Le territoire de l’État en droit

Fiche rédigée par Zeleikha al Falamanki , étudiante de droit français à l’Institut de Droit des Affaires Internationales au Caire (Égypte), sous l’égide de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Le territoire est l’étendue géographique sur laquelle s’exerce l’autorité de l’Etat.

§ 1 Les éléments composant le territoire

A – TERRITOIRE TERRESTRE

1) La substance : de quoi est-il fait ?

Le sol, le sous-sol ainsi que les eaux comprises à l’intérieur des frontières.
La superficie importe peu : il existe des micro-Etats (Monaco, 2 km2 ; Liechtenstein, 160 km2) et des Etats immenses (Canada, 10 millions km2 ; USA et Chine, 9 millions km2). Juridiquement, les Etats sont égaux, mais économiquement, ils ne le sont pas. Le territoire n’est pas intangible – il peut être modifié sans que le territoire ne disparaisse pour autant. L’Alsace-Lorraine a été perdue par la France en 1871 avec le Traité de Francfort. La structure importe peu également : certains Etats ont des grandes différences qualitatives (comme la continuité/discontinuité d’un Etat : Pakistan oriental/occidental ; USA/Alaska)
Un Etat peut être continu, mais enclavé (Lesotho ; San Marin).
Le fait d’avoir ou pas une façade maritime. En avoir une favorise. Il existe même des Etats archipels.

2) Délimitations – frontières

a) Etablissement des frontières

1 – Une ligne servant à délimiter le territoire terrestre. Le plus souvent, elles sont matérialisées sur le sol (des barrières, des douanes, …) surtout où il y a des routes, des voies de communications. Il existe à la fois des frontières naturelles et artificielles.
§ Frontières naturelles : s’appuyer sur des fleuves, des lacs, des montagnes
§ Frontières artificielles : comme en Afrique. Parfois on essaye de s’accrocher à des éléments pour donner plus de crédibilité, d’objectivité, à ces frontières comme les latitudes et les longitudes (les 2 Corée).

2 – Délimitation : Pour avoir une sécurité juridique, il faut assurer des frontières stables et définitives. Il existe 3 moyens de délimitations :
§ Conventionnelle. Celle-là est déterminée par traités entre Etats limitrophes. Un effet absolu à l’égard des tiers est inhérent à ce moyen. Cette délimitation peut être faite par un traité spécial (Argentine/Chili en 1984) ou faire partie d’un autre traité (Egypte/Israël en 1979) ;
§ Juridictionnelle est issue de l’intervention d’un tiers juridictionnel, notamment la CIJ. Depuis longtemps, la Grèce et la Turquie ne se sont jamais mis d’accord. En revanche, la CIJ a été saisie plusieurs fois (Bahreïn/Qatar, 2001 ; Burkina Faso/Mali, 1986 ; Honduras/Salvador, 1992 ; Libye/Tchad, 1994 sur la bande d’Aozou ; Botswana/Namibie, 1999). Il y a des affaires en cours, comme le Cameroun et le Nigeria, l’ Indonésie et le Malaysia, le Nicaragua et le Honduras et le Nicaragua et la Colombie. Un arbitre peut être demandé à trancher pour des raisons personnelles ou temporaires. Chaque Etat propose un ou deux experts internationaux pour former un Comité d’arbitrage. Ce fut le cas pour l’enclave de Taba : la sentence arbitrale a été rendue en septembre 1988 en faveur de l’Egypte. Suite à cela, ils ont conclu les Accords de Taba en février 1989 pour donner effet à la sentence arbitrale (mais l’Egypte devait verser une indemnisation à Israël pour le Hilton). Taba retourne à l’Egypte en mars 1989 ;
§ Unilatérale. Ce mode ne concerne que les frontières maritimes ou les frontières aériennes parce qu’elle est unilatérale donc dépendante de la volonté d’une seule partie. Ce mode de délimitation ne peut donc jouer que lorsque la frontière sépare l’espace national à un espace internationalisé qui appartient à personne et à tout le monde. Le droit international impose tout de même des limites.

b) Modification des frontières

1 – Intangibilité des frontières – Cette intangibilité des frontières est facile à respecter lorsqu’il s’agit de frontières naturelles… on ne peut en dire autant pour les frontières artificielles. On pourrait imaginer que ces lignes imaginaires qui ne représentent rien de concret (notamment en Afrique) feraient l’objet de contestation mais la Charte de l’OUA (1963) et une résolution de l ‘OUA (1964) confirment et reprennent le principe d’intangibilité des frontières, pour rester dans le cadre africain.
Dans son arrêt en la matière de l’affaire Burkina Faso c/ Mali du 22 décembre 1986, la CIJ reprend ce principe qui représente un principe général qui était issu du phénomène de l’accession à l’indépendance et dont le but est d’éviter que la stabilité des Etats nouveaux soit mise en question.

2 – Modes de modification de fait – Plus un Etat est vaste, plus il est puissant. Chaque Etat cherche à étendre son territoire. Mais vu que les territoires sont structurés depuis des dizaines d’années, il n’y a pas de territoires terra nullius internationalisés : toutes les terres ont été appropriés par un Etat. Si un Etat étend son territoire, c’est au détriment d’un autre Etat que cela serait fait, ce qui est contraire au principe d’intangibilité.
§ Annexion : quand un Etat se rend définitivement maître d’une partie ou de la totalité du territoire d’un autre Etat. L’annexion totale d’un Etat résulte en la disparition de cet Etat. Cela est contraire au droit international. Exemple : les Etats baltes annexés par l’URSS ; le Koweït annexé par l’Irak.
§ Fusion d’Etats : avec accords réciproques, des Etats se groupent pour en former un seul. Exemple : République Arabe Unie = Egypte + Syrie de 1958 – 1961 ; Yémen du Nord + Yémen du Sud en 1990 ; RFA + RDA = RFA ; Tanzanie (1964) = Zanzibar + Tanganyika.
§ Scission : éclatement d’Etat qui donne naissance à de nouveaux Etats. Exemples : URSS ; Yougoslavie ; Tchécoslovaquie.
§ Sécession : séparation, amputation au territoire, une partie de territoire se sépare pour former un Etat indépendant. Exemples : Pays-Bas à Belgique (1830) ; Pakistan à Bangladesh (1971) ; Ethiopie à Erythrée (1991).
§ Cession : Cession à titre gratuit (sans contrepartie financière) comme la France et la Savoie et le Comté de Nice avec le Traité de Sardaigne se distingue ce la cession à titre onéreux, comme la Louisiane vendue par la France aux EU en 1803 (60 millions de Francs), et les EU qui achètent l’Alaska de la Russie en 1867 (à 7, 2 millions de dollars).

3o) Le régime juridique

Le régime juridique du territoire terrestre est soumis à la souveraineté absolue et exclusive de l’Etat. Ce régime est d’origine coutumière, mais a été repris par la CIJ à plusieurs reprises.

B – TERRITOIRES MARITIMES

Les espaces maritimes sont les mers adjacentes aux territoires terrestres d’un Etat. Un Etat qui n’a pas une façade maritime ne peut pas avoir d’espaces maritimes. Il y a un dégradé de compétence : plus on est près du territoire, plus l’Etat aura une souveraineté absolue ; plus on s’éloigne, ces compétences étatiques baissent.

1o) Enjeux stratégiques

Les enjeux stratégiques que présentent les territoires maritimes sont au nombre de 3 : ressources économiques, navigation, sécurité. Au XXe siècle, on assiste à une augmentation des compétences de l’Etat dans les espaces maritimes : on s’étend de plus en plus. Pendant longtemps, l’espace maritime se limite à la mer territoriale. On cherche à accéder à la haute mer, ce qui augmente à la fois la souveraineté et les ressources. Les Etats ayant une façade maritime sont les Etats côtiers. Il y a un conflit d’intérêt entre les Etats côtiers et les grandes puissances maritimes [qui n’ont pas forcément accès direct à la mer].

2o) Réglementation internationale

Le droit de la mer est d’origine coutumière. Il est apparu dès le XVIIe siècle : c’est en effet une des plus anciennes coutumes. Il a été codifié dans des traités dont quatre conventions en 1958 (sur le plateau continental, sur la haute mer, sur la mer territoriale et la zone contiguë et sur la pêche et la conservation des ressources en Haute mer.) et un nouveau traité dont les négociations ont tenus place de 1973 à 1982. ce texte n’a pas été adopté par consensus, mais par le vote et il y eu des votes contre. En 1993, la Guyane ratifie (60e Etat). Il entre en vigueur l’année suivante. C’est la convention de Montego Bay.

3o) La substance du territoire maritime

a) Territoire maritime stricto sensu

C’est la zone adjacente au territoire qui contient les eaux intérieures et la mer territoriale.

1 – Les eaux intérieures – Ce sont les espaces maritimes inclut aux territoires terrestres (ex. : estuaires, baie, ports, …). L’Etat lui-même détermine de manière unilatérale la limite des eaux internes, tout en respectant bien entendu certaines règles de droit international. Ces eaux intérieures appartiennent à l’Etat au même titre que le territoire terrestre. Il faut une autorisation pour y accéder sauf pour les navires en détresse.

2 – Les eaux territoriales – Zone de mer adjacente aux côtes situées au-delà des eaux intérieures et qui s’étend vers le large. Elle s’étend sur 12 miles marins. A l’origine, elle avait des intérêts plutôt de sécurité : pour se protéger (3 miles marins). « Le pouvoir de l’Etat finit là où finit la force de ses armes. » La Convention de Montego Bay la fixe à 12 miles marins, et est sous la souveraineté totale de l’Etat. En ce qui concerne la navigation, l’Etat doit autoriser des passages inoffensifs. Pour les côtes contiguës, les règles de l’équidistance prévues par l’article 15 de Montego Bay qui s’applique, sauf si les parties demandent l’application du principe de l’équité.

3 – La zone contiguë – Au-delà de la mer territoriale, il y a la zone contiguë non-placée sous la souveraineté de l’Etat. En revanche, l’Etat dispose du droit de faire des contrôles sanitaires, fiscaux, d’immigrations, douaniers, …

b) Les espaces patrimoniaux

Ce sont les zones maritimes qui se trouvent au-delà du territoire national mais sur lesquelles l’Etat exerce une souveraineté économique.

1 – Le plateau continental – Il est constitué des fonds marins et du sous-sol des régions maritimes qui s’étendent dans le prolongement naturel du territoire terrestre de l’Etat sous la mer. On entend parler pour la première fois du plateau continental en 1945 lorsque Truman lance l’idée de droit exclusif dont jouit l’Etat côtier sur le plateau continental, idée qui devient coutume. Il y exerce des droits économiques exclusifs sur ses ressources. Il y a eu des litiges entre les Etats avec des côtes adjacentes ou face à face… l’article 83 de la Convention de Montego Bay dispose ainsi : « il faut trouver une solution équitable », alors que la Convention de 1958 prévoyait le principe de l’équidistance.

2 – Zone Economique Exclusive – Celle-là est située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci. Elle concerne les masses d’eau. L’article 57 de la Convention de Montego Bay donne quatre précisions en la matière. 1) elle peut aller jusqu’à 200 miles marins ; 2) elle n’exerce qu’une souveraineté économique ; 3) l’Etat peut autoriser à d’autres pêcheurs d’y accéder ; 4) les autres peuvent la traverser dès lors qu’ils n’exploitent pas les ressources.

C – ESPACE AERIEN

L’espace aérien est l’espace atmosphérique qui se trouve au-dessus du territoire terrestre de l ‘Etat de ses eaux intérieures et de sa mer territoriale. Il est soumis au même régime juridique que l’espace qu’il surplombe.
L’Etat va pouvoir limiter, interdire l’accès. Si un avion passe sans autorisation, l’Etat sous-jacent a le droit d’interpeller l’avion. La Convention de Chicago qui a mis en place l’organisation de l’aviation civile internationale en 1944 a été amendée en 187 suite au problème de Korean Airlines en URSS en 1983 : elle interdit aux Etats de recourir à la force contre les avions civils.

REMARQUE : LES ESPACES INTERNATIONALISES

Ce sont les espaces qui n’appartiennent à personne et appartiennent à tout le monde. Tout le monde peut y accéder. Liberté d’utilisation, mais il existe un nombre de règles qui régissent cette utilisation.

1 – La Haute-Mer : les eaux au-delà de la ZEE. Principe de liberté de navigation et de survol. Exploitation de ressources économiques. Ce principe est une règle d’origine coutumière codifiée par la Convention de Genève de 1958 et les articles 87 et 90 de la Convention de Montego Bay. On y applique, en matière de litiges entre personnes privées, le principe de personnalité des lois.
Pour les ressources économiques qui se trouvent en Haute mer, on procède à une exploitation commune des grands fonds marins. La Convention de Montego Bay prévoit d’établir une autorité internationale des fonds marins qui serait chargée d’exploiter les ressources de haute-mer au profit des PED [partie XI]. Malheureusement, ce système n’a pas été mis en place.

2 – Espaces extra-atmosphériques – c’est l’espace qui se trouve au-delà de l’atmosphère. Convention de 1967 sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique qui prévoit la liberté de l’espace : n’import qui peut l’utiliser.

3 – Antarctique – a subit des revendications territoriales après lesquelles le Traité sur l’Antarctique (1959) qui prévoit un gel de celles-là et la liberté de recherches scientifiques accessibles à tout le monde + démilitarisation. En ce qui concerne les ressources de l’Antarctique, on élabore un protocole (complément de traité) sur la protection globale de l’environnement en Antarctique signé en 1991 à Madrid selon lequel, pendant 50 ans, il n’y aura aucune exploitation des ressources minérales.

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