Commentaire corrigé : « Rolin », Conseil d’État, 27 octobre 1999

Fiche rédigée par Olivier GAMARD, étudiant en 2ème année à Nancy II.

Cette copie a obtenu la note de 12/20 : le correcteur conteste apparemment certaines lacunes dans l’analyse et n’a pas apprécié les remarques sur les interprétations du Conseil d’État en matière de service public.
Ce plan est bien entendu à étoffer (ce commentaire a été réalisé en 1h30).


Introduction

Le présent arrêt de la section du contentieux du Conseil d’État nous confronte à un problème de nature des actes mis en cause par le requérant.
En effet, en l’espèce, suite à la décision du président de « la Française des jeux » de créer les jeux instantanés « Banco » et « Bingo », M Rolin lui demande de retirer de la circulation les billets de divers jeux. Suite à son refus implicite, M Rolin dépose une requête visant à annuler ces deux décisions devant le conseil d’Etat, qui, par le présent arrêt se déclare incompétent pour statuer sur la demande.
Ainsi, le juge administratif se refuse à statuer et estime que la mission que la Française des jeux assume n’est pas de service public et que les décisions attaquées ne sont donc pas de nature règlementaire.
Ainsi, le problème juridique qui s’est posé aux magistrats en l’espèce était de savoir si la mission de la Française des Jeux était ou non de service public afin de pouvoir statuer sur la nature des actes attaqués et donc sur ses compétences pour juger de leur légalité.
Dans une première partie, il conviendra donc de nous intéresser au refus de la demande par le conseil d’État ; puis, dans une seconde, nous verrons que cette décision s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel du Conseil d’État visant à encadrer la notion de service public.

I. Le refus du juge administratif de statuer sur la requête

Le Conseil d’État a depuis longtemps reconnu qu’une mission de service public peut être exercée par une personne privée. La première manifestation de ce fait a été marquée par l’arrêt « Etablissements Vézia » de 1935, confirmé de manière éclatante dans l’arrêt « Caisse primaire aide et protection » de 1938. afin d’encadrer ces services et de pouvoir les distinguer, le juge a donc commencé par définir des critères puis a permis que les actes des dirigeants des services publics aient un caractère règlementaire afin d’assurer leur fonctionnement.

A. Les conditions de la reconnaissance d’une mission de service public

L’arrêt Narcy de 1963 marque la volonté du conseil d’Etat de définir des critères du service public assumé par une personne privée. Il convient donc ici de vérifier si ces conditions sont remplies pour le juge.

Selon l’arrêt Narcy, pour qu’une personne privée, ici la Française des Jeux, reconnue personne privée par l’arrêt à la fin du premier considérant, soit reconnue comme investie d’une mission de service public, elle doit être investie d’une mission d’intérêt général par les personnes publiques, sous leur contrôle, et posséder des prérogatives de puissance publique. En l’espèce, le Conseil d’État refuse la qualification de service public à la Française des Jeux, mais ne justifie pas de l’application des critères sus-énoncés en se contentant d’une réponse vague selon laquelle « aucune disposition précise » n’a investi la Française des Jeux d’un service public.
Cette absence de qualification a logiquement pour conséquence de refuser la qualification d’actes réglementaires aux décisions attaquées.

B. L’absence de pouvoir réglementaire du président de la société.

Le Conseil d’État avait par le passé accepté de reconnaître un pouvoir règlementaire aux services publics, qu’ils soient administratifs (arrêt CE Monpeurt 1942) ou à caractère industriel et commercial (arrêt CE Epoux Barbier 1968). néanmoins, ce pouvoir n’était reconnu qu’aux dirigeants des organismes investis d’une mission de service public.
Or, en l’espèce, nous avons vu que cette mission de service public n’était pas caractérisée par le juge administratif au profit de la française des jeux, les magistrats revenant ainsi sur une jurisprudence « Angrand » de 1948 (date à vérifier).
Ainsi,, la Française des Jeux n’exerçant pas une mission de service public, les textes adoptés par son président n’ont pas la valeur d’actes administratifs et le juge administratif n’est donc de par là même pas compétent pour connaître des recours intentés contre eux, ce que le conseil d’etat explique dans le second considérant de l’arrêt (« les décisions prises par le président (…) n’ont pas le caractère d’actes administratifs ; (…) dès lors les conclusions de M Rolin (…) ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à la juridiction administrative de connaître »).

Après avoir vu que le Conseil d’État se refusait à statuer sur cette demande, voyons à présent que cette décision participe de la volonté du juge administratif de limiter et d’encadrer la notion de service public.

II. La volonté d’encadrement de la notion de service public par le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a tout d’abord eu à mettre en place des règles concernant la nation de service public, mais il s’est rapidement rendu compte que le développement de la notion nécessitait un encadrement plus rigoureux de la définition même du service public, et il semble qu’il aille dans cet arrêt jusqu’à limiter des règles qui avaient d’ores et déjà pour but d’encadrer la définition du service public.

A. La nécessité d’encadrement du service public et de sa définition.

Après avoir, par une jurisprudence conséquente, développé la notion de service public dans des secteurs divers, en particulier dans le secteur privé, et ce jusqu’à une date récente (arrêts Syndicat des exploitants de cinématographes de l’Oranie 1959, ville de Melun 1990, ordre des avocats à la cour d’appel de Paris 1997), le juge administratif a tenté en parallèle de mieux encadrer les conditions d’obtention du statut de service public pour les peronnes privées dans l’arrêt Narcy de 1963 qui édicte des critères que nous avons vus précédemment et sur lesquels nous reviendrons plus loin. De plus, par des arrêts récents, il revient sur des jurisprudences antérieures et retire le statut de service public à certains organismes, ce qui est le cas dans les présent arrêt.
Néanmoins, si le CE a d’abord défini des critères dans l’arrêt Narcy, il est peu à peu revenu sur cette jurisprudence en acceptant d’abord de qualifier une mission de service public même sans usage de prérogatives de puissance publiques. Il semble qu’il aille encore plus loin dans cet arrêt.

B. Un arrêt en contradiction avec la jurisprudence Narcy

Même si le juge administratif avait d’abord élargi la notion et assoupli les critères du service public dégagés dans l’arrêt Narcy, il va ici encore plus loin. En effet, il convient d’abord de voir que le Française des jeux exerce sa mission par une délégation textuelle règlementaire sous la forme du décret du 9/11/1978 qui lui confère dans ses articles 1er, 4, 5 et 8 l’obligation d’être soumise à un contrôle public sous différentes formes. De plus, l’article 7 prévoi que le présideznt de la société établit les règlements des jeux, ce qui lui confère une sorte de prérogatives de puissance publiques, et enfin, l’arrêt lui-même retient le caractère d’intérêt généal de la mission en ce que les fonds sont destinés à la caisse de solidarité pour les calamités agricoles, qui est, elle, un service public. Ici, le conseil d’Etat reconnaît explicitement les caractères dégagés dans l’arrêt Narcy qu’il néglige d’appliquer, ce qui marque peut-être la fin de ces critères et refuse de plus de reconnaître à une activité pûrement financière liée à un service public la qualification de service public.

En conclusion, on constate que la notion de service public est toujours difficile à cerner, même si la jurisprudence à ce sujet est abondante mais elle est également contradictoire. Ici, en effet, le juge refuse la qualification de service public à la Française des Jeux alors qu’il l’avait reconnue à un casino pour des activités voisines (arrêt CE « cille de Royan et SA du sieur Couzinet » 1966) mais présentant pour lui un caractère indispensable.
On en est donc réduit aujourd’hui à s’en remettre au juge et à donner une liste des activités qualifiées par lui de services publics, et ce selon les circonstances des différentes espèces.

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