La population : élément constitutif de l’État

Fiche rédigée par Zeleikha al Falamanki , étudiante de droit français à l’Institut de Droit des Affaires Internationales au Caire (Égypte), sous l’égide de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

§ 1 : La composition

La composition est la communauté humaine établie sur le territoire d’un Etat (à la fois les nationaux et les étrangers résidents permanents ), peu importe le nombre d’individus. Effectivement, il n’y a pas de seuil quantitatif comme il n’y a pas de plafond quantitatif. Des micro-Etats existent à côté d’Etats dont la démographie est colossale tels la Chine, l’Inde. Les nationaux et les étrangers ne sont pas soumis aux mêmes droits, ni aux mêmes obligations.

§ 2 : La nationalité, institution de droit interne

C‘est le lien juridique qui unit un individu, un groupement ou une chose à un Etat donné.

A – OCTROI DE LA NATIONALITE

1o) La nationalité des individus. Les personnes physiques

a) Principes

· C’est une attribution discrétionnaire de l’Etat. Celui-là est libre de fixer ses propres règles et est le seul compétent en cette activité. C’est une attribution qui lui est exclusive.
· 3 conditions d’acquisition : à la naissance, par mariage, par résidence.
– Au moment de la naissance, il existe le jus sanguinis (tous les pays l’admettent) et le jus soli c’est-à-dire pour les nés sur le territoire national (celui-là est soumis à certaines conditions selon les différents pays)
– Par le mariage, on peut, selon les législations des différents Etats, acquérir la nationalité. En ce qui concerne la transmission de la nationalité des parents adoptants aux enfants adoptifs, cela est livré à la législation des Etats concernés ;
– Certains Etats livrent la nationalité aux étrangers résidents en permanence sur le territoire s’ils remplissent certaines conditions réglées par la législation.

Tous les Etats appliquent au moins le droit du sang (jus sanguinis). En Egypte, la nationalité égyptienne de la mère ne se transmet pas à l’enfant. En ce qui concerne le droit du sol (jus soli), celui-là s’applique surtout dans les pays d’émigration, ce qui n’est notamment pas le cas en Allemagne (où se pose le problème de la nationalité à la deuxième génération de turcs immigrés… même si cela a quelque peu changé avec l’arrivée au pouvoir de la gauche qui leur permet d’acquérir la nationalité allemande si et seulement s’ils renoncent à l’autre nationalité) La nationalité est un critère très fort de la souveraineté de l’Etat. Jusque là, il s’agissait de l’acquisition au moment de la naissance. Une acquisition ultérieure est également possible. On parle dès lors de naturalisation qui est possible par un événement (notamment le mariage) ou un séjour prolongé.

b) Le système français

Il a beaucoup évolué en raisons de facteurs économiques, démographiques, politiques, historiques. Le Code civil de 1804 avait seulement adopté le critère de jus sanguinis paternel. En 1851, la loi sur la nationalité a été amendée : un enfant dont le père naît en France peut devenir français si lui-même naît en France. En 1927, un enfant né en France de mère née en France peut être français. En 1945, les enfants nés en France ont la nationalité même si les parents ne le sont pas. On admet enfin le droit de sol (jus soli) avec la loi de 1945 qui a été amendée en 1993 (on exigeait avant 1993, 6 mois de vie commune, augmenté à 2 ans de vie commune qui seront enfin réduit à 1 an de vie commune). D’autres dispositions de la loi de 1993 inspirée par la droite concerne le jus soli : celui-là a fait l’objet d’un certain nombre de conditions telle une résidence continue pendant 5 ans sur le territoire français pour les enfants nés de parents étrangers en France. En 1998, cette loi est amendée par la réforme Guigou, réforme qui va assouplir les critères. L’article 27 al. 7 prévoit que tous les enfants nés en France de parents étrangers acquièrent la nationalité française à 18 ans si, à cette date, l’enfant est résident en France avec cinq ans de résidence continue ou discontinue depuis l’age de 11 ans.
L’article 21 al. 8 : la nationalité est donnée automatiquement si le candidat remplit les conditions de l’article 21 al 7. Il peut y renoncer, il peut la décliner entre 17 ans et demi et 19 ans. Cette loi de 1998 prévoit de même, par le biais de l’alinéa 11 de l’article 21, que les parents peuvent faire une demande dès 13 ans et 16 ans (tout seul) avec les mêmes conditions de résidence.
Article 19-3 : « Est français un enfant qui est né en France dont le père ou la mère est lui-même français. » En ce qui concerne l’acquisition ultérieure, en cas de mariage (l’article 21 alinéa 2) prévoit un délai d’un an de mariage (qui est dérogé s’il y a un enfant qui est « engendré » par le mariage) ET une communauté de vie continue. En matière de séjour prolongé, qui est régulé par l’alinéa 17 de l’article 21, il faut :
1) un séjour de minimum 5 ans avant le dépôt de la demande ;
2) justifier une assimilation à la communauté française (art. 24 al 24) ;
3) une connaissance suffisante de la langue française
4) être de bonne vie et de bonnes mœurs (art. 21 al 23)
NE PEUT ACQUERIR LA NATIONALITE S’IL A ETE L’OBJET SOIT D’UNE CONDAMNATION, D’UN CRIME, DELIT, ATTEINTE AUX INTERETS DE LA NATION, ACTES TERRORISTES OU 6 MOIS DE PRISON.
Même si les conditions nécessaires sont remplies, l’Etat peut refuser. Mais dès 1998, l’article 27 dispose que tout refus doit être motivé.

2o) Les personnes morales. Les sociétés commerciales

C’est une compétence discrétionnaire des Etats de donner la nationalité aux sociétés commerciales.

à Critère de rattachement
· Le lieu d’enregistrement de la société. Toute société doit être enregistrée auprès de la Chambre de Commerce d’un certain Etat : elle aura donc la nationalité de cet Etat. Ce critère est appliqué par les pays anglo-saxons (il y a dans ces pays une grande liberté quelque soit le lieu réel d’activité) ;
· Le siège social, c’est où il y a la direction de la société. Critère adopté par la France ;
· La nationalité des actionnaires est un critère beaucoup moins adopté car ils ont souvent des nationalités différentes.

3o) Nationalité des biens

Les biens ont en principe la nationalité de leurs propriétaires. Mais il y a des règles en ce qui concerne les véhicules et les navires. Un navire doit avoir un drapeau : le pavillon. Le propriétaire choisit généralement un pays où les lois sont flexibles. Certains vont appliquer le critère du lieu d’enregistrement (surtout dans les cas où les actionnaires ont des nationalités différentes). On enregistre dans un pays où les règles sont moins strictes, d’où le problème de navires qui ont été matriculés dans un pays qui n’a aucun lien d’attachement avec et sans contrôle de cet Etat. C’est le cas de Gibraltar, Chypre, Panama, Liberia, Vanuatu, Bermudes où la protection juridique est beaucoup plus faible. Ces Etats profitent des fiscalités, en contrepartie les navires profitent de la nationalité. Les traités élaborés en matière du droit de la mer n’ont pas été ratifiés par ces pays ce qui pose un grand problème en droit international.
Les avions aussi ont une nationalité.

B – LES EFFETS JURIDIQUES DE CETTE NATIONALITE

Le lien de nationalité entraîne des droits et des obligations réciproques entre l’Etat et son national.

1o) Les nationaux

a) Les droits

Loi de la nationalité peut accorder des droits de caractère politique (droit de vote, droit à l’éligibilité, …) ainsi que des droits tels que le libre accès aux emplois publics qui sont exclusifs aux nationaux, libre accès à toute activité professionnelle, libre accès au territoire national et le droit d’y rester et la protection diplomatique.

b) Les obligations

Il est soumis à la loi de l’Etat national même quand il est à l’étranger. Le citoyen est soumis à quelques lois nationales (ex. : droit de la famille). L’Etat peut exiger le service militaire.

2o) Les étrangers

L’individu n’a pas la nationalité du pays où il réside. Ainsi, ses droits et obligations sont différents.

a) Autorité de l’Etat

L’Etat peut contrôler à la fois l’accès au territoire et la durée de séjour.

1 – L’accès au territoire national – Le contrôle d’accès est un pouvoir discrétionnaire à chaque Etat. Il peut, à sa discrétion, soit limiter, soit ouvrir. L’autorisation d’accès est le visa. En France, en 1993, les conditions d’octroi du visa ont été durcis sous la lois Debré (Ministre de l’Intérieur). Il fallait un certificat d’hébergement et celui-ci était donné par le maire de la région d’hébergement (ceci étant pour ceux qui allaient rendre une visite à quelqu’un). On pouvait refuser si les conditions d’hébergement ne sont pas remplies.
En 1998, un nouveau Ministre de l’Intérieur, Chevènement, supprime le certificat d’hébergement pour une attestation d’accueil (lettre de l’hébergeant).
La Convention de Schengen (1990) prévoit un visa dont les conditions d’octroi sont réglées entre les pays membres de l’Union européenne (sauf pour l’Angleterre) où il n’y a pas de contrôle : le visa serait valable pour tous les pays-membres.
Problème du droit d’asile des réfugiés :
Individus qui sont persécutés par leur propre Etat pour des raisons politiques, religieuses, ethniques, sexuelles… Ce statut est remis en cause car beaucoup d’émigrés utilisent ce « prétexte » pour débarquer en Europe même s’ils ne sont pas persécutés.

2 – Le séjour au territoire – L’étranger, s’il veut rester sur le territoire, va devoir faire une demande de carte de séjour de façon discrétionnaire. Une fois qu’il obtient cette carte, il pourra séjourner mais il n’aura pas les mêmes droits qu’un national. Les Européens suivent un régime dérogatoire en ce sens qu’ils peuvent participer aux élections locales. Certaines professions ne sont pas autorisées (ex. : médecin, avocat).
Le régime juridique est différent.

b) Les limites de l’autorité de l’Etat

Il existe un standard minimum issu de la coutume internationale qui oblige l’Etat à respecter un minimum de droit des étrangers, souvent repris dans des traités ou présents dans des JCP :
– protection de liberté et de sécurité ;
– protection des biens ;
– accès aux tribunaux ;
– réparation des dommages.

§ 3 : La nationalité en droit international public

A – LE DROIT À UNE NATIONALITE

Ce droit est prévu par l’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. C’est une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Le Pacte International sur les Droits Civils et Politiques, établit par la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, prévoit le même principe. Ce texte détient d’une force plus contraignante car la Commission des Droits de l’Homme est un organe qui fait respecter l’application tandis que la résolution émanant de l’AG n’a qu’une valeur consultative. L’octroi de la nationalité est un pouvoir totalement discrétionnaire des Etats (Décret de la CPJI 1923 de nationalité en Tunisie et au Maroc).

1o) Nationalités multiples

Si un individu a plus d’une nationalité, il est attaché à plusieurs Etats. Cet individu bénéficie ainsi de plusieurs avantages, mais cela entraîne des problèmes en ce qui concerne notamment la protection diplomatique (où les Etats doivent se mettrent d’accord sur la nationalité effective de l’individu). Nous sommes confrontés à un conflit de nationalité de type positif. Il existe tout de même des conflits de nationalité négatifs…

2o) L’apatridie

Terminologiquement, cela signifie l’individu qui est dépourvu de partie, en allemand, les Heimatlos). Les apatrides sont ceux qui n’ont pas de nationalités. On ne naît pas apatride (puisque généralement on se voit transmettre la nationalité de jus sanguinis ou même de jus soli) L’exemple brillant et massif de cette catégorie d’individus, est le cas des Palestiniens. Etant donné le fait qu’ils n’aient pas d’Etat, ils ne peuvent pas détenir une nationalité. L’autorité palestinienne octroi des passeports, qui ne sont reconnus que par les pays membres de la Ligue arabe. Il arrive, par ailleurs, que des Etats retirent leur nationalité à leurs nationaux. C’est le cas des régimes autoritaires qui sanctionnent les opposants au régime en leur retirant la nationalité. En Grèce, entre 1967 et 1974, le régime des Colonels procède librement à cette pratique. Cela s’est également pratiqué en URSS, en Egypte nassérienne… Des conventions ont été élaborées pour lutter contre cette pratique, mais ces conventions n’ont pas été ratifiées par tout le monde. Le droit français prévoit des cas où la nationalité pourrait être retirée : ce sont les dispositions de l’article 23-8. « Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n’a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement. » De plus, l’article 25-1 met une exception à ce principe : l’ individu peut être déchu de la nationalité sauf s’il n’a pas d’autre nationalité. Aux français qui le sont devenus a posteriori peuvent perdre la nationalité pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour des actes terroristes (article 25 C.Civ) ceci étant dans un délai de 10 ans après l’acquisition (art. 25-2 C.Civ.).
Les apatrides vont quand même bénéficier des même droits des étrangers – souvent plus, ils ne peuvent, par exemple, être expulsé facilement. On va leur donner des titres de voyage (ex. : pour quitter et revenir sur le territoire, une sorte de « titre de séjour »)

B – L’OPPOSABILITE DE LA NATIONALITE

1o) La protection diplomatique

a) Notion

C’est le droit pour un Etat d’agir en faveur de ses nationaux auprès de l’Etat de séjour (qui est tenu de garantir le standard minimum). L’Etat national va substituer le national, s’il y a violation de droits, en demandant une réparation à son dommage.

b) Les conditions

– L’étranger qui a vu ses droits violés doit s’adresser au tribunal interne de l’Etat de séjour. Il faut qu’il fasse une voie de « recours internes » Règle de l’épuisement, il a puisé toutes les voies de recours internes.
– C’est une compétence discrétionnaire de l’Etat, d’intervenir ou pas : il est libre d’exercer ou de ne pas exercer sa protection diplomatique, pour des liens politiques. Il faut faire un équilibre entre les intérêts propres des deux Etats.
– Un Etat ne peut exercer cette protection aux bénéfices d’un étranger ou encore d’un apatride, de même que les réfugiés politiques. Il ne peut le faire qu’au service de ses nationaux.

2o) L’effectivité de la nationalité (au niveau des Etats)

L’Etat national doit prouver qu’il s’agit bien d’un national. Le passeport ne suffit pas. Il faut que l’individu dispose d’une nationalité effective. Les critères de cette effectivité sont posés par un arrêt de la CIJ de l’affaire Nottebohm c/ Guatemala, CIJ, 1955. Un allemand s’installe au Guatemala où il créé des entreprises, au début du XXe siècle, sans avoir la nationalité guatémaltèque. En 1939, lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, être allemand n’est pas un avantage en Amérique, et donc M. Nottebohm, en vue d’éviter un mauvais traitement potentiel de la part du gouvernement, cherche à obtenir une autre nationalité. A cette fin, il s’adresse au Liechtenstein. Refusant de prendre en compte cette nouvelle nationalité, le Guatemala confisque toutes les entreprises de M. Nottebohm. Celui-là conteste en faisant recours aux tribunaux internes jusqu’à franchir l’épuisement des voies de recours internes. Il fait appel à la protection diplomatique du Liechtenstein, qui est, elle, refusée par le Guatemala. La CIJ est saisie. Elle affirme le principe selon lequel la pratique de la protection diplomatique n’est possible que s’il y a nationalité effective. Cette nationalité effective existe dès lors qu’il y a 1) une résidence ; 2) un lien familial ou lien professionnel ; 3) un lien fiscal ; et 4) un séjour prolongé. En l’espèce, on examine le passé de M. Nottebohm pour voir s’il a des liens juridiques à la base d’un fait social de rattachement. Or la nationalité dont dispose Nottebohm n’est pas une nationalité effective, mais de complaisance. Il faut que la nationalité exprime « une solidarité effective d’existence d’intérêts et de sentiments, jointe à une réciprocité des droits et des devoirs ». « Il faut accorder le lien juridique de nationalité avec le rattachement effectif de l’individu à l’Etat ».

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