Plan détaillé de dissertation : la nullité d’un acte administratif en droit pénal

Auteur : Timothée Peraldi
Sujet de la dissertation : « La nullité de l’acte administratif à la base d’une poursuite ».


Si le règlement est une source non négligeable de droit pénal, il a la particularité de dépendre par nature du juge administratif. La question de l’interprétation des actes administratifs par les juridictions pénales a ainsi été source de vastes débats doctrinaux dans le cadre d’un contentieux important et propice aux revirements de jurisprudence.

Par “acte administratif”, il est ici question d’actes administratifs unilatéraux, par lesquels l’administration modifie l’ordonnancement juridique en créant des droits ou obligations ou en modifiant des normes existantes. Les actes administratifs réglementaires, tels que les décrets et arrêtés, ont une portée générale et impersonnelle, tandis que les actes administratifs individuels, tels que les permis de construire, désignent une personne nommément.

C’est le Tribunal des conflits, dans son arrêt Avranches et Desmarets du 5 juillet 1951, qui a d’abord estimé que le juge pénal est compétent pour interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs réglementaires, avant que l’article 111-5 du Code pénal, entré en vigueur en 1994, ne codifie cette règle, pour les actes administratifs réglementaires comme individuels, lorsque la solution du procès pénal dépend de cette appréciation.

Si le juge pénal est ainsi compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs, ces derniers peuvent aussi être contestés devant le juge administratif, notamment dans le cadre du recours pour excès de pouvoir (REP). Celui-ci peut alors annuler l’acte concerné, même dans le cas où des poursuites pénales ont déjà été engagées sur la base de la violation de cet acte ; le juge pénal peut alors choisir d’abandonner les poursuites, mais aussi de les poursuivre au motif que l’acte annulé était exécutoire au moment des faits. Puisque cette question a une influence non négligeable sur des procédures pénales et donc sur la sécurité juridique des justiciables, il convient d’étudier la manière dont la jurisprudence a fait évoluer la réponse à celle-ci, ainsi que les raisons l’ayant poussée à le faire.

Il ne sera ici question que de l’annulation d’un acte administratif dont la violation est à l’origine de poursuites pénales, et non de la question plus large du contrôle de légalité du règlement pouvant être exercé par le juge pénal au cours du procès sur le fondement de l’article 111-5 du Code pénal.

Dès lors, comment et pourquoi la jurisprudence reconnaît-elle l’absence de base légale de la poursuite pénale engagée pour violation d’un acte administratif ensuite annulé ?

Après une série de revirements de jurisprudence, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fini par dégager le principe suivant lequel l’annulation d’un acte administratif entraîne nécessairement l’abandon pour absence de base légale des poursuites pénales fondées sur la violation de cet acte, dans un objectif d’harmonisation de la justice et d’une meilleure sécurité juridique ; le champ d’application de ce principe reste néanmoins restreint. Il conviendra d’abord d’étudier la reconnaissance tardive de ce principe (I), avant de s’interroger sur les raisons et la portée de celle-ci (II).

I – La reconnaissance tardive du principe d’abandon des poursuites pénales après l’annulation de l’acte administratif qui en est à l’origine

A – Une succession de revirements de jurisprudence

  • La chambre criminelle a d’abord considéré que “l’annulation par la juridiction administrative d’un règlement pénalement sanctionné enlève toute base légale” aux poursuites (Cass. crim., 19 déc. 1971), avant d’affirmer que “l’annulation d’un acte administratif individuel pénalement sanctionné est sans effet sur l’existence d’une infraction fondée sur la violation de cet acte” (Cass. crim., 18 mai 1998).
  • Dans son arrêt n°07-81.659 du 21 novembre 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation opère un second revirement de jurisprudence, en affirmant que “l’annulation par la juridiction administrative d’un acte administratif prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte”.

B – Aujourd’hui, un principe fréquemment rappelé par la Cour de cassation

  • La Cour de cassation a depuis réaffirmé cette solution à de nombreuses reprises, par exemple : Cass. crim., 15 oct. 2008 ; Cass. crim., 12 déc. 2012 ; Cass. crim., 16 nov. 2010 ; Cass. crim., 27 oct. 2010. La règle est donc aujourd’hui claire : l’annulation d’un acte administratif entraîne l’abandon des poursuites pénales fondées sur la violation de cet acte, et ce peu importe que l’acte annulé ait été exécutoire au moment des faits.
  • L’affirmation de ce principe est importante parce qu’elle est régulièrement appliquée dans le cadre d’un contentieux abondant, notamment en matière de restitution de permis de conduire ou dans le cadre du droit de l’urbanisme et de l’environnement.

Après avoir étudié comment la jurisprudence a fixé ce principe, il convient de s’interroger sur les raisons l’ayant poussée à le faire.

II – Une reconnaissance nécessaire mais à la portée limitée

A – Une nécessité d’harmonisation des ordres juridictionnels

  • La reconnaissance de ce principe était devenue urgente en raison de la nécessité d’harmoniser les deux ordres juridictionnels. En effet, le Conseil d’État considère que l’annulation d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’être jamais intervenu, sauf dans les cas où le juge administratif décide de moduler dans le temps les effets juridiques de l’annulation de cet acte (CE, Ass., 2004, Association AC!).
  • Cette harmonisation permet d’éviter les discordances entre juridictions, qui peuvent être source d’incompréhensions et donc limiter la sécurité juridique des justiciables concernés.

B – Un champ d’application néanmoins restreint

  • Ce principe ne s’applique pas aux condamnations pénales définitives dont il serait demandé la révision en raison de l’annulation ultérieure par le juge administratif de l’acte administratif qui avait fondé les poursuites, compte tenu du caractère absolu de l’autorité de chose jugée en matière pénale.
    • Cette situation peut apparaître comme contestable, puisqu’il peut donc exister une situation où un justiciable est condamné pénalement sur la base d’un acte administratif ensuite annulé par le juge administratif, sans qu’il ne puisse exercer de recours.
  • De plus, le recours pour excès de pouvoir, qui permet de demander au juge administratif d’annuler un acte administratif, doit être exercé dans un délai très court de deux mois à compter de la publication de l’acte concerné.
    • Cela restreint l’intérêt de ce principe. La personne poursuivie pénalement en raison de la violation d’un acte administratif dont elle conteste la légalité qui n’a pas pu exercer de REP pourra toujours soulever une exception d’illégalité auprès du juge pénal sur le fondement de l’article 111-5 du Code pénal, mais avec la possibilité que le juge pénal la rejette.

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