Chapitre 4 : Les sources internationales

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit administratif (L2).

Le “droit international” renvoie à 2 branches :
1- le droit international public, applicable aux relations entre les États, ou entre les États et les organisations internationales ;
2- le droit international privé, applicables aux relations entre personnes privées dans un cadre international.
On s’intéressera ici au droit international public.

Une “norme internationale” a pour caractéristique de ne pas émaner de la seule volonté des autorités françaises ; elle résulte de négociations diplomatiques ou politiques.
💡 Quand on parle du droit international, il ne faut pas oublier qu’il est issu de discussions et d’échanges entre les États ou au sein d’une organisation internationale.

Le droit originaire est le droit issu des traités internationaux (= accords signés par plusieurs États).

Le droit dérivé est le droit qui dérive du droit originaire ; il est produit par les institutions créées par les traités internationaux.
Exemple : résolutions de l’ONU.

Section 1 : L’entrée en vigueur des traités internationaux

L’article 55 de la Constitution pose les conditions à respecter pour qu’un traité international signé par la France produise des effets juridiques en droit interne français.
Il pose 3 conditions :
1- le traité doit avoir été ratifié ou approuvé ;
2- le traité doit avoir été publié ;
3- le traité doit faire l’objet d’une application réciproque.

§ 1. La ratification ou l’approbation

💡 En droit, “ratifier” et “approuver” désignent le même acte juridique.

A – Les dispositions constitutionnelles

L’article 52 de la Constitution fait du Président de la République la figure incontournable des relations internationales de la France.
On dit souvent que la diplomatie appartient au domaine réservé du Président de la République.

L’alinéa 2 dispose que “Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification”.

La Constitution de 1958 a ici fait la distinction entre traités et accords. D’un côté, le Président de la République négocie et signe les traités internationaux ; de l’autre, le ministre des Affaires étrangères négocie et signe les accords internationaux.

Il n’y a pas de différence juridique entre un traité et un accord en droit international.
Il s’agit de la même chose : signer une convention internationale, qui lie la France à un ou plusieurs autres États.

La différence est donc politique : ces 2 termes renvoient à l’idée qu’il y a des textes plus importants que les autres ; le Président de la République signe les textes les plus importants.


L’article 53 de la Constitution concerne les traités dont l’objet se révèle être d’une particulière importance.

Ceux-ci doivent être ratifiés non par le Président de la République ou le ministre des Affaires étrangères, mais par le législateur.
Idée : on veut que ce soit le Parlement qui engage la France pour ces traités importants, parce qu’ils portent sur des sujets qui apparaissent liés à la souveraineté de l’État français.

Cette différence entre les traités ratifiés ou approuvés par un acte administratif unilatéral (article 52) et ceux ratifiés ou approuvés par un acte législatif (article 53) a des conséquences sur le contrôle exercé par le juge administratif.

B – Le contrôle du juge administratif

Pour entrer en vigueur en droit français, un traité international doit avoir été ratifié et approuvé ; mais qui vérifie le respect de cette condition ?

1) Le contrôle des actes administratifs de ratification ou d’approbation

L’enjeu est important : ce contrôle permet de savoir s’il est en vigueur en droit français, et permet aux justiciables de savoir s’ils peuvent invoquer dans un REP le non-respect de ce traité.

Conseil d’État, 1956, Villa :
Le Conseil d’État prend une décision de principe : le juge administratif n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité des actes administratifs d’approbation ou de ratification des traités internationaux, “eu égard à sa nature” (peu clair).

Le Conseil d’État considère que signer un traité international est avant tout un acte politique, relatif aux relations diplomatiques de la France.
Il fait donc entrer ces actes dans la catégorie juridique des actes de gouvernement (actes trop politiques pour que le juge administratif accepte de s’y intéresser).

Conseil d’État, 1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim :
Le Conseil d’État opère un revirement de jurisprudence par rapport à sa décision de principe Villa.
Il accepte désormais que le juge administratif contrôle la légalité des actes administratifs d’approbation ou de ratification des traités internationaux.

Aujourd’hui, à l’occasion d’un recours dont il est saisi, le juge administratif peut vérifier qu’un traité international est bien entré en vigueur en droit français.
Il vérifie l’existence matérielle et de la ratification et de l’approbation, mais aussi que la procédure exigée par la Constitution a bien été suivie.

Ce revirement de jurisprudence en 1998 s’explique par l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’État sur un autre point.
En 1989, il a pris une décision très importante dans laquelle il a affirmé que les traités internationaux sont supérieurs aux lois, que le traité ait été signé avant ou après la loi. Il s’est donc reconnu compétent pour contrôler le respect par les lois des stipulations des traités internationaux.
Il est alors logique qu’il se reconnaisse compétent pour vérifier que le traité international en question est bien entré en vigueur en droit français.


2) L’absence de contrôle des lois de ratification ou d’approbation

Article 53 de la Constitution : dans certaines hypothèses, c’est un acte législatif qui ratifie ou approuve un traité international.

Un requérant peut invoquer l’illégalité de cette loi, mais le juge administration n’est pas celui qui contrôle la constitutionnalité des lois dans le système juridique français.

Conseil d’État, 2002, Commune de Porta :
Le Conseil d’État refuse de contrôler la légalité d’une disposition ayant ratifié un traité car, en l’espèce, l’acte ayant procédé à la ratification n’est pas un acte administratif, mais un acte législatif édicté sur le fondement de l’article 53 de la Constitution.
Cette solution est logique au regard de la répartition des compétences entre juridictions.

§ 2. La publication

Il existe en droit un principe important suivant lequel les actes de portée générale doivent être portés à la connaissance du public et de ceux que ce texte peut intéresser.
Pour cela, on publie la norme.
Les traités internationaux sont publiés au Journal officiel.

A – Le contrôle par le juge administratif de la publication

L’article 55 de la Constitution affirme que les traités internationaux ne peuvent entrer en vigueur en droit français qu’à la condition d’avoir été publiés.

Le juge administratif s’estime compétent pour contrôler la légalité de la publication d’un traité international (Conseil d’État, 1964, Société Prosagor).

B – Les conséquences de l’absence de publication ou d’une publication irrégulière

Un traité international qui n’aurait fait l’objet d’aucune publication au Journal officiel ne produit aucun effet juridique en droit français.
Il en est de même si la procédure suivie pour la publication est irrégulière.

Conseil d’État, 2000, Bamba Dieng :
Le requérant, M. Dieng, contestait l’entrée en vigueur en droit français d’un traité international utilisé.
Le Conseil d’État s’aperçoit qu’en effet le traité en question fait l’objet d’un défaut de publication, et que donc “le traité ne produit pas d’effets dans l’ordre juridique interne”.
→ Il ne peut donc pas être appliqué à la situation du requérant.

En réalité, si ce traité n’a pas d’existence en droit français, il produit quand même des effets juridiques dans l’ordre juridique international.

§ 3. L’application réciproque

La condition de l’application réciproque est la plus délicate, parce qu’elle est celle qui a donné lieu à la jurisprudence la plus évolutive et la plus nuancée.

A – La définition de l’application réciproque

L’article 55 de la Constitution dispose qu’un traité international ne produit des effets juridiques en droit français qu’à la condition que l’autre partie (= l’autre État signataire) applique sur son sol les stipulations du traité en question et lui faire produire des effets.
→ Logique contractuelle : un traité international est un accord de volontés, et entérine donc des droits et des obligations que les États signataires se donnent.

💡
C’est la même chose dans un contrat : les signataires se donnent de manière libre et éclairée des droits et obligations réciproques.
On peut obtenir la résiliation du contrat si on est le seul à en appliquer les modifications.

Mais comment vérifier l’application d’une norme à des milliers de kilomètres ?

B – Le contrôle par le juge administratif de l’application réciproque

1) Le refus initial

Le Conseil d’État, comme pour les traités de l’article 53 de la Constitution, a eu pour premier réflexe de considérer que cette 3ème condition ne relevait pas de sa juridiction.
Idée : la manière dont est appliquée un traité relève de questions politiques et diplomatiques, et non administratives.

Conseil d’État, 1981, Rekhou :
Le juge demande son avis au ministre des Affaires étrangères français, qui lui écrit une note sur le sujet ; le juge se considère ensuite lié par le contenu de celle-ci, parce qu’il se considère incompétent en la matière.

Mais un juge qui fait cela ne paraît ni impartial, ni indépendant.
La jurisprudence du Conseil d’État a un peu évolué, de manière un peu forcée.

Conseil d’État, 1999, Mme. Chevrol-Benkeddach :
On pouvait penser qu’il y aurait un revirement de jurisprudence sur la condition de réciprocité, de la même manière que pour le contrôle des actes de ratification ou d’approbation des traités, mais le Conseil d’État réitère la solution Rekhou en ne se considérant pas compétent pour contrôler la condition de réciprocité posée à l’article 55 de la Constitution et en rappelant le système mis en place pour compenser ce refus (sollicitation du ministère des Affaires étrangères).

Mme. Chevrol-Benkeddach saisit la CEDH, qui rend une décision importante en 2003 :
CEDH, 2003, Chevrol c/ France :
Le système mis en place par le Conseil d’État, qui consiste à demander l’avis du ministre, est contraire à l’article 6 de la Convention EDH, qui pose le principe du “droit à être jugé par un tribunal impartial et indépendant”.
Idée : un juge lié par la note d’un ministère n’est plus indépendant ni impartial, parce qu’il n’a pas de recul à l’égard de l’avis qui lui est donné.


2) Le revirement de jurisprudence : l’arrêt Cheriet-Benseghir (2010)

Conseil d’État, 2010, Mme. Cheriet-Benseghir :
La requérante voulait se voir reconnaître le droit d’exercer la médecine sur le territoire français ; elle était titulaire d’un diplôme de médecine algérien.
Le Conseil national des médecins s’y oppose, alors qu’elle invoque un traité concernant la reconnaissance de diplômes, notamment dans le domaine médical.

Le Conseil d’État fait évoluer sa jurisprudence : il se reconnaît enfin compétent pour contrôler l’application réciproque.
Il affirme qu’il n’est désormais plus lié par l’avis du ministre des Affaires étrangères.

Il estime que le juge administratif doit désormais se former sa propre opinion sur le sujet, en utilisant tous les outils à sa disposition pour obtenir des informations sur l’application réciproque.
Il peut toujours demander son avis au ministre des Affaires étrangères, mais ne s’estime plus lié par celui-ci.
Il peut procéder à l’audition de l’ambassadeur de l’État concerné en France.
Il peut se rendre sur place.

→ Le juge administratif met en place un système qui lui permet de contrôler cette 3ème condition sans pour autant faire de politique.

Section 2 : L’invocabilité des traités internationaux

§ 1. La définition de l’invocabilité

On peut invoquer (= faire valoir) 2 types de normes devant le juge administratif :
1- des normes textuelles (issues de textes internes / européens / internationaux) ;
2- des normes jurisprudentielles (des grands principes posés par le Conseil d’État pour contester la légalité de l’acte à l’encontre duquel on forme un REP).

Est-ce que je peux utiliser les stipulations d’un traité international entré en vigueur en droit français à l’appui d’un recours devant le juge administratif ?
Cette question est complexe, parce que les stipulations qui composent ces accords accordent à priori des devoirs et des obligations aux États, et n’ont pas forcément de conséquences directes sur les tiers.
Il faut donc faire le tri entre les stipulations qui intéressent les tiers et celles qui ne les intéressent pas.

§ 2. L’arrêt GISTI 1 (1997)

GISTI signifie Groupe d’intervention et de soutien aux travailleurs immigrés.
Il existe une cinquantaine d’arrêts Gisti.

En matière de droits des étrangers, il y a énormément de traités internationaux signés par la France.
Dans son arrêt GISTI 1 (1997), le Conseil d’État pose le principe selon lequel ne sont invocables devant le juge administratif que les stipulations d’un traité international dotées de “l’effet direct”.

D’un côté, il y a certains traités qui se contentent de fixer des droits et des obligations aux États signataires, sans concerner les tiers.
De l’autre, il y a certaines stipulations qui concernent des tiers, c’est-à-dire qui octroient des droits ou soumettre des obligations à des personnes qui n’ont pas signé le traité, mais qui sont résidents d’États qui ont signé ces traités.
Le Conseil d’État considère que les secondes, parce qu’elles produisent des effets sur les tiers, peuvent être invoquées à l’appui d’un recours devant le juge administratif.

Ce critère originel reçoit beaucoup de critiques, même venant de la part de membres du Conseil d’État, parce que :

  1. C’est une solution complexe : il faut étudier la convention internationale article par article ;
  1. C’est une solution défavorable au droit international : une norme qu’on ne peut pas invoquer devant le juge ne sert pas à grand chose.
    Elle empêche qu’un certain nombre de stipulations de traités ratifiés par la France ne puissent être invoquées devant le juge administratif.

§ 3. L’arrêt GISTI 2 (2012)

Dans cette nouvelle décision, le Conseil d’État renouvelle sa définition de l’action directe.
Dans un considérant de principe, il affirme que “une stipulation doit être reconnue d’effet direct par le juge administratif lorsque celle-ci, d’une part n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États, et d’autre part lorsque celle-ci ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des parties”.

Cette solution n’est pas plus simple que celle de GISTI 1, puisqu’on rajoute des conditions pour qu’une norme ne soit reconnue d’effet direct.

Pour être invocable, une stipulation doit donc être inconditionnelle et doit consacrer des droits subjectifs au profit des particuliers.

En disant les choses négativement (”n’a pas pour objet exclusif”), le Conseil d’État élargit dans une certaine mesure les hypothèses de stipulations dotées de l’effet direct.
Il y a donc désormais une présomption d’effet direct ; pour écarter la stipulation, il faut montrer qu’elle a pour objet exclusif de régir les relations entre États.

→ Élargissement de la conception de l’effet direct.

⚠️ Cette décision de principe sur l’effet direct vaut pour tous les traités internationaux, sauf pour ceux relatifs à l’Union européenne, comme précisé expressément dans le considérant de principe.

Section 3 : La valeur des traités internationaux

§ 1. Traités et lois

En apparence, les choses sont simples : l’article 55 de la Constitution dispose que les traités internationaux “ont une autorité supérieure à celle des lois”.

En réalité, il y a plusieurs manières d’interpréter cet article :

A – Le refus initial

Dans un premier temps, le Conseil d’État considère que l’article 55 de la Constitution doit être interprété restrictivement, et ne vaut donc que pour les lois antérieures au traité concerné.
Pour les lois postérieures, celles-ci demeurent supérieures au traité concerné.

Conseil d’État, 1968, Syndicat général des fabricants de semoule de France :
Le Conseil d’État estime que, dans l’hypothèse où une loi postérieure à un traité contient une disposition contraire à celui-ci, faire prévaloir le traité serait opérer un contrôle de conventionnalité de la loi.
Or à cette époque, il n’en est pas question : le Conseil d’État ne veut pas être le juge de la loi (il considère à cette époque être le juge des seuls actes administratifs) et refuse donc de reconnaître la supériorité des traités sur les lois.

B – Le revirement de jurisprudence

1) La décision du Conseil constitutionnel IVG (1975)

Le Conseil constitutionnel s’estime incompétent pour contrôler la conventionnalité des lois : il n’a que le contrôle de constitutionnalité.

Il fait aussi valoir que la supériorité des traités sur les lois est en réalité une supériorité qui est “tout à la fois relative et contingente”.
”Relative”, parce que le champ d’application de ces 2 normes peuvent varier ; ces normes peuvent ne pas avoir le même objet ni le même contenu.
”Contingent”, parce que soumis aux 3 conditions posées à l’article 53 de la Constitution qui, si elles ne sont pas respectées, enlèvent au traité toute forme de supériorité.

→ Il lance un appel aux autres (idée : si ça n’est pas moi, ça peut être les autres).


2) L’arrêt de la Cour de cassation Société des cafés Jacques Vabre (1975)

La Cour de cassation affirme qu’elle est compétente pour opérer un contrôle de conventionnalité des lois, c’est-à-dire vérifier que les lois respectent les stipulations des traités.
→ Elle répond immédiatement à l’appel du Conseil constitutionnel, en s’érigeant comme la juridiction qui va opérer un contrôle de conventionnalité.

Le Conseil d’État n’en a pas envie à cette époque, parce qu’il ne souhaite pas que le juge administratif ne vérifie la conventionnalité des lois.
En effet, le Conseil d’État de la fin des années 1970 est un peu souverainiste, tourné vers la défense du droit français. On retrouve dans ses rapports annuels des formules assez dures à l’encontre de ces droits étrangers qui viennent s’imposer au droit français.


3) L’arrêt Nicolo (1989)

Le requérant invoque le point de droit suivant : les citoyens d’outre-mer ne devraient pas avoir le droit de voter aux élections européennes, parce que l’outre-mer fait partie de la France et non de l’Europe.

Le Conseil d’État relève que des dispositions légales, “qui ne sont pas incompatibles avec les stipulations du traité de Rome”, affirment que la citoyenneté française ne se divise pas.
→ Révolution discrète.

Pour la première fois, le Conseil d’État reconnaît que :

  1. Les traités sont supérieurs aux lois, peu importe que les lois soient antérieures ou postérieures au traité ;
    → revirement par rapport à la jurisprudence des semoules
  1. Le juge administratif peut opérer un contrôle de conventionnalité (= vérifier que les dispositions d’une loi sont bien conformes aux stipulations d’un traité international).

Ce principe posé par le Conseil d’État vaut pour tous les types de traités internationaux (voir Conseil d’État, 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques).

Conseil d’État, 1997, Aquarone :
Le Conseil d’État affirme que la supériorité des traités sur les lois en droit interne vaut exclusivement sur les traités sous forme écrite, et non sur les principes coutumiers.
→ Cette supériorité des traités sur les lois ne vaut pas pour la coutume internationale.
💡 En droit international, la logique est inversée.

§ 2. Traités et Constitution

Cette question a été à l’origine de controverses doctrinales et juridictionnelles variées.

A – La position du Conseil d’État

Pendant très longtemps, le Conseil d’État a esquivé cette question assez délicate, avant d’être contraint de prendre position.

1) L’arrêt Koné (1996)

M. Koné fait l’objet d’un décret d’extradition vers le Mali, suite à une demande formée par l’État malien qui le soupçonne de détournements de fonds.
Mais M. Koné est le principal opposant politique au régime malien en place et il soutient que l’enquête qui le vise est entièrement artificielle.

Le Conseil d’État, prenant acte de cette situation, fait quelque chose d’extraordinaire : au terme d’un raisonnement astucieux, il crée un PFRLR (un principe constitutionnel) relatif à l’interdiction d’extrader un étranger pour un motif politique.
Objectif : faire échec à la convention internationale d’extradition entre la France et le Mali.

Il soutient que les PFRLR tirent leur valeur constitutionnelle de leur mention dans le préambule de la Constitution de 1946, et non de la bouche qui les dégage.
Idée : il n’a pas découvert un principe, il l’a seulement reconnu.

Le Conseil d’État considère donc que les normes constitutionnelles en droit interne sont supérieures aux traités internationaux.


2) L’arrêt Sarran (1998)

Le Conseil d’État affirme, de manière générale, la supériorité des normes constitutionnelles sur les traités internationaux en droit interne.

B – La position du Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel, 2004, Traité établissant une constitution pour l’Europe :
Ce TECE, même s’il affirme définir une “constitution”, est un classique traité européen.
Dans cette grande décision, le Conseil constitutionnel affirme que la Constitution est “au sommet de l’ordre juridique interne”.
→ Toutes les normes à valeur constitutionnelle sont, en droit interne, supérieures aux traités internationaux.

Pour justifier cette affirmation de principe, le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur l’article 54 de la Constitution, qui affirme qu’un traité international ne peut entrer en vigueur en droit français que s’il respecte la Constitution.

C’est donc le pouvoir constituant qui a le dernier mot : soit il refuse de faire entrer en droit français un traité international, parce qu’il contient des stipulations contraires à la Constitution (c’est déjà arrivé), soit il peut modifier la Constitution pour mettre en conformité le traité et la Constitution (ça a aussi déjà été fait).

Le Conseil constitutionnel rejoint ainsi les autres cours suprêmes affirmant la supériorité de la Constitution sur toutes les autres normes.
⚠️ Ici, “la Constitution” = toutes les normes à valeur constitutionnelle.

§ 3. Traités et traités

Conseil d’État, 2011, M. Kandyrine :
M. Kandyrine est ressortissant portugais ; il a un aïeul, titulaire d’emprunts russes, qui décède.
Il hérite de ces emprunts russes et compte les transformer en espèces.
Il s’adresse au ministre des Finances français et demande l’application à son cas d’une convention internationale signée en 1997 entre la France et la Russie pour régler la question de ces emprunts russes.
Le ministre des Finances français refuse, parce que seuls les ressortissants français peuvent être indemnisés par cette convention. M. Kandyrine forme un REP contre cette décision.

Il invoque l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe toute forme en discrimination, et notamment les discriminations fondées sur la nationalité, en affirmant qu’il a été victime d’une discrimination illégale.
Le Conseil d’État est saisi en dernier ressort pour répondre à la question de droit suivante : quel traité doit-il faire primer ? Le traité bilatéral France-Russie ou la Convention EDH ?
Problème : ces 2 traités ont la même valeur juridique.

Dans son considérant de principe, le Conseil d’État détermine la méthode à utiliser pour savoir quel traité il faut faire primer :

  1. Il faut vérifier que les 2 traités sont bien entrés en vigueur en droit français ;
  1. Il faut vérifier que les stipulations invoquées sont dotées de l’effet direct (= sont invocables au sens de la jurisprudence GISTI 2) ;
  1. Il revient au juge de chercher d’abord à concilier les stipulations, en les interprétant au regard des grands principes du droit international ;
  1. Si ce travail n’aboutit pas, alors le juge fait application au litige de la norme internationale dans le champ de laquelle la décision administrative contestée a entendu se placer.

Idée : le spécial prime sur le général.
Le traité international qui a pu servir de base légale à la décision contestée doit primer sur les autres.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *