Chapitre 2 : La légitimité monarchique

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet d’introduction historique au droit.

Même au pire moment de sa faiblesse, à la fin du 11e siècle, on conserve l’idée que le roi de France est à part.
C’est à partir de cette idée que va pouvoir se reconstruire le pouvoir central.

Section 1 : Le statut du Roi dans les 1ers siècles Capétiens

Le roi utilise la féodalité pour renforcer son propre pouvoir royal.

I – Le roi, seigneur féodal

Le domaine royal est là où le roi est seigneur.
≠ le
royaume : là où le roi est roi.
Progressivement, le domaine s’étend jusqu’aux frontières du royaume.

Au départ, le domaine est réduit.
Jusqu’au 15e siècle, il y a des moments où il y a dans le royaume des domaines plus importants que celui du roi.

Il faut distinguer le domaine mobilier, qui est non négligeable (par exemple, les bijoux de la couronne), du domaine immobilier (les seigneuries du roi).
Le domaine immobilier est la source de revenus et de pouvoir du roi.
On considérera qu’il a été donné au roi pour assurer sa mission → donc les autres revenus (impôts) doivent être exceptionnels.
L’impôt permanent : mis en place au 15e siècle.

La force des capétiens est qu’ils limitent leurs ambitions à leur domaine. Ils sont moins ambitieux et étendent leur domaine progressivement.
≠ les carolingiens, qui s’étaient épuisés à vouloir agir au niveau d’un empire.

A – Le morcellement territorial

À la fin des carolingiens, les agents du roi sont de + en + indépendants.
La Normandie et le pouvoir central restent plus structurés.
→ modèle pour les institutions du domaine royal

La plupart des princes territoriaux cherchent à construire un pouvoir centralisé autour d’eux à l’instar du roi. Le roi capétien gagne au final dans cette concurrence avec les princes territoriaux.

Dans un premier temps, le pouvoir concret du roi est limité à son domaine.
Souvent, les actes sont datés du début du règne ; mais dans la région de Lyon entre 889 et 999, les actes sont datés depuis la mort de Charles le Gros.
→ après la mort de Charles le Gros, les lyonnais ne savent plus trop qui est roi
→ le roi capétien n’est pas très connu ; on a des doutes sur son autorité

Les 1ers capétiens mènent des combats qui nous paraissent minuscules ; ils se battent pour des toutes petites choses. Le domaine royal s’étend de Senlis à Orléans (bande non continue).

B – L’extension du domaine royal

Le capétien bénéficie de la fidélité des évêques dans la moitié nord du royaume et va utiliser différents procédés féodaux pour augmenter son domaine royal.
Il ne démembre pas le domaine à l’occasion des successions.

  • Mécanismes classiques comme le mariage : le roi épouse une héritière (quand la femme peut succéder au fief) = garantie que les enfants du couple récupèreront le fief = que le fief de la mère viendra grossir le domaine royal.
    • Exemple : Louis 7 se débarrasse d’Aliénor d’Aquitaine qui se marie avec le roi d’Angleterre → il devient seigneur en France.
    • Exemple : 3 mariages consécutifs pour réunir la Bretagne au royaume.
  • La commise : confiscation du fief du vassal pas fidèle.
    La commise est souvent prononcée dans les guerres qui opposent roi de France et roi d’Angleterre.
  • L’achat

II – Le roi suzerain

Le roi n’est pas que seigneur, il est aussi roi.
Cela lui permet de tenir une place qui lui est propre dans le monde féodal : celle de suzerain.

→ Le seigneur de tous les seigneurs acquiert une place à part qui lui donne une autorité sur l’ensemble du monde féodal (organisation pyramidale).

A – « Le roi ne doit l’hommage à personne »

Le roi de France, comme tout le monde, pouvait devenir vassal pour récupérer des fiefs.
Lien très fort entre l’abbaye de St Denis et les rois capétiens (c’est là qu’ils sont enterrés).
Le roi vient prêter l’hommage à l’abbaye de St Denis.

Suger, abbé de St Denis, tient la garde du royaume pendant l’absence du roi. Il refuse que le roi vienne prêter l’hommage.
Idée : parce qu’il est roi, parce qu’il est détenteur de l’autorité, il n’est pas soumis aux droits que subissent les hommes.

B – La mouvance et l’établissement de la pyramide féodo-vassalique

Suger : tout fief est démembré d’un fief plus important.
→ féodalité envisagée sous l’angle matériel

« Le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal »
→ le suzerain ne connaît que son vassal direct, qui peut faire écran
donc en cas de conflit entre le suzerain et son vassal direct, le suzerain ne peut pas s’appuyer sur les bas vassaux

Au milieu du 13e siècle, cet adage est renversé sur le modèle normand
→ désormais, le vassal de mon vassal est mon vassal.

Il y a donc un lien direct entre le roi (suzerain du royaume) et l’ensemble des vassaux du royaume.
La féodalité se conçoit comme une pyramide coordonnée.
Les vassaux directs du roi s’engagent à ne recevoir la fidélité de leurs propres vassaux que sous réserve de celle due au roi.

C – Roi de France par la grâce de Dieu

Cette expression peut s’interpréter dans plusieurs sens :

  1. Tout pouvoir vient de Dieu
    → Être roi de France, c’est avoir reçu un pouvoir de Dieu pour effectuer sa mission.
    → Il n’est pas envisageable d’être roi sans être chrétien.
    → Le roi doit agir « chrétiennement »
  2. Obéir au roi, c’est obéir à Dieu
  3. Le roi est roi directement par la volonté de Dieu
    Le roi ne doit l’hommage à personne (ni au pape, ni à Dieu).
    Mais il n’est pas indépendant religieusement : il reconnaît l’autorité du pape sur le spirituel.
    Le roi de France, par la grâce de Dieu, annonce son indépendance vis-à-vis de l’empereur d’Allemagne.

D – L’utilisation par la monarchie des mécanismes de la féodalité

Progressivement, le roi fait reconnaître que tous les seigneurs territoriaux (les grands feudataires) dépendent de lui, car ils ont reçu leurs terres du roi.

Les liens féodo-vassaliques se généralisent jusqu’en haut de l’organisation sociale.
Ces liens se structurent d’abord entre les seigneurs et les vassaux, puis ils se généralisent jusqu’à ce que les puissants reconnaissent qu’ils tiennent leurs terres du roi.

Reconnaître le roi pour seigneur, c’est aussi être soumis aux taxes qui frappent les successions → le droit de relief (que le seigneur perçoit quand il y a une succession pour le fief de ses vassaux).
Ce droit a pu être payé en terres, ce qui permet au domaine royal de s’agrandir.
En cas de minorité, c’est le roi qui exerce la garde des grands fiefs.

À partir du 13e siècle, l’hommage rendu au roi est systématiquement prioritaire (hommage lige).
La procédure du désaveu (un vassal non satisfait de son seigneur devient vassal du seigneur du seigneur) profite à la monarchie.

Le roi peut mobiliser les vassaux et les vassaux de ses vassaux ; exemple : Bataille de Bouvines en 1214.
Ainsi, l’horizon politico-militaire s’étend aux limites du royaume, dépassant celle de la seigneurie.

Progressivement, la monarchie confisque la plupart des prérogatives seigneuriales.
Exemple : le droit d’aubaine (le seigneur recueille les biens d’un étranger qui meurt sur la seigneurie) devient un monopole royal.
→ la monarchie n’a aucun intérêt à faire disparaître les mécanismes féodo-vassaliques

E – L’intervention sur la guerre privée

Guerres privées : guerres que se font les seigneurs entre eux.
D’un point de vue juridique : mécanisme de vengeance.
Limite fine entre la guerre privée (se faire justice soi-même) et le simple brigandage.

Il y a d’abord une action de l’Église, qui tente de pacifier le monde féodal en encadrant la violence.
Elle diffuse l’idée de la chevalerie → assigne des buts moraux à l’usage de la force par les guerriers à cheval
Croisades : effort pour orienter la violence du monde féodal vers les païens.

Cet effort d’encadrer la guerre privée par l’Église se manifeste notamment par la Paix de Dieu, qui vise à mettre hors de la guerre les lieux saints et ecclésiastiques, et tous ceux qui ne se battent pas (paysans, marchands, bétail, etc.).
→ On limite les dommages de la guerre aux seuls combattants.
Les seigneurs vont se prêter mutuellement serment de ne pas s’agresser ou, s’ils se battent, de respecter les lieux saints et les non-combattants.

Les serments prêtés à l’occasion de la Paix de Dieu sont passibles d’excommunication (on sort de la Paix de Dieu) s’ils ne sont pas respectés.
Au départ, assemblée d’Aurillac en 972.
Le mouvement s’étend ensuite.

Les rois capétiens ne font plus sentir leur influence, l’Église prend donc en charge l’ordre public.
Concile de Clermont (1095) : étend la protection de la Paix de Dieu non seulement aux lieux saints mais également aux clercs, aux femmes et aux biens des croisés.
D’autres conciles font ensuite des églises et des monastères des lieux d’asile, où l’on peut se réfugier en toute protection. Ces lieux d’asile permettent à ceux qui sont protégés par la justice de se mettre à l’abri.

Les puissants laïcs ne sont donc pas à l’initiative du mouvement de la Paix de Dieu, mais ils peuvent l’encourager pour renforcer leur autorité.
Si le recours à la violence est encadré, les conflits se règlent par des voies judiciaires → profite au juge.
→ 2ème âge féodal : société plus organisée, plus hiérarchisée.

Ensuite : Trêve de Dieu (mettre des moments hors de la guerre).
Débute au concile d’Elne (1027) puis est relayée par le concile de Clermont.

Au départ, la Trêve de Dieu prévoit qu’on ne se bat pas le dimanche.
Ensuite, on ne se bat pas le jeudi (jour où le Christ a institué la messe) ni le vendredi (jour où le Christ a été crucifié).
On ne se bat pas non plus pendant l’Avent et le Carême.
Il n’y a donc plus que 80 à 90 jours par an où on peut se battre.
Pour Saint Augustin, pareil pour les relations sexuelles.

Une fois que le pouvoir royal est suffisamment fort, il prend le relai avec un certain nombre de dispositifs :

  • La quarantaine-le-roi est un délai de 40 jours qui s’impose au nom du roi entre la déclaration de guerre et le début des hostilités.
    Institué au début du 13e siècle par Philippe Auguste.
    Objectif : éviter des guerres surprises.
    On exige des belligérants qu’ils se déclarent formellement la guerre pour éviter les attaques par surprise.
  • L’asseurement : acte devant autorité garantissant la paix entre deux parties adverses, généralement après une vengeance.
  • La sauvegarde : le roi accorde sa protection à des biens ou des personnes (églises, villes, marchands, …).

Ce qui met vraiment fin aux guerres privées, c’est le développement d’une armée permanente à partir du 15e siècle.
Le roi est alors matériellement en mesure d’interdire les guerres privées.

Section 2 : Le sacre

Le sacre fait partie des socles du pouvoir capétien.

⚠️ Le sacre n’est pas un sacrement.

Le sacre a une origine biblique : dans la Bible, le peuple des juifs veut un roi, comme les peuples voisins. Dieu charge son prophète Samuel de désigner le roi qu’il a choisi (choix fait par Dieu, manifesté par le prophète). Il désigne Saül, qui faute et est remplacé par David.

Avec la christianisation, l’Église prend la place des prophètes.
Cette manifestation religieuse du choix de Dieu prend la forme d’une onction (geste par lequel on frotte avec une huile).

Pépin le Bref se fera sacrer 2 fois (les Pippinides tiennent leur légitimité de la religion).
À partir de ce moment les rois seront sacrés.
Le rituel du sacre se fixe dans la 2ème moitié du 9e siècle, avec Hincmar de Reims.
Au départ, c’est un privilège personnel de l’archevêque de Reims de sacrer le roi.
À partir de la bulle Urbain 2 de 1089, c’est un privilège réel de l’église de Reims.
Une filiation s’établit entre le sacre des rois de France et le baptême de Clovis par St Rémy vers 487.
→ le rituel du sacre permet d’établir une continuité entre les dynasties

I – Le rituel

Le sacre n’a rien de routinier (1 par génération !).
Chaque sacre est l’occasion d’une nouvelle réflexion, d’une nouvelle interprétation des symboles.

A – La promesse du sacre

Il s’agit d’une promesse (engagement moral ; celui qui ne respecte pas sa promesse sera puni par Dieu) et non d’un serment (engagement juridique ; celui qui ne respecte pas son serment sera puni par un juge).

La promesse intervient avant de recevoir l’onction.
Elle est introduite dans le rituel en 869 par Hincmar avec Charles le Chauve.

À compter de 877, avec le sacre de Louis le Bègue, le contenu de la promesse est définitivement fixé.
Le roi s’engage à protéger l’Église, à assurer la paix à son peuple, à faire respecter la justice.
(+ à partir de 1215 : à combattre l’hérésie : posera problème avec l’arrivée sur le trône de Henri IV, protestant)
À partir de Charles 5, le sacre est aussi un engagement de ne pas aliéner le domaine de la couronne.

Au 18ème siècle, une partie de la doctrine proposera une lecture constitutionnaliste de la promesse du sacre. Le texte de la promesse serait une sorte d’embryon de constitution rédigée.
→ lecture contractualiste dans une ambiance favorable aux théories du contrat social

Il n’est pas anodin que la cérémonie commence par les engagements que prend le roi.
Il y a quelque chose de l’ordre du donnant-donnant : c’est parce que le roi s’engage qu’en échange l’Église lui apporte son soutien / sa légitimité divine.

La promesse est une trace résiduelle de l’élection du roi : entre 877 et 987, le roi avait besoin de l’accord des pairs (= grands du royaume) pour devenir roi.
Le roi : primus inter pares → le 1er parmi les pairs.
À partir de 1180, la liste des pairs s’est fixée à 12, sur le modèle des 12 apôtres du Christ → 6 ecclésiastiques et 6 laïcs.
Le roi créera de nouveaux pairs ; ils pourront être réunis en cour des pairs ; ils auront le droit de siéger au Parlement de Paris.

Au fur et à mesure que les fiefs correspondant aux 6 pairs sont réunis dans le domaine royal, ce sont des membres de la famille qui vont tenir lieu de pairs au sacre.
→ Au début, le roi tient son pouvoir de l’élection
→ Ensuite, la signification se renverse : la cérémonie du sacre fait de la famille royale une famille sacrée

À partir de St Louis (sacré en 1226), l’intervention des pairs est déplacée après l’onction.

B – L’onction

L’onction est le cœur de la cérémonie.
Le roi est touché avec une huile sainte en 9 points du corps.
Il est vêtu d’une simple tunique → position d’humilité symbolique.

On utilise l’huile de la Sainte Ampoule (fiole contenant une huile sacrée qui, selon la légende, aurait servi lors du baptême de Clovis).

C – La remise des regalia et le couronnement

Les regalia sont les insignes de la fonction royale.
À part la Sainte Ampoule, ils sont conservés à l’abbaye de St Denis, qui est la nécropole monarchique (là où les rois se font enterrer), et ils sont amenés à Reims quand on procède au sacre.

> Éperon doré
> Anneau conjugal que porte l’évêque symbolisant son mariage avec l’Église de son diocèse
(l’anneau fait du roi l’époux de la couronne → il ne peut pas disposer des biens de la couronne)
> Le sceptre long et la main de justice (symbolise le contact direct qu’a le roi avec dieu)
> Épée associée à Charlemagne
> Couronne → objet circulaire qui n’a pas de limite ni de fin, comme le pouvoir royal
+ le roi est assis sur un trône

La couronne devient peu à peu le symbole de la monarchie.
Depuis 816, le roi est couronné en même temps qu’il est sacré.

D – L’acclamation

Formellement, le dernier sacre est celui de Charles 10.
À la Révolution, les regalia ont été fondues et revendues.

Ici, l’acclamation renvoie à une tradition franque : quand le chef de guerre était choisi, les guerriers francs l’acclamaient.
Les habitants du royaume crient « nous approuvons, nous voulons qu’il en soit ainsi ».
→ approbation qui ajoute une couche supplémentaire de légitimité

Peu à peu, les mœurs évoluent et on ne crie plus dans les églises.
L’acclamation est remplacée par une approbation silencieuse (le silence montre que personne ne s’oppose).

E – La guérison des écrouelles

Écrouelles : infection pulmonaire qui produit des symptômes cutanés.
Les rois de France et d’Angleterre sont réputés détenir le pouvoir de guérir les écrouelles par simple contact.
Le roi guérit par l’imposition des mains. Il dit « le roi te touche, Dieu te guérit ».
À partir de Louis 15, devient « le roi te touche, que Dieu te guérisse » → on n’est plus sûr que ça arrive.
Idée : le pouvoir de guérir des écrouelles dérive du sacre. C’est parce que le roi est sacré qu’il guérit.

Le roi guérit des écrouelles à son sacre, mais aussi en beaucoup d’autres occasions.

II – Sacre et succession

A – La pratique du rex designatus

Rex designatus : roi désigné.
rex coronatus : roi couronné.

Le roi n’attend pas sa mort (et la période d’instabilité qui l’accompagne) pour sacrer son fils.
En 754, Pépin le Bref se fait sacrer par le pape avec toute sa famille.
Cette méthode sera utilisée de façon systématique par les capétiens.

Pour que ça fonctionne, il faut qu’il n’y ait pas de succession féminine ni de succession collatérale.
Entre 987 et 1316, il y a toujours un fils pour succéder au père.
Les historiens appellent ce hasard peu probable « le miracle capétien » : pendant 6 générations, le père pourra faire sacrer son fils de son vivant.
Jusqu’à Philippe Auguste (meurt en 1223), le fils est associé à son père en étant élu puis sacré du vivant de son père.
La monarchie capétienne devient donc progressivement héréditaire : l’habitude se prend que les fils succèdent au père grâce à la pratique du rex designatus.

L’étape de l’élection disparaît, absorbée dans le rituel du sacre.
Au début de la période, le roi a besoin de l’accord des puissants ; progressivement, on se dispense de cet accord formel.

Alors, à quoi sert le sacre ?
Permet d’assoir la légitimité du roi : pour la majorité de la population, le roi est roi car il est sacré.
C’est pour ça que la mission de Jeanne d’Arc est d’amener Charles 7 à Reims pour qu’il y soit sacré ; et que Napoléon se fait sacrer en 1804.

Robert le Pieux est roi en 1025 et son fils désigné meurt.
Le père veut que l’aîné des 2 fils survivants succède parce que c’est l’habitude.
Le principe de primogéniture se prend donc.
→ même principe se prend pour la succession des fiefs
→ parce que choisir l’aîné, c’est diminuer les chances que le successeur soit enfant

Le principe du rex designatus permet donc aux capétiens de mettre en place des règles qui assurent la pérennité de la dynastie.

B – Vers le principe de la succession instantanée

À partir de 1223, le sacre a une portée simplement déclarative.
Louis 8 datera le début de son règne du jour de son sacre.
Philippe 3 « le Hardi » est le 1er à dater son règne de la mort de son père et non de son sacre.

Ce principe coutumier est formalisé par des ordonnances de 1403 et 1407.
On applique au trône les règles qui se sont développées en droit coutumier pour la succession aux biens.
« Le mort saisit le vivant » → le mort tient en main le vivant ; celui qui succède est immédiatement investi des biens, sans transition.
→ Il y a toujours un roi. Quand un roi meurt, son fils devient roi immédiatement.

La France a connu au moins 1 occupation anglaise, il existe donc des rituels importés par la monarchie anglaise.
Notamment : les funérailles royales.
À partir de 1498, formule « Le roi est mort, vive le roi ».
→ Il y a une continuité ; il y a toujours un roi vivant.
→ « Le roi ne meurt pas en France » (Henri 2 à Catherine de Médécis)

L’historien du droit Kantorowicz y voit une double nature de la monarchie :
> elle s’incarne dans un homme – le corps physique du roi
> et dans le corps mystique de la monarchie, qui lui ne meurt pas

On attribue à Louis 14 la phrase « l’État, c’est moi », ce qui est faux (personne n’a jamais reçu l’État à manger ; on n’en voit que des manifestations).
En revanche, il a réellement déclaré en mourant « je m’en vais, mais l’État demeurera toujours ».

Section 3 : La famille royale

I – Le statut de la famille royale

Le problème, c’est que certains des parents du roi sont des successifs (= des gens qui sont des relais naturels du point du vue du droit).
Dans le même temps, ils ont des utilités propres ; le roi n’a pas intérêt à en faire des rivaux.
Dans le système franc de partage du royaume, il y a des exemples de dissensions au sein de la famille régnante qui pouvaient avoir des conséquences dramatiques.

Tendance : construction de la souveraineté, qui aboutit à l’adage formalisé par « le roi n’a point de compagnon en sa majesté royale ».

A – Le successeur au trône

La pratique du rex designatus ne disparaît pas, mais à partir du milieu du 14e siècle on appelle le successeur au trône le dauphin.
Objectif : éviter que le fils ne s’érige en rival de son père (ce qui se produit encore dans la 2nde moitié du 15ème siècle).
→ il n’y a donc pas de statut spécifique pour le successeur au trône, même quand il est le fils du roi

Un problème se pose : que se passe-t-il quand on a une succession collatérale ?
Ce problème se pose dans les successions collatérales de la fin du 15e siècle.

Exemple : un grand-père (GP) a 2 fils : un fils aîné (FA) et un fils cadet (FC).
FA a un fils (→ petit fils de la branche aînée, PFBA). FA meurt avant GP.
Quand GP meurt, qui lui succède : FC ou PFBA ?

La règle qui s’applique est que le petit fils prend la place de son père.
L’Angleterre adopte des règles de succession différentes.

B – La reine

La reine est l’épouse du roi.

Jusqu’à Marie de Médicis, les reines sont sacrées comme leurs maris, dans la Sainte-Chapelle puis à Saint-Denis.
On utilise l’huile de la Ste Ampoule (onction en 2 points du corps seulement).

La reine a parfois joué un rôle considérable, en fonction de la personnalité du roi et de la reine et des configurations dynastiques (la reine pouvant exercer la régence).

Dans les 1ers temps de la dynastie capétienne, la reine était systématiquement choisie dans les descendants de Charlemagne (sauf Anne de Pierre, qui était apparentée à la dynastie d’Alexandre le Grand).
→ la reine est étroitement associée au trône

On parle de trinité capétienne pour désigner l’ensemble que forment à la tête du royaume :
> le roi portant la couronne
> le fils désigné pour lui succéder
> la reine, elle-même sacrée

Quand elle devient veuve, la reine jouit du douaire, qui est une partie des biens du mari (= dans le cas de la reine, une fraction du domaine royal).
Cela permet à la reine douairière (souvent la mère du roi désigné) de vivre et de tenir sans le roi.

Le douaire est assimilé à l’apanage (= part de l’héritage royal réservée aux fils et filles du roi exclus de la succession, devant revenir à la ligne royale après extinction des mâles).
Le douaire est « l’apanage de la reine ».

Le choix de la reine n’est pas le fruit du hasard.
Elle apporte des espérances (une capacité à succéder à certains fiefs).

Le droit canonique impose jusqu’au 13e siècle une interdiction de parenté, qui va jusqu’au 7e degré.
Il existe 2 façons de compter la parenté :

  • On peut compter le nombre de personnes ; l’oncle et le neveu sont alors à 3 degrés d’écart ; c’est la manière de compter du droit romain, reprise ensuite dans le Code civil.
  • On peut compter les générations ; l’oncle et le neveu sont alors à 2 degrés d’écart.

Ne peuvent se marier que les descendants sur 7 générations.
Objectif : brasser les populations.
Mais il est très difficile de trouver à épouser des femmes qui ne sont pas des cousines.
L’Église est en position d’arbitre du mariage des familles royales.

C – Les frères du roi et les apanagistes

Dans la famille royale, il n’y a pas de tradition que les fils deviennent ecclésiastiques.
On a trop besoin des garçons pour leur faire épouser des héritières.

Le royaume n’est plus partagé à la mort du roi depuis la fin du 9e siècle.
Pour autant, les fils cadets vont recevoir de quoi vivre et de quoi tenir leur rang.
→ les apanages

Les apanages se transmettent de mâle en mâle et font donc toujours partie du domaine de la couronne.
Si la lignée s’éteint, l’apanage retourne à la couronne.
Il n’y a pas de succession collatérale pour les apanages.

Intérêt des apanages : les gens nouvellement réunis à la couronne vont garder leur autonomie et être administrés en souplesse en ayant un prince qui s’en charge spécifiquement.
Danger : que les apanagistes agissent de plus en plus dans leur intérêt propre que dans l’intérêt de la couronne (qu’eux aussi essaient d’augmenter leurs possessions en épousant des héritières).

Les filles ne sont pas dotées de terre : les apanages, ce n’est que pour les garçons.
Elle reçoivent à la place une dot en argent.

La notion de prince du sang désigne tous ceux qui participent à la sacralité royale et qui peuvent être amenés à monter sur le trône.
Dans la hiérarchie sociale de l’Ancien Régime, ils sont au-dessus de tous.

II – La régence

La régence est une période où le roi n’est pas en mesure d’exercer la fonction royale.
C’est une période de faiblesse pour la monarchie.

Cas de figure dans lesquels s’ouvre une régence :
> régence pour cause de minorité
> régence d’absence : le roi est en croisade, prisonnier, etc.

Il n’existe pas de régence pour maladie.

A – L’attribution de la régence

Dans certains cas, la régence va à l’oncle.
Dans d’autres, à la reine (en cas d’absence, ou à la mère du roi en cas de minorité).

Ont pu être régents :
> un oncle maternel
> une mère
> une sœur aînée et son mari
> même l’abbé Suger, qui n’était pas membre de la famille royale !

→ il n’y a pas de règles : la régence est un exemple d’échec de la formation d’une règle coutumière

La tendance à partir du 16e siècle est que le pouvoir soit confié à la reine en cas de régence d’absence et surtout de minorité.
C’est la loi salique qui pousse à la régence des femmes : la reine est la candidate idéale pour la régence, puisqu’elle ne peut pas succéder (→ pas de danger d’usurpation du trône).

Parfois, il est cependant nécessaire de faire appel à un oncle (ex : Philippe d’Orléans devient régent à la mort de Louis 14).

L’attribution de la régence fait partie des lois fondamentales, mais on ne s’est pas mis d’accord sur son contenu.

B – Les pouvoirs du régent

La régence se fonde sur le modèle de la garde des fiefs.
Idée : le roi mineur demeure le roi ; le régent agit en son nom.
Le régent ne remplace pas le roi.

Le roi, quand il meurt, essaie d’encadrer la régence par un conseil de régence, qui se révèle souvent inefficace.
En pratique, le régent exerce tous les pouvoirs du roi.

La régence d’absence dure jusqu’au retour du roi.
La régence de minorité dure jusqu’à l’âge fixé de la majorité royale :

C – La minorité royale

L’âge de la minorité royale a fluctué.
Au départ, c’était l’âge où l’on devenait chevalier.
Philippe 1er prend le pouvoir à 16 ans et Louis 9 à 20 ans.
Le risque est que le régent décale la majorité pour garder les pouvoirs plus longtemps.

En 1270, on fixe l’âge de la majorité à 14 ans.
Il est formulé solennellement par Charles 5 en 1374.
On parle de « 13 ans révolus » = l’anniversaire des 14 ans.

Un adolescent de 14 ans n’exerce pas directement la totalité du métier de roi.
Aux 16e/17e/18e siècles, la déclaration de la majorité marque la majorité du roi, mais il reste accompagné.

Louis 14 devient roi à 13 ans, mais en pratique le pouvoir reste aux mains de sa mère régente et de Mazarin. Ce n’est que quand Mazarin meurt que le gouvernement personnel de Louis 14 commence.

Les ordonnances de 1403 et 1407 soulignent que, même pendant la période de régence, les actes sont pris au nom du roi.
> « il n’y a pas de régence en France »
> « le roi de France est toujours majeur »

Section 4 : Les lois fondamentales

Il y a un fort investissement sur les lois fondamentales au 19e siècle.
1ère raison : il y a des rivalités entre la branche aînée (famille du roi d’Espagne) et les Orléans (descendants de Louis-Philippe) à partir de 1843.
2ème raison : on va chercher dans les lois fondamentales l’équivalent d’une constitution (= constitution coutumière de l’ancienne France).

Les lois fondamentales structurent par nature la monarchie par ses origines.
À l’usage, elles se fixent de crise en crise : le règlement de la crise détermine la façon dont la règle se pose.

La loi fondamentale apparaît dans un contexte spécifique de guerre religieuse afin de limiter le pouvoir royal et son fondement.
→ apparaît sous la plume des protestants

Les monarchomaques sont des opposants protestants des catholiques qui combattent la monarchie ; ils développent l’idée que le roi est limité et revendiquent une souveraineté partagée.
Lors du massacre de la Saint-Barthélemy (1572), ils comprennent qu’ils ne parviendront pas à convaincre le roi.

Jean Bodin publie Les Six Livres de la République en 1576.
C’est un ouvrage majeur, dans lequel il achète de définir le contenu de la souveraineté.
Idée : la souveraineté ne se partage pas (thèse absolutiste).

La loi fondamentale a 2 aspects :
> celle qui concerne la dévolution de la couronne
> celle qui concerne le domaine royal

La loi fondamentale fonde la légitimité et est hors de portée du roi.
On ne peut pas penser les lois fondamentales tant qu’on n’a pas affirmé la conception de la souveraineté.
Question : y a-t-il des règles spécifiques que le roi ne peut pas changer ?
On les assimile peu à peu à une constitution.

I – La dévolution de la couronne

A – Le principe de masculinité

Rappel : sous les capétiens, le principe est celui de l’indivisibilité du royaume.
En 987, Hughes Capet devient roi.
Son fils, Robert 2, a plusieurs fils mais n’en a qu’un seul qui lui succède (Henri 1er).

Miracle capétien : période qui, de 987 à 1316, voit se succéder à la tête du royaume de France les 13 premiers descendants en ligne directe d’Hugues Capet.
→ l’accession à la couronne de France, préalablement élective, devient par l’usage héréditaire

1316 : Louis 10 meurt sans héritier mâle.
La noblesse française s’accorde pour exclure sa fille légitime, la princesse Jeanne.

Arguments de droit :

  • En faveur de Jeanne :
    • Des femmes exercent le pouvoir (il n’y a pas de principe d’exclusion des femmes du pouvoir)
    • Des femmes peuvent monter sur le trône dans les royaumes étrangers
    • Des femmes peuvent succéder aux fiefs
      → raisonnement par analogie : la couronne est associée à un fief
  • En défaveur de Jeanne :
    • Parmi les activités spécifiquement masculines, certaines sont propres au roi (division sexuée des activités)
    • Adage : « les lys ne filent point » (les lys représentent la monarchie)
      → les femmes ne font pas la guerre et les hommes ne filent pas la laine
      + adage : « le royaume de France ne saurait tomber de lance en quenouille »
    • Le roi est un quasi-évêque par son sacre ; or, une femme ne peut pas être ordonnée.
      Ces arguments sont assez faibles et peuvent facilement être démontés (ex : le roi fait aussi des choses que les évêques ne font pas, comme se marier).
    • Depuis le 13e siècle, les constitutions d’apanage contiennent une clause de retour à la couronne faute d’héritier mâle → les apanages ne reviennent pas aux filles.
      Or les apanages sont des fragments du domaine de la couronne.
      S’ils ne passent pas aux filles, à fortiori l’ensemble de la couronne elle-même ne passe pas aux filles.

En 1328, il y a 2 prétendants au roi : Édouard, le roi d’Angleterre, et Philippe 6, cousin et régent de Charles 4.
Les États généraux confirment la non transmission du royaume aux femmes, et confient la couronne au régent, qui devient roi de France (jusqu’en 1350).

Idée : la femme ne peut pas faire « pont » et « planche » d’une couronne qu’elle ne peut pas porter : comme elle ne peut pas hériter de la couronne, elle ne peut pas la transmettre.

En 1358, Charles 5 devient régent pour son père : encore une nouvelle situation.

Richard Lescot exhume au 14e siècle un manuscrit de la loi salique de la bibliothèque du monastère de Saint Denis

Si les terres sont données pour rendre un service militaire, elles ne passent pas aux femmes, parce que les femmes ne rendent pas le service militaire.
💡 a contrario, raisonnement développé ici : les femmes succèdent, sauf dans certains cas

B – L’indisponibilité de la couronne

Au début du 15e siècle, le royaume est divisé en 3 ensembles :
> un tiers nord-ouest, aux mains des anglais
> un tiers à l’est, aux mains des bourguignons
> un tiers au midi et au sud-est : l’endroit où le dauphin Charles 7 s’est réfugié

Traité de Troyes (1420) : imposé à Charles 6 (qui a de nombreux problèmes de santé mentale).
Prévoit un mariage entre la fille de Charles 6 et le roi d’Angleterre.
Charles 6 doit adopter son gendre (le roi d’Angleterre) et le reconnaître pour son héritier, déshéritant ainsi son fils biologique (le futur Charles 7).

Les anglais avouent la faiblesse de leur position juridique puisqu’ils se sentent obligés de recourir à ce montage de l’adoption.
Ainsi, la guerre de Cent Ans, depuis les années 1340, est lancée sur des bases dynastiques incertaines.

Dans le temps où l’on négocie le traité de Troyes, Jean de Terrevermeille, un juriste nîmois (partie du royaume pas tombée aux mains des anglais ou des bourguignons) rédige un ouvrage appuyant les prétentions du dauphin Charles.
Il y développe une argumentation qui répond aux prétentions anglaises. Il soutient les droits du dauphin Charles.

Idée principale : asseoir les droits du dauphin Charles à une régence.
Le plus proche successif a droit à la régence.
Il s’agit d’une argumentation a fortiori : puisque le dauphin Charles peut succéder à la régence, a fortiori il doit exercer la régence.

Argument incident : le fils est nécessairement successeur de son père, la chose ne peut pas souffrir d’accommodement → aura une très grande portée.
Le principe énoncé ici est celui de l’indisponibilité de la couronne (on parle aussi de théorie statutaire).

Il ne peut la donner ni la vendre.
Il ne peut pas exhéréder son fils, parce qu’il ne s’agit pas d’une succession de droit privé (= un héritage).
La succession à la couronne obéit à des règles spécifiques qui sont hors de portée du roi lui-même.
Si le roi ne peut pas modifier l’ordre successoral, c’est qu’il y a des règles qui sont hors de portée du roi.

Le roi de France ne peut donc pas abdiquer : l’ordre de succession s’impose à lui et il ne peut pas refuser d’être roi.

Les anglais continueront néanmoins de prétendre au trône de France jusqu’à la paix d’Amiens de 1802.

C – Le principe de catholicisme

Le chef des protestants, au fur et à mesure de la dynastie des Valois (au cœur des guerres de religion), ne cesse de se rapprocher du trône.
95% de la population du royaume demeure catholique, mais le protestantisme a gagné dans les élites (une partie de la noblesse + les milieux commerçants) et dans certaines provinces.

Plusieurs groupes s’affrontent : les protestants, dont l’objectif a longtemps été de convertir le roi (pour obtenir cujus regio ejus religio comme en Allemagne).
Après avoir compris que ça ne serait pas possible, ils cherchent à disposer du plus de garanties et d’autonomie possible.

Face aux protestants, les ultra-catholiques, rassemblés en ligues (on les appelle les « ligueurs »), considèrent que la France est catholique et qu’il ne doit pas y avoir de protestants.

Entre les deux se tiennent les catholiques modérés, qui se font appeler les « politiques ».
Ils considèrent que, catholique ou protestant, la qualité de français prime sur l’appartenance religieuse.
→ l’État est en train de remplacer l’Église

Henri 3 est proche des ligueurs, mais son successeur est protestant, ce qui pose problème.
En effet, Henri de Navarre (Henri 4) s’est converti plusieurs fois.
Il s’impose par les armes, mais pour éviter une guerre civile, il légitime son pouvoir en se convertissant au christianisme.
« Paris vaut bien une messe »

En 1598, il signe l’édit de Nantes qui autorise le culte protestant et met fin à plus de 3 décennies de guerres de religion.

Le principe de catholicité de la couronne s’ajoute et a la même valeur que la règle d’indisponibilité.
Ce principe est énoncé par l’arrêt Lemaistre du 28 juin 1593.

En 1700, le roi d’Espagne meurt sans enfants.
Il désigne pour lui succéder Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis 14 → devient Philippe 5 d’Espagne.
Immédiatement, c’est la guerre à l’échelle de l’Europe, opposant français et espagnols vs anglais et habsbourgs.
Cette guerre épuise tous les participants : 10% de la population du royaume meurt en 2 ans (conditions climatiques désastreuses + guerres).

On fait donc la paix : traité d’Utrecht (1713).
On reconnaît que Philippe d’Espagne est roi d’Espagne, mais en échange il renonce à ce que lui ou ses descendants puissent monter sur le trône de France.
→ pas de risque de fusion des couronnes française et espagnole
Mais ce traité contrevient aux lois fondamentales.

Louis 14 envisage l’extinction des bourbons.
Il tente de donner le maximum de pouvoir au duc du Maine.
Il passe l’édit de Marly en juillet 1714 et meurt le 1er septembre 1715.
Son testament politique est ouvert au parlement de Paris.

En février 1717, par l’édit de Fontainebleau, l’édit de Marly est abrogé.
Le régent, faisant parler le petit Louis 15, affirme que les rois sont dans “l’heureuse impuissance” de porter atteinte aux lois fondamentales.
⚠️ À ne pas confondre avec l’édit de Fontainebleau signé par Louis 14.

Idée : le domaine de la couronne est indisponible.
A fortiori il en est de même pour la couronne.
L’hypothèse proposée dans l’édit est que si tous les bourbons disparaissent, ce serait à la nation de se choisir une nouvelle famille royale.

Et si on rétablissait la monarchie aujourd’hui ?
Ce serait la branche d’Orléans sur le trône si on applique le traité d’Utrecht.

II – Le domaine royal

A – Les origines du régime du domaine royal

Principe : indisponibilité du domaine royal.
💡 Indisponibilité = inaliénabilité = ne peut pas être transmis à autrui.

Cette idée se met en place au 14e siècle.
Contexte : développement de l’impôt permanent.
Guerre de 100 ans.
Idée : le roi n’est que gestionnaire ; il doit bien gérer le domaine royal pour en tirer le maximum de revenus → il fait tout ce qu’il peut pour que les sujets paient le moins d’impôts possibles.

Mais estimation des revenus royaux de 1461 : la taille = deux tiers du revenu de l’État (1 200 000 l.t.) ; le produit net du domaine royal est négligeable (50 000 l.t.).

B – L’achèvement du processus : le contenu de l’édit de Moulins (février 1566)

En 1579, l’ordonnance de Blois établit comme principe l’inaliénabilité du domaine de la couronne.
Le roi ne peut pas donner des provinces en échange de sa liberté.

Corollaire : le domaine de la couronne est imprescriptible.

Février 1566 : édit de Moulins.
C’est l’un des rares textes du droit d’Ancien Régime toujours en vigueur aujourd’hui : si on veut revendiquer un droit de propriété sur un domaine public par nature (mer et rivages, rivières navigables…), il faut montrer une possession ininterrompue depuis février 1566.

On y distingue le domaine fixe du domaine casuel.
Le domaine fixe est l’ensemble des biens et droits acquis par la couronne à l’avènement d’un roi donné.
Le domaine casuel est une fraction du domaine qui échappe temporairement aux règles publiques (même racine que “occasionnel”).

Il y a une période de 10 ans pendant laquelle les biens qui appartenaient au roi avant qu’il ne monte sur le trône ou dont il hérite sur le trône sont considérés comme appartenant au domaine casuel.
→ il peut les vendre, les donner, les échanger

Il existe 3 exceptions :

  1. Les murailles et les remparts d’une ville : ils n’ont plus de fonction militaire et il faut les entretenir, ce qui coûte cher.
    On choisit donc de les vendre.
  2. Les apanages, qui sont confiés à des fils cadets pour leur permettre de tenir leur rang.
    À partir du 15e siècle, on fait en sorte de ne leur donner que des revenus, et non des provinces entières où ils pourraient devenir dangereux.
    Les apanages sont formellement démembrés du domaine de la couronne.
  3. Les engagements, qui sont vus comme un prêt.

    Le roi a besoin d’argent, donc il emprunte. Il donne comme garantie à ses créanciers un bien du domaine de la couronne.
    Le bien produit des revenus : l’engagiste perçoit ses revenus (= les intérêts de la somme prêtée).
    Le roi récupère le bien engagé dès qu’il rembourse la somme prêtée.

    L’engagement peut être envisagé comme une vente avec possibilité de rachat éternelle.
    Le roi peut toujours racheter le bien comme bon lui semble.

    La théorie de l’engagement vide totalement de sa substance le principe d’inaliénabilité du domaine royal.
    Elle permet cependant au roi de jouer sur l’inflation.
    Exemple : un terrain est “acheté” 1 000 livres ; 100 ans après, le roi veut le racheter, mais maintenant il vaut 10 000 livres ☹️
    On va s’arranger : le roi ne récupère pas le terrain, mais obtient un loyer.

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