les organisations internationales.

Un nouvel État peut également apparaître par fusion.

Exemple : les États-Unis d’Amérique procèdent de la fusion des États qui composaient la Confédération des États-Unis (association d’États indépendants qui ont décidé de se transformer en État fédéral).
Exemple : réunification de l’Allemagne le 31 août 1990.


b) Apparition d’un nouvel État par sécession (maintien de l’État prédécesseur)

Sécession : séparation d’une partie du territoire d’un État préexistant pour former un autre État indépendant.

Il est logique que les États préexistants soient peu enclins à admettre une amputation d’une partie de leur territoire.

Dans le contexte de décolonisation :

La décolonisation s’est déroulée sur différentes vagues (phénomène progressif).
Elle a commencée avec le continent américain (États-Unis à la fin du 18e siècle ; Amérique du Sud au 19e siècle) et s’est poursuivie sur les continents asiatique et africain au 20e siècle, notamment après la Seconde Guerre mondiale.

Les États ont fait sécession des puissances coloniales, mais cela n’a pas posé de difficultés d’un point de vue territorial, puisque ces territoires étaient situés hors de la métropole.
Ce processus était encouragé par l’Assemblée générale des Nations unies.

Hors du contexte de décolonisation :

La sécession s’exprime notamment dans le cadre de minorités qui vont revendiquer leur indépendance au sein d’un État central.
Exemple : sécession du Kosovo en 2008 de la Serbie.

2) Un processus saisi par le droit

Le droit international ne condamne pas en tant que tel les déclarations unilatérales d’indépendance, y compris lorsqu’elles interviennent dans l’hypothèse d’une sécession.

En principe, le droit international public est neutre face à l’indépendance de collectivités humaines, comme réaffirmé en 2010 par la CIJ dans un avis sur la déclaration d’indépendance unilatérale du Kosovo.

Contexte :
Le Kosovo avait fait sécession de la Serbie en 2010.
La Serbie avait considéré que faire sécession portait atteinte à son intégrité territoriale et n’était donc pas légal au regard du droit international.

Réponse de la Cour :
Le droit international n’interdit nullement les déclarations d’indépendances.
Le principe d’intégrité territoriale ne se joue qu’entre les États et non à l’intérieur des États ; il ne peut être opposé qu’à un autre État et non à une minorité qui choisit de faire sécession.

Le droit international n’encadre donc pas la manière dont émergent les États.
Une collectivité humaine peut faire sécession et déclarer son indépendance ; elle sera reconnue comme un État si elle en remplit les critères.

Néanmoins, le droit international peut, dans certaines circonstances, encourager ou condamner un processus d’accession à l’indépendance :

a) Reconnaissance d’un “droit” à l’indépendance sur le fondement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est reconnu que dans le contexte de décolonisation. Il s’agit d’un droit d’accès à l’indépendance qui ne concerne que les peuples coloniaux ou les peuples soumis à des formes de domination étrangère.

Autrement dit, la Crimée et le Kosovo ne pouvaient pas se fonder sur ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour invoquer leur droit à l’indépendance.

Ce droit d’accès à l’indépendance des peuples coloniaux est clairement affirmé dans la résolution 1514 de l’AGNU du 14 décembre 1960.
Un peuple colonial est défini par la résolution 1541 de l’AGNU du 15 décembre 1960 — “territoire géographique séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre”.

Les peuples soumis à un régime raciste ou à des formes de domination étrangère sont également concernés par ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Exemple : l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud connaissaient un régime d’apartheid ; les Nations unies ont considéré que la minorité disposait d’un droit à l’indépendance dans la mesure où celle-ci était opprimée.
Exemple de peuples faisant l’objet d’une domination étrangère : Palestine, Sahara occidental.


b) Condamnation de l’accession à l’indépendance en cas de violation des principes du droit international

Il peut arriver que l’AGNU ou la communauté internationale condamnent une déclaration d’indépendance dans la mesure où celle-ci s’est accompagnée d’une violation des principes du droit international, notamment celui d’acquérir un territoire par la force.

Exemple : la sécession de la Crimée a été condamnée par la communauté internationale dans la mesure où celle-ci procédait d’une annexion par un autre État, ce qui constitue une violation de l’interdiction du recours à la force armée dans les relations internationales.
Exemple : la République chypriote du Nord a fait sécession avec l’aide de la Turquie ; sa déclaration d’indépendance a ensuite été condamnée par la résolution 541 de l’AGNU (1983).

Certains parlent d’un “droit de sécession-remède” : théorie qui cherche à reconnaître un droit de sécession lorsqu’une minorité est opprimée par son État central.
Le Kosovo ne s’est pas prévalu de cette théorie parce qu’elle n’est pas fondée juridiquement.
Il s’est même gardé d’invoquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, parce qu’il ne s’agit pas d’un peuple colonisé.

II – La reconnaissance de l’État souverain

A – Les formes et effets de la reconnaissance

1) Formes de la reconnaissance

La reconnaissance d’un État par un autre État peut être tacite ou expresse.

La reconnaissance tacite peut se déduire du comportement de l’État qui souhaiterait reconnaître un nouvel État : échanges d’ambassadeurs, conclusion de traités bilatéraux, …
La reconnaissance expresse résulte d’un acte unilatéral pris par un État : déclaration officielle à la presse, communiqué officiel, conclusion d’un accord bilatéral traitant spécifiquement de la reconnaissance.

La reconnaissance est individuelle ; elle est opérée par l’État qui va reconnaître un nouvel État.
Mais certaines reconnaissances ont un poids diplomatique particulier, notamment quand la reconnaissance est opérée par l’État colonisateur (quand le nouvel État est une ancienne colonie) ou par l’État central (quand le nouvel État résulte d’une sécession).

Depuis quelques années, on observe la tendance de certains États à vouloir “collectiviser” la reconnaissance.
Les États membres des communautés européennes avaient adopté une déclaration fixant les lignes directrices concernant la reconnaissance des nouveaux États issus du processus de dissolution de l’ex-Yougoslavie.
Intérêt : avoir une ligne politique commune, éviter des divergences.

Le fait que l’État palestinien obtienne le statut d’État observateur de l’ONU ou qu’il devienne un membre de l’UNESCO n’oblige pas les États à reconnaître la Palestine comme un État.

2) Effet déclaratif versus effet constitutif de la reconnaissance

Il existe une opposition doctrinale sur la question.

Selon l’effet constitutif (≠ effet déclaratif), la reconnaissance parachèverait la création d’un État et son existence.
La portée de la reconnaissance serait donc essentielle pour la reconnaissance de l’État.

Ce n’est pas la doctrine majoritaire, parce qu’il s’agit d’un critère par nature subjectif ; il relève de l’appréciation discrétionnaire des États ; il revient à conférer une position privilégiée voire supérieure aux États préexistants qui forment la société internationale (≠ principe de l’égalité souveraine des États).

L’existence de l’État demeure une appréciation objective.
Il faut uniquement remplir les conditions d’existence ; un État peut exister indépendamment de toute reconnaissance.

B – L’encadrement de la reconnaissance

1) Le principe de liberté

Les États sont en principe libres de reconnaître ou non un nouvel État.
Certains États choisissent de ne pas reconnaître des États qui sont pourtant souverains.
L’appréciation de l’existence d’un État relève des États eux-mêmes ; il s’agit d’une appréciation subjective.

2) Les limites

a) L’élaboration par les États de leur propre doctrine de reconnaissance

De nombreux États et organisations internationales ont développé la reconnaissance conditionnelle : un État, pour être reconnu, doit répondre à des exigences d’État de droit, de légitimité démocratique ou de pacifisme.

Depuis la chute du bloc soviétique, l’exigence de la légitimité démocratique s’est répandue ; la démocratie est désormais perçue comme le mode de gouvernement à privilégier.

Les États peuvent décider de conditionner leur reconnaissance à la satisfaction d’exigences démocratiques ou pacifistes.

Exemple : la Déclaration des pays des communautés européennes sur les lignes directrices sur la reconnaissance de nouveaux États en Europe centrale et en Union soviétique subordonne la reconnaissance de ces nouveaux États au respect de plusieurs critères, notamment le respect des engagements internationaux + exigence démocratique + État de droit.

Cette exigence démocratique et pacifiste qui se généralise et apparaît comme constitutive des organisations internationales (ex : la Charte de l’ONU parle d’”État pacifique”).


b) L’interdiction de reconnaître un État né en violation de normes impératives

Il existe une obligation de non-reconnaissance de situations illicites, lorsque ces situations naissent de la violation de normes impératives.

Cette obligation est prévue par l’article 41 des Articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État, qui reflète le droit coutumier.

C’est notamment le cas lorsque le nouvel État est constitué en violation de normes impératives ; par exemple, lorsque la création du nouvel État s’accompagne d’un usage illicite de la force (ex : soutien militaire d’un autre État pour déclarer son indépendance comme en Crimée).

Quand il y a violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (qui est aussi une norme impérative), il y a aussi interdiction de reconnaître.
Exemple : lors du régime d’apartheid en Afrique du Sud le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à la non-reconnaissance des bantoustans.

III – Le statut d’État souverain

L’existence de l’État a un caractère objectif (3 critères).

A – Les caractéristiques de la personnalité juridique internationale de l’État

L’État est une personne souveraine.
Aucun autre sujet de droit international ne dispose d’une personnalité juridique comparable.

1) Un sujet originaire

La personnalité juridique de l’État découle immédiatement de son existence : aucun acte n’est requis pour lui conférer sa personnalité juridique internationale.
L’État est donc un sujet originaire ; il est le seul sujet à disposer de cette qualité.

Dès qu’un État existe au sens du droit international public, celui-ci se voit immédiatement attribuer une personnalité juridique internationale (≠ autres sujets du droit international).

2) Un sujet indépendant (= souverain)

L’État n’est subordonné à aucun autre sujet du droit international public.

a) La notion de souveraineté étatique

Six Livres de la République (1576), Jean Bodin : définit la souveraineté comme “le pouvoir de commander et de contraindre, sans être commandé ni contraint”.

Bodin distingue 2 facettes de la souveraineté étatique :

  1. Une dimension interne (on parle de “souveraineté dans l’État”) ;
  1. Une dimension externe (renvoie à la souveraineté de l’État dans les relations internationales).

On retrouve ces 2 dimensions dans la sentence arbitrale du 4 avril 1928 de la Cour permanente d’arbitrage, qui définit la souveraineté de l’État comme “l’indépendance relativement à une partie du globe, et le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre État, les fonctions étatiques”.

Cette souveraineté s’appuie sur une assise territoriale.
L’arrêt de la CIJ du 9 avril 1949 dans l’affaire du détroit de Corfou affirme que “entre États indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux”.


b) Les attributs de la souveraineté étatique

L’égalité souveraine des États :

Il s’agit d’une égalité juridique : tous les États sont juridiquement égaux entre eux et devant la loi internationale.
Aucun État n’est supérieur à un autre sur le plan juridique.
→ un État ne peut pas imposer sa volonté à un autre État

Article 2 paragraphe 1 de la Charte de l’ONU : “L’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres”.

Mais il y a des inégalités informelles ; par exemple, le G20 regroupe les principales économiques qui représentent 85% du commerce mondial, les 2/3 de la population et plus de 90% du produit mondial brut.

Au sein du FMI, il existe une pondération des votes par le poids économique des États membres.
Les États-Unis disposent de + de 15% des droits de vote au sein du FMI et donc d’une capacité de blocage.

La liberté d’action des États :

L’État est le seul maître sur son territoire.
Il est libre de choisir son régime politique et d’y exercer les fonctions étatiques comme il l’entend.
Les États sont libres de s’engager et de nouer des relations avec d’autres États.

Cette liberté est relative : la faculté pour les États de s’engager juridiquement, par exemple en concluant des traités, est un attribut de la souveraineté de l’État.

💡
Le droit international est volontariste (fondé sur la volonté des États de s’engager et de restreindre leur liberté).

c) La protection de la souveraineté étatique

La souveraineté est le fondement essentiel du droit international public et est donc protégée par ce dernier.

Le droit international impose aux États le devoir de ne pas porter atteinte aux territoires ni à l’indépendance des autorités étatiques des autres États.

En vertu du principe d’égalité juridique des États, chaque État dispose d’un droit au respect de son territoire et au respect de l’indépendance de ses autorités.

Le principe d’inviolabilité et d’intégrité du territoire étatique :

Le principe d’inviolabilité empêche tout acte d’autorité ou de contrainte exercé par des agents étatiques ou des agents internationaux sur le territoire d’un État étranger sans l’accord de ce dernier.
Il renvoie aux frontières d’un État.

Exemple : si une personne suspectée d’un crime s’enfuit d’un territoire : la police de cet État ne peut franchir la frontière pour aller l’arrêter sans l’accord de l’État intéressé.

On n’envisage pas uniquement l’intervention militaire, mais aussi les actes d’enquête, de poursuite et d’intervention → interdits sans l’autorisation de l’État territorial.

Autrement dit, le territoire apparaît comme un sanctuaire dont on ne saurait franchir les frontières sans l’accord de l’État territorial.

Ce principe n’est pas toujours respecté, notamment par les services de renseignement.
Exemple : ancien criminel de guerre nazi Eichmann, enlevé par les services secrets israéliens en Argentine.

Le principe d’intégrité renvoie à l’interdiction de modifier la sphère spatiale d’un État sans son accord.
Mais cela peut être fait dans le cadre de traités de paix, où les puissances vaincues cèdent parfois des territoires aux vainqueurs.

La résolution 2625 de l’AGNU (24 octobre 1970) établit que “Le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition territoriale par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale.”

Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures étatiques :

Le principe de non-ingérence interdit de porter atteinte à l’indépendance des autorités d’un autre État, par exemple en s’ingérant dans sa politique intérieure ou extérieure.

Ce principe découle des articles de la Charte des Nations unies ainsi que de la jurisprudence internationale.
Résolutions 2131 (1965) et 2625 (1970 – répertorie tous les principes structurants de l’ordre juridique international) de l’AGNU.

Cette ingérence ne se limite pas à l’intervention armée ; elle englobe toute forme d’ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d’un État ou ses éléments économiques, politiques et culturels.

Exemple : la Russie qui influence les élections américaines en 2016.
Exemple : affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua : le fait pour les États-Unis de soutenir des groupes armés opposés au gouvernement est une violation du principe de non-ingérence.

Cette affaire est importante parce qu’elle précise ce principe : peu importe que l’ingérence soit armée ou non, directe ou indirecte, il faut qu’il y ait une contrainte matérielle ou immatérielle + une ingérence dans un domaine réservé de l’État.

Domaines réservés : domaines où l’État peut agir seul parce qu’il n’y est pas engagé internationalement ; ex : choix de son gouvernement.
Il n’existe pas de domaines réservés par nature : les États sont libres de déterminer quelles matières ils décident d’encadrer par des règles communes.

CPJI, affaire des décrets français, 7 février 1923 : la nationalité entre-t-elle dans le champ des domaines réservés des États ?
Réponse : c’est une question essentiellement relative ; elle dépend du développement des rapports internationaux.
→ l’État est libre ou non d’encadrer ces matières
→ la nationalité n’est pas en principe réglée par le droit international

L’État, en raison de sa souveraineté, dispose de la pleine capacité à agir sur la scène internationale.

B – Les attributs de la personnalité juridique internationale de l’État

1) Les capacités internationales de l’État souverain

a) La capacité d’établir des relations diplomatiques et consulaires

Une ambassades sont des fonctionnaires envoyés dans un État étranger pour assurer la représentation de cet État.
Les missions diplomatiques peuvent être permanentes ou ad hoc.

La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961) vient codifier la coutume existante.

Pour établir des relations diplomatiques et envoyer des missions diplomatiques permanentes, il faut l’accord des 2 États.
Celui qui envoie la mission diplomatique est l’État accréditant.
Celui qui reçoit la mission diplomatique est l’État accréditaire.

3 fonctions des missions diplomatiques :

  1. Protéger dans l’État accréditaire les intérêts (économiques, culturels, scientifiques) de l’État accréditant
  1. Protéger les ressortissants de l’État accréditant dans l’État accréditaire
  1. Négocier

L’ambassade fournit également un travail de veille sur la situation de l’État accréditaire et permet de promouvoir les relations amicales entre les 2 pays.

La mission diplomatique peut débuter et se finir à tout moment : l’État accréditaire pour à tout moment retirer son accréditation de manière unilatérale et discrétionnaire.
Les diplomates deviennent alors persona non grata.
C’est un acte fort symboliquement qui traduit l’existence d’une grave crise entre les États.

En cas d’atteinte à l’inviolabilité des locaux diplomatiques ou de la valise diplomatique, c’est l’État accréditaire qui en assume l’entière responsabilité.

Les missions consulaires sont soumises au consentement mutuel.
Les formalités sont simplifiées ; les droits des agents consulaires sont moins étendus que ceux des agents diplomatiques.


b) La capacité d’édicter des normes internationales

Conclusion de traités bilatéraux ou multilatéraux.


c) La capacité de devenir membre d’une organisation internationale

≠ droit d’adhérer


d) La capacité de présenter des réclamations contentieuses en cas de litige

L’État souverain peut saisir des juges ou arbitres internationaux.

On distingue 2 modes de règlement des différends :
1- diplomatique
2- juridictionnel

Les tribunaux arbitraux sont également un mode de règlement juridictionnel.

Les réclamations des États peuvent être portées par les États en cas de violation de leurs droits ou de violation des droits de leurs nationaux (mécanisme de la protection diplomatique).


e) La capacité de répondre de la commission d’un fait internationalement illicite

Idée : l’État peut voir sa responsabilité juridique internationale engagée en cas de fait internationalement illicite (lorsqu’il viole ses obligations internationales).

Fait imputable à l’État + fait constitutif d’une violation d’une obligation internationale de l’État.

L’État ne peut pas invoquer que ce fait est licite dans son ordre juridique interne (ex : conforme à sa constitution) en raison du principe de supériorité du droit international sur le droit interne.


f) La capacité de se prévaloir d’une immunité souveraine

Immunité de juridiction : les tribunaux internes d’un État ne peuvent pas juger des faits d’un État tiers.

Immunité d’exécution : impossibilité de se saisir des biens qui appartiennent à l’État et qui sont situés sur le territoire d’autres États.

2) Les compétences de l’État souverain

a) La compétence territoriale

La délimitation des frontières présente des enjeux importants pour l’État dans la mesure où les frontières terrestres correspondent aux limites territoriales de sa souveraineté.
→ les frontières = la ligne d’arrêt des compétences étatiques

Cette délimitation peut être unilatérale, notamment lorsqu’il s’agit de séparer le territoire étatique d’un espace international (ex : haute mer, espace extra-atmosphérique).
C’est alors un acte unilatéral, mais pas discrétionnaire : l’État doit respecter les conditions établies par le droit international.

Méthode conventionnelle : la délimitation résulte d’un accord entre 2 territoires étatiques (2 États souverains se mettent d’accord pour séparer leurs territoires respectifs, terrestres ou maritimes).

Ces accords prennent la forme de traités internationaux.
Ils présentent un caractère objectif (ils sont opposables à tous les États tiers).

En cas de différend, la délimitation peut également être définie par un juge international.

La plénitude et l’exclusivité de la compétence territoriale :

Plénitude : à l’intérieur de son territoire, l’État exerce l’ensemble des pouvoirs qui s’attachent à sa qualité d’autorité suprême.

L’État assume toutes les fonctions nécessaires à l’organisation de la vie en collectivité, notamment les fonctions régaliennes : rendre la justice, assurer la sécurité extérieure et intérieure, etc.

Exclusivité : l’État détient sur son territoire le droit exclusif d’exercer les fonctions étatiques (à l’exception de tout autre État).
Il régit l’ensemble des personnes, des biens, des activités qui se situent
L’État est le seul à déterminer le choix de son système politique, économique, social et culturel.

Une sentence arbitrale du 16 octobre 1957 dans l’affaire du Lac Lanoux affirme que “La souveraineté territoriale joue à la manière d’une présomption. Elle doit fléchir devant toutes les obligations internationales, quelle qu’en soit la source, mais elle ne fléchit que devant elles.”
→ l’exercice de la compétence territoriale, en principe pleine et exclusive, peut être encadrée par le droit international

L’encadrement de l’exercice de la compétence territoriale :

Les limitations peuvent être d’origine conventionnelle ou coutumière.

Le devoir de protéger sa population civile :
> droit international des droits de l’homme
> droit international humanitaire

Objectif : protéger l’intégrité et la dignité des individus contre l’État territorial, peu importe leur nationalité.

La différence entre ces 2 branches réside dans leur contexte d’application : le droit international humanitaire est applicable dans le contexte d’un conflit armé, tandis que le droit international des droits de l’homme applicable en temps de paix comme de guerre.

4 Conventions de Genève de 1949 + 2 protocoles additionnels en 1997 : un État ne peut pas tout faire lorsqu’il est en proie à un conflit armé.

L’État se doit d’assurer le respect de ces 2 droits à l’égard de sa population entendue au sens sociologique (≠ nationalité).

En cas de violation grave et massive par un État, existe-t-il un droit d’ingérence humanitaire ?
Notion de responsabilité de protéger : il revient à chaque État de protéger sa population ; il existe des exemples de limitation à l’exercice de la compétence territoriale, apportés pour protéger les individus.

Chaque État détermine les conditions d’admission et de séjour des étrangers sur son territoire.
Le droit international, construit par et pour les États, n’a jamais consacré un droit d’accès / de séjour au profit des étrangers.
La DUDH consacre le droit de quitter son pays (art 13-2), mais ne consacre pas le droit d’entrer dans un pays étranger.

La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme “toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée […], se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection du pays”.
Elle prévoit des droits aux demandeurs d’asile, qu’ils se voient au non accorder le statut de réfugié.
Article 33 : un réfugié ne peut pas être refoulé sur la frontière où sa liberté est menacée.

💡 Il y avait en 2020 21 millions de réfugiés relevant de la compétence du HCR.

La Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides dispose que ceux-ci ont des droits particuliers en matière de liberté de circulation, de séjour, etc.

En vertu du principe d’utilisation non dommageable du territoire, l’État doit veiller à ce que ses propres activités ou celles qu’il autorise sur son territoire ne causent pas préjudice aux États tiers.

La décision prise dans l’affaire du détroit de Corfou souligne l’obligation pour tout État de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits des autres États.
→ constitue une limitation à la souveraineté territoriale de l’État

Dans l’affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay opposant l’Argentine et l’Uruguay, la CIJ applique le principe de l’utilisation non dommageable du territoire au droit de l’environnement.

Il peut aussi être utilisé pour réprimer toute atteinte qui pourrait être menée à l’encontre de la stabilité des États tiers : les États ne peuvent pas, depuis leur territoire, mener des actes qui viseraient à déstabiliser des États tiers.


b) La compétence personnelle

À la différence de la compétence territoriale, qui s’exerce sur le territoire, la compétence personnelle s’exerce à l’égard des personnes qui sont les nationaux de l’État.

Elle fonde la faculté de l’État à mettre en œuvre sa protection diplomatique.

Pour les personnes physiques, l’État détermine qui sont ses nationaux à l’aide de plusieurs critères : filiation, lieu de naissance, etc.
Cette liberté n’est pas arbitraire ; le droit international fixe les conditions d’opposabilité de la nationalité (quand un État peut opposer à un autre État que “cette personne est mon ressortissant”).

Dans son arrêt Nottebohm du 6 avril 1955, la CIJ déclare que la nationalité de M. Nottebohm a été accordée sans rattachement réel et est donc considérée comme inopposable en matière de protection diplomatique.
Elle définit la nationalité comme “un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs”.
→ le lien de nationalité n’est donc pas quelque chose de fictif

Pour les personnes morales, les États sont libres de déterminer lesquelles ont sa nationalité.
Les pays anglo-saxons retiennent le critère de l’enregistrement/l’incorporation (toutes les sociétés constituées et enregistrées conformément aux dispositions du pays acquièrent la nationalité).
D’autres pays, comme la France, retiennent des conditions de fait de nature économique (idée : réserver le bénéfice de la nationalité aux seules sociétés dont l’activité est susceptible de présenter un intérêt pour l’économie nationale). Le critère retenu est généralement celui du siège social de la société.

Les États peuvent réglementer la condition de leurs ressortissants qui se situent à l’étranger, mais l’exercice d’une telle compétence peut entrer en conflit avec la compétence territoriale d’un autre État :

Affaire du Lotus, arrêt du 7 septembre 1927 de la CIJ : la France conteste l’exercice de la compétence de la Turquie en haute mer ; la Cour refuse de suivre l’interprétation française.

Idée : les États peuvent exercer de manière extraterritoriale leurs compétences législatives et judiciaires, mais ils doivent avoir un titre de compétence.
Ils ne peuvent pas exercer de manière extraterritoriale leurs compétences d’exécution
; cela reviendrait à exercer un acte de contrainte / d’autorité sur le territoire d’un État étranger.


c) La compétence universelle

La compétence universelle consiste, pour un État, à exercer sa compétence à l’égard de personnes qui ont commis des infractions, personnes qui ne sont pas ses nationaux, qui n’ont causé aucun tort à ses nationaux et qui n’ont pas été commis sur le territoire de l’État.

L’État peut alors exercer sa compétence indépendamment de tout lien de rattachement territorial ou personnel.

Cette compétence est prévue dans le champ du droit international, notamment pénal, et vise à garantir la répression des infractions particulièrement graves.

L’article 105 de la Convention de Montego Bay établit la compétence universelle des États pour des crimes de piraterie commis en haute mer.
D’autres conventions établissent aussi cette compétence pour les crimes les plus graves : terrorisme, crime d’apartheid, crime de torture, etc.
(règle “extrader ou punir”)

Section 2 : Le développement des organisations internationales, sujets dérivés du droit international public

Dans son avis consultatif du 11 avril 1949 sur la réparation des dommages subis par les Nations unies, la CIJ affirme que “les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas forcément identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits”.

Les organisations internationales disposent d’une personnalité juridique internationale, sans pour autant se confondre avec celle des États.
Elles constituent des sujets dérivés – et non originaires – du droit international public.

Contrairement à l’État, dont l’existence constitue un fait juridique, l’existence d’une organisation international repose sur un acte juridique (ex : traité conclu entre États).

Ces organisations internationales sont souvent assimilées aux organisations interétatiques / intergouvernementales (organisations dont les membres sont des États et instituées sur la base d’un traité international).

Ce modèle d’organisation développé dans l’entre deux guerres connaît un essor considérable après la Seconde Guerre mondiale.
Ce cours se concentre sur ce modèle, mais il existe d’autres modèles d’organisations (ex : G20, Comité international de la Croix-Rouge, …).

I – La nature hétérogène des organisations internationales

La scène internationale compte + de 300 organisations internationales.

A – L’institutionnalisation des relations interétatiques

Les États peuvent renforcer leur collaboration en instituant des entités communes.
Le droit relationnel devient un droit institutionnel : les États confèrent des compétences à des organisations distinctes d’eux pour régir des questions d’ordre international.

1) L’essor du fonctionnalisme

Le fonctionnalisme est un courant doctrinal qui désigne un processus par lequel des activités spécifiques (des fonctions) vont être exécutées par des organisations internationales et non par des autorités étatiques.

Idée : mettre en œuvre la paix par une coopération internationale, organisée dans chaque secteur d’intérêt (environnement, économie, santé…) de la vie internationale.

Mitrany élabore en 1943 la 1ère théorie du fonctionnalisme en étudiant l’échec de la Société des Nations.
Il constate que la SDN a échoué parce qu’il s’agissait d’une organisation à vocation politique et qu’elle avait donc attaqué de front la souveraineté de ses États membres.
Pour lui, il est nécessaire de privilégier les organisations à vocation technique, qui interviennent sur des thèmes spécifiques, pour permettre que l’État soit “dépouillé” de ses compétences en douceur.

2) L’essor du multilatéralisme

Le multilatéralisme renvoie à une méthode de coopération entre États.
À la différence du bilatéralisme (coopération entre 2 États) et du plurilatéralisme (entre plusieurs États), le multilatéralisme propose une coopération ouverte à l’ensemble des États.

Il prend la forme conventionnelle, par l’adoption de traités multilatéraux (ex : conventions sous l’égide des Nations unies), mais peut aussi prendre une forme institutionnalisée (sous la forme d’organisations internationales).

On distingue 2 manières de faire du multilatéralisme :

  1. Le multilatéralisme universel s’adresse à l’ensemble des États.
    Exemple : ONU.
  1. Le multilatéralisme régional s’adresse spécifiquement à certains États.
    Exemple : OTAN, Union africaine.

B – Une quête de typologie des organisations interétatiques

1) Le critère de la composition de l’organisation

Les organisations internationales sont dites ouvertes lorsqu’elles sont accessibles à l’ensemble des États (organisations universelles) et fermées lorsqu’elles ne sont accessibles qu’à certains États en particulier.

2) Le critère de la finalité de l’organisation

On oppose parfois les organisations à vocation politique de celles à vocation technique.

Mais cette distinction reste artificielle : même dans les domaines techniques, la décision relève de choix politiques.

3) Le critère de la nature des compétences exercées par l’organisation

On distingue les organisations à compétence normative, qui visent à ériger des normes, et les organisations à compétence opérationnelle, qui apportent un soutien technique/logistique/financier aux États et interviennent sur leurs territoires.
Mais les organisations exercent souvent à la fois des compétences normatives et opérationnelles.

On peut aussi distinguer les organisations selon le degré de compétences qu’elles exercent :

  • Les organisations internationales de coopération sont composées de représentants d’États membres qui prennent des décisions à l’unanimité ;
  • Les organisations internationales d’intégration fonctionnent sur un transfert de compétences étatiques à des organes composés de personnalités indépendantes des États membres (exemple : l’UE avec la Commission européenne).

Mais certaines organisations de coopération intègrent des mécanismes d’intégration.

→ L’exercice de classification est complexe.

II – Les caractéristiques communes aux organisations interétatiques

A – Une organisation fondée sur un traité international

Le traité sur lequel l’organisation est fondée s’appelle son acte constitutif.
Cet acte constitutif est le droit originaire de l’organisation, adopté par les États et non par l’organisation elle-même.

L’acte constitutif d’une organisation internationale est un traité international.
L’objet de ce traité international est toutefois singulier : il ne s’agit pas uniquement d’un accord entre États qui régirait leurs droits et obligations, mais d’une constitution qui crée une institution permanente qui lie chaque État ratifiant cet acte constitutif à l’organisation elle-même.
Les États sont à la fois parties au traité qu’est l’acte constitutif et membres de l’organisation que le traité a créé.

L’acte constitutif précise les buts, les règles de fonctionnement et les compétences de l’organisation.
Il fixe les règles relatives à sa révision.
(≠ révision d’un traité classique : nécessite l’accord de toutes les parties)

Par exemple, l’article 108 de la Charte des Nations unies prévoit une adoption de la révision aux 2/3.

Une organisation peut donc souvent être révisée sans l’accord de tous ses membres.
→ l’organisation peut s’émanciper de ses créateurs

B – Une organisation composée d’États souverains

1) L’acquisition de la qualité de membre

Membres originaires ≠ membres admis

Ce sont les membres fondateurs qui déterminent dans l’acte constitutif les conditions et la procédure pour accueillir les nouveaux membres.

L’article 4 de la Charte des Nations unies précise les conditions et la procédure pour devenir membre des Nations unies.

Conditions :
> il faut être un État
> être pacifique
> accepter les obligations de la Charte
> être capable et disposé à les remplir

Procédure : sur la recommandation du Conseil de sécurité (à une majorité de 9 voix) → décision de l’AG (à une majorité de 2/3) qui entérine l’adhésion.

2) La perte de la qualité de membre

Retrait : il est rare que les organisations internationales prévoient un mécanisme de retrait volontaire.
Par exemple, la Charte des Nations unies n’en prévoit pas.

L’article 50 du traité sur l’Union Européenne (1992) prévoit un mécanisme de retrait.

Exclusion :
Un défaut de paiement ou un non-respect du droit dérivé de l’organisation ne suffisent pas à exclure un membre.

La Charte des Nations unies prévoit 2 hypothèses :

  1. L’article 5 dispose que : “Un Membre de l’Organisation contre lequel une action préventive ou coercitive a été entreprise par le Conseil de sécurité peut être suspendu par l’Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de sécurité, de l’exercice des droits et privilèges inhérents à la qualité de Membre. L’exercice de ces droits et privilèges peut être rétabli par le Conseil de sécurité.”
  1. L’article 6 dispose que : “Si un Membre de l’Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité”.

3) Autres participants à l’organisation internationale

L’organisation internationale peut prévoir d’autres statuts que celui d’État membre (”participation restreinte” ≠ “plénière”).

Le statut d’observateur (ou d’associé) permet d’assister aux travaux de l’organisation, sans pour autant avoir le droit de vote.

Le statut d’observateur à l’ONU n’est pas prévu par la Charte, mais relève de l’usage.

C – Une organisation autonome des États membres

L’organisation internationale se voit conférée une personnalité juridique internationale et va ainsi disposer de compétences propres différentes de celles des États qui la composent.
→ peut laisser craindre une émancipation vis-à-vis des États membres

1) La consécration juridique de l’autonomie

a) L’octroi d’une personnalité juridique internationale

L’organisation va exister dans les 2 ordres juridiques où elle peut être amenée à agir ; elle dispose d’une personnalité juridique interne + internationale.

La personnalité juridique interne n’a jamais causé de difficultés car elle est généralement prévue explicitement dans les actes constitutifs des organisations.

Elle tient au fait que les organisations internationales, à l’inverse des États, n’ont pas de territoire propre ; il est donc nécessaire de les accueillir sur les territoires pour qu’elles puissent exercer leurs activités.

Cette personnalité est aussi nécessaire pour l’acquisition de biens immobiliers, pour passer des contrats, pour ester en justice…

La question de la personnalité juridique internationale a suscité le plus de débats, avant d’être tranchée par un avis de la CIJ du 11 avril 1949, dans lequel la Cour affirme que l’ONU dispose d’une personnalité juridique objective et confirme que cette personnalité juridique est dérivée.

Cette existence en tant que personne juridique internationale est opposable aux États membres qui l’ont créée, mais aussi aux États tiers (qui ne sont pas partie à leur acte constitutif).

“Cela signifie que l’organisation est un sujet de droit international, qu’elle a capacité d’être titulaire de droits et de devoirs internationaux et qu’elle a capacité de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation internationale.”


b) Les attributs de la personnalité juridique internationale

Les compétences dont disposent les organisations internationales ne sont pas générales, contrairement aux États.

Principe de spécialité : les organisations internationales disposent uniquement de compétences d’attribution, c’est-à-dire celles que leur ont conféré les États.

L’organisation internationale peut d’elle-même produire du droit ou adopter des actes unilatéraux.

Dans son avis du 11 avril 1949, la CIJ reconnaît que les organisations internationales peuvent également bénéficier de compétences implicites.

L’organisation internationale dispose de capacités internationales à la fois normatives et opérationnelles.

Capacités normatives : capacité pour l’organisation internationale de produire du droit dérivé.

Capacités opérationnelles :
> activités d’assistance (économique, militaire, policière, technique)
> activités de contrôle des manquements des États membres au droit originaire ou dérivé ; ce contrôle peut être de nature juridictionnelle (ex : CIJ, CJUE)

2) Les moyens institutionnels de l’autonomie

a) Les organes de l’organisation internationale

Comme l’État, l’organisation internationale est une personne morale qui va fonctionner au travers de ses organes.

On peut distinguer les organes selon leur origine :

Les organes principaux sont créés par l’acte constitutif de l’organisation, qui précise leur organisation, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, etc.
Les organes subsidiaires résultent d’un acte unilatéral d’un organe principal. Ils sont créés par ces organes principaux pour les aider à mener leurs tâches.

Exemple : le fonctionnement de l’ONU repose sur 6 organes principaux qui sont listés à l’article 7 de la Charte des Nations unies :
1- la Cour internationale de justice
2- le Conseil économique et social
3- le Conseil de tutelle
4- le Conseil de sécurité
5- l’Assemblée générale
6- le Secrétariat

L’article 7 prévoit également la possibilité de créer des organes subsidiaires.
Ces organes subsidiaires peuvent revêtir différentes formes : comités d’experts (ex : Commission du droit international), juridictions internationales…
Lorsque l’autonomie de certains organes subsidiaires devient suffisamment importante, ils peuvent devenir des institutions spécialisées et ainsi obtenir une personnalité juridique ; ex : Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).

On peut aussi distinguer les organes selon leur composition :

Les organes interétatiques (ou intergouvernementaux) sont constitués de représentants des États membres.
Les organes intégrés sont composés d’agents internationaux, qui ne sont pas au service des États membres mais au service l’organisation internationale en tant que telle.

Les organes intergouvernementaux peuvent être pléniers (ex : AGNU) ou restreints (ex : Conseil de sécurité).

Un organe intergouvernemental s’exprime d’une seule voix, mais il s’agit en réalité politiquement de la somme des positions collectives de ses membres.
Il peut exister différents modes décisionnels :
> l’unanimité
> la majorité
> le consensus (n’induit pas de vote formel)

Certains membres peuvent avoir des privilèges décisionnels.

Les organes intégrés sont composés de fonctionnaires internationaux, qui exercent leurs fonctions dans le seul intérêt de l’organisation.
Ils sont soumis à une obligation d’indépendance à l’égard de leurs intérêts nationaux.
Ils permettent à l’organisation de se détacher des États et d’agir dans son intérêt exclusif.

On distingue différents types d’organes intégrés :
1- Ceux qui exercent une activité administrative ; ex : Secrétariat général de l’ONU ;
2- Ceux qui exercent une activité judiciaire ; ex : CIJ ;
3- Ceux qui exercent une activité militaire ; ex : Commandement intégré de l’OTAN ;
4- Ceux qui exercent une activité technique.

Voir plus bas pour les organes principaux des Nations Unies.


b) Les ressources financières de l’organisation internationale

Les ressources des organisations internationales reposent sur les contributions obligatoires et volontaires des États membres.

Pour l’ONU, objectif : répartir les contributions selon les capacités de paiement de chaque État.
Les contributions sont calculées à partir du PNB de chaque État.

En 2021, le budget de l’ONU était de + de 3 milliards USD.
Les principaux contributeurs au budget des Nations unies sont les membres du Conseil de sécurité + l’Allemagne + le Japon (avec les États-Unis en tête).
Depuis l’an 2000, les cotisations sont plafonnées de 0,001% à 22%.

Les ressources financières sont aussi un levier de pression pour les grands contributeurs.

III – L’organisation interétatique : un modèle en crise ?

Les États continuent de coopérer entre eux en dehors des organisations internationales, parce qu’elles peuvent apparaître comme trop attentatoires à la souveraineté.

Les États préfèrent généralement la coopération informelle.
Exemple : groupes de concertation politique (G7, G20…) qui ne s’appuient sur aucun traité constitutif.

Certains États puissants expriment un rejet du multilatéralisme.
Exemple : phénomène de retrait des organisations internationales qui s’est multiplié sous l’ère de l’administration Trump.

Exemples :
> Retrait de la France de l’Afghanistan en 2014
> Retrait des États-Unis et d’Israël de l’UNESCO en 2017
> Retrait et menaces de retrait auxquels fait face la CPI
> Retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne

Ces retraits affectent à la fois l’efficacité et la légitimité des organisations internationales concernées.

L’autonomie des organisations internationales peut être réduite par des moyens financiers limités.
Exemple : après l’admission de la Palestine par l’UNESCO, certains États ont décidé de bloquer leurs contributions.

Une organisation internationale peut être paralysée en cas de désaccord de certains de ses États membres.
Exemple : depuis mars 2017, le président Donald Trump a bloqué le renouvellement de ses juges au sein de l’organe d’appel de l’OMC, le paralysant.

Étude de cas :
Les organes principaux des Nations Unies

Les organes intergouvernementaux

L’Assemblée générale

L’Assemblée générale des Nations unies est conçue comme une enceinte de dialogue.

Elle ne se réunit pas en permanence : elle tient une session annuelle qui débute en septembre à New York et dure de 3 à 4 mois.
Elle peut se réunir en session exceptionnelle quand des circonstances particulières l’exigent.

L’article 12 de la Charte des Nations unies instaure une compétence subsidiaire de l’AGNU pour les missions touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationale (la compétence principale revient au Conseil de sécurité).
→ elle ne peut, en principe, discuter d’une question relevant du maintien de la paix et de la sécurité internationale si le Conseil de sécurité s’en saisit

La résolution 377 de l’AGNU (1950), votée dans le contexte de la guerre de Corée où le Conseil de sécurité était bloqué, autorise l’AGNU à se substituer au Conseil de sécurité lorsque ce dernier est bloqué.

L’AGNU n’a cependant qu’un pouvoir de recommandation.
Ses résolutions sont adoptées par vote à la majorité des 2/3 pour les questions importantes (paix et sécurité internationale) et à la majorité simple pour les autres questions.

Le Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité a “la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale” (article 24 de la Charte).

Depuis 1965, le Conseil de sécurité compte 10 membres non permanents, qui sont élus tous les 2 ans par un système de rotation sur la base de :
> la contribution des États membres au maintien de la paix
> la répartition géographique

La CIJ, dans une décision de 1971, établit que l’abstention d’un des membres permanents n’équivaut pas à un vote négatif.

Le Conseil de sécurité est organisé de façon à pouvoir exercer ses fonctions à tout moment.
Chaque État doit donc avoir, à tout moment, un représentant au siège des Nations unies à New York.

Il peut être saisi par tout État membre, par l’AGNU ou par le secrétaire général chaque fois que le maintien de la paix et de la sécurité internationale est en péril.

L’article 27 de la Charte distingue les questions de procédure (adoptées à une majorité de 9 membres quel que soit leur statut) des autres questions (adoptées à une majorité de 9 membres sur 15, dont obligatoirement les voix des 5 membres permanents).

Chapitre 6 de la Charte : “Règlement pacifique des différends”.
Chapitre 7 de la Charte : “Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression”.
Lorsque le Conseil de sécurité constate l’une de ces 3 situations, il peut adopter des mesures coercitives de nature militaire ou non militaire (ex : sanctions économiques).

Le Conseil économique et social

Le Conseil économique et social veille à une meilleure coopération des États en matière économique et sociale.

Il est composé de 54 membres élus par l’AGNU pour 3 ans.

Il agit par le biais de recommandations.

Les organes intégrés

Le Secrétariat

Le Secrétariat des Nations unies comprend le secrétaire général lui-même + quelques agents internationaux.

Le secrétaire général est élu par l’AGNU sur recommandation du Conseil de sécurité.

Il est chargé de fonctions administratives et politiques.
Il représente l’ONU et exerce un rôle de médiation lorsqu’un différend naît entre plusieurs États.
Il est indépendant de l’ensemble des États membres.

La Cour internationale de justice

La CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations unies.
Elle succède à la Cour permanente de justice internationale.

Elle est composée de 15 magistrats indépendants élus par l’AGNU et le Conseil de sécurité pour un mandat de 9 ans.

Elle a une double compétence : elle peut être saisie de questions juridiques au titre de sa compétence consultative ou de sa compétence contentieuse (les États la saisissent pour régler leurs différends).

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