Chapitre 7 : Les effets du pacs

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

I – Les liens personnels

À l’origine, le pacs se distinguait du mariage par l’absence d’effets personnels sur les pacsés, un peu comme le concubinage.
La loi de 1999 évoquait un devoir d’aide mutuelle et matérielle, sans établir d’obligation de fidélité, comme souligné par le Conseil constitutionnel.

Au fil des évolutions législatives, on remarque que le pacs produit malgré tout certains effets personnels.

La loi du 6 juillet 1989 relative au bail, modifiée en 1999, dispose que le pacsé a droit à la continuation du bail à son profit en cas d’abandon ou décès de l’autre pacsé.

Les pacsés sont habilités par la loi à être nommés tuteurs ou curateurs dans le cadre d’un régime de protection.

La loi du 23 juin 2006 a créé un devoir de vie commune et d’assistance réciproque.

A – Le devoir de vie commune

Le devoir de vie commune est désormais inclus dans la définition du pacs (article 515-1 du Code civil).
À l’origine, le Conseil constitutionnel avait dit qu’un tel objet n’était pas impératif.

L’article 515-4 alinéa 1 du Code civil l’énonce de manière explicite.

C’est une communauté de lit et de toit. Elle suppose un élément matériel (partage de la résidence choisie ensemble) et l’intention de vivre ensemble.

Cette vie commune peut néanmoins être nuancée : emprisonnement, lieu de travail différent…

B – L’obligation d’aide matérielle réciproque

Depuis 2006, la loi énonce une aide matérielle et une assistance réciproque.
→ le pacs se rapproche du mariage et s’éloigne du concubinage

L’article 515-4 du Code civil dispose que : “Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.”
Les pacsés peuvent donc en décider autrement, mais s’ils ne disent rien, c’est en fonction des facultés respectives.
→ rappelle l’article 214 du Code civil, sans son alinéa 2

Les pacsés peuvent décider par convention de la forme que prendrait cette aide matérielle, mais toute clause qui stipulerait que les pacsés ne s’engagent à aucune aide est nulle.

C – L’assistance

L’article 515-4 du Code civil établit une obligation d’assistance réciproque, introduite par la loi du 23 juin 2006.

En cas de non-respect de cette obligation, aucune sanction n’est précisée, mais il est possible d’obtenir des dommages et intérêts.

II – L’union patrimoniale

En matière de mariage, il existe 4 régimes matrimoniaux : si on ne fait pas de contrat de mariage, le régime qui s’applique est la communauté réduite aux acquêts.

En matière de pacs :

A – La solidarité des dettes engagées pour les besoins de la vie courante

L’alinéa 2 de l’article 515-4 du Code civil dispose que : “Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois…”

C’est l’équivalent de l’article 220 pour le mariage, sauf qu’il ne fait pas mention des enfants.
Idée : le but du pacs n’est pas de fonder une famille.

B – Les biens

Le législateur a voulu instaurer entre les pacsés un régime différent de celui des époux (plus séparatiste que communautaire), qui a été renforcé par la loi du 23 juin 2006.

L’article 515-5 du Code civil dispose que “… chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun d’eux reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte”.
→ équivalent de l’article 225 pour le mariage
→ chacun des pacsés reste propriétaire de ses biens et de ses dettes personnelles

C – La cotitularité du bail

La loi du 24 mars 2014 étend aux pacsés la protection offerte aux époux par l’article 1751 du Code civil : les époux comme les pacsés sont cotitulaires du bail.

D – L’indivision sur les biens acquis pendant le pacs

1) Le régime légal

L’article 515-5 alinéa 2 dispose depuis 2006 que chacun des pacsés reste seul propriétaire des biens qu’il acquiert à titre onéreux.

Néanmoins, si aucun des partenaires ne peut prouver qu’il est le seul propriétaire d’un bien, il y a présomption d’indivision pour moitié.

2) La convention spéciale

Les pacsés peuvent déroger au régime légal : ils peuvent maintenir une cloison étanche entre leurs patrimoines, ou bien constituer une masse indivise.
Ils peuvent le faire par convention initiale ou plus tard par une convention spéciale.

L’article 515-5-1 du Code civil énonce que l’indivision est possible ; les biens “sont alors réputés indivis par moitié”.
L’article 515-5-2 énumère un certain nombre de biens qui restent la propriété exclusive de chaque partenaire.

Ainsi, depuis la loi de 2006, la loi établit un principe séparatiste : le bien que chaque partenaire acquiert pendant le pacs lui appartient. Les patrimoines restent séparés, sauf les dettes de la vie courante et une éventuelle indivision qui résulterait de l’impossibilité de prouver la propriété exclusive de l’un des pacsés sur l’un des biens.
Les pacsés peuvent néanmoins établir, de manière expresse dans la convention, que les biens leur appartiendront de façon indivise (pour moitié).

Chapitre 6 : Les conditions du pacs

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Le droit français réglemente une autre union conjugale que le mariage.

La loi réglementant le pacs date du 15 novembre 1999.
Elle a été précédée d’une décision très importante du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999, après sa saisie par les opposants au pacs. Il a estimé que la loi était conforme à la Constitution, mais a exigé de nombreuses retouches.

Entre 1999 et 2016, le pacs a été revu 5 fois par le législateur :
> 5 mars 2007 relative aux incapacités
> 2009
> 2010
> 2011
> 2016

L’article 515-1 du Code civil donne une définition du pacs :
Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

I – Un consentement

À partir du moment où le Code civil définit le pacs comme un “contrat”, la théorie générale des contrats s’applique.
Cela signifie que les vices du consentement, qui peuvent être invoqués en matière contractuelle en général (erreur, violence, tromperie et dol).

Le pacs n’a néanmoins pas pour objet une vente, un achat ou une location.
Il a pour objet d’organiser la vie commune de 2 personnes liées sexuellement.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 octobre 2015, a de nouveau souligné la dimension contractuelle du pacs.

II – Les conditions relatives aux personnes

A – L’indifférence des sexes

Le pacs est ouvert aux personnes homosexuelles.

B – Les empêchements à pacs

Seul un couple peut se pacser : il n’est donc pas possible de se pacser à 3, 4 ou 5.

Le législateur a prévu des empêchements à pacs, sur le modèle des empêchements à mariage.
Ce contrat est donc particulier parce qu’il contrevient à la liberté contractuelle (on ne peut pas se pacser avec n’importe qui).

L’article 515-2 prévoit qu’il ne peut y avoir de pacs :
1° Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus ;
2° Entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage ;
3° Entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité.

Le pacs ne crée pas de lien d’alliance, contrairement au mariage.
Une fois que le pacs est rompu, le beau-fils et la belle-mère peuvent donc se marier ou se pacser.

Ces empêchements sont sanctionnés par une nullité absolue.
Voir CEDH “Burden c R.-U.”, 29 avril 2008 : 2 sœurs qui vivaient ensemble et voulaient bénéficier des avantages fiscaux de l’équivalent du pacs au Royaume-Uni.

C – Capacités

La loi n’autorise le pacs qu’entre 2 personnes majeures, comme dit explicitement à l’article 515-1.
Il s’agit d’une autre différence avec le mariage (l’article 145 du Code civil dispose que le procureur de la République peut autoriser un mariage entre mineurs pour motifs graves).

Le législateur n’a néanmoins pas prévu de sanctions au cas où le mineur conclurait un pacs.

À l’origine, les personnes sous tutelle avaient l’interdiction de se pacser.
La loi du 5 mars 2007 apporte des précisions et des changements importants en modifiant les articles 460 et 462 du Code civil, qui distinguent désormais la capacité à faire la convention de pacs et la capacité à faire la déclaration conjointe.
L’important : la convention, qui règle toutes les relations entre les 2 pacsés.

Article 462 du Code civil : “La personne en tutelle est assistée de son tuteur lors de la signature de la convention par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. Aucune assistance ni représentation ne sont requises lors de la déclaration conjointe”.

II – Les conditions de forme

A – La convention

Le pacs est un contrat qui suppose une convention écrite.
L’article 515-3 du Code civil dispose que la convention peut être passée par acte authentique (devant un officier d’état civil) ou par acte sous seeing privé (devant un notaire).

B – La déclaration

En 1999, le pacs est officialisé au tribunal d’instance où se situe la résidence des pacsés, en vertu de l’article 515-3 du Code civil.

Depuis le 1er novembre 2017 (loi du 18 novembre 2016), qui modifie l’article 515-3 al 1, le pacs est déclaré en mairie.
(”en font la déclaration conjointe devant l’officier d’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune”)

Si les pacsés ont préféré signer leur convention chez un notaire, celui-ci recueille la déclaration conjointe, selon l’aliéna 5 de l’article 515-3.

C – L’enregistrement

Depuis 2006, l’article 515-3-1 du Code civil indique que “Il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité, avec indication de l’identité de l’autre partenaire.”

Entre 1999 et 2006, on entretenait une fiction juridique selon laquelle le pacs était un pur contrat sans lien avec l’état des personnes. Le sexe de l’autre pacsé n’était pas mentionné.

Article 515-3-1 alinéa 2 : le pacs prend effet à la date de son enregistrement par l’officier d’état civil ou le notaire.
Les effets du pacs vis-à-vis des tiers débutent le jour où les formalités de publicité ont été accomplies.

Chapitre 5 : La dissolution du concubinage

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Contrairement au mariage, le concubinage présente l’avantage de la liberté.
Il s’agit d’une union de fait, qui n’est pas fondée sur un lien de droit ; la dissolution du lien de fait met en évidence l’absence de lien de droit.

I – La situation du concubin délaissé

Principe : la liberté.
Tempérament : la jurisprudence a développé un raisonnement fondé sur l’article 1240 du Code civil, qui établit la responsabilité du fait personnel : si la rupture cause un dommage et que ce dommage est en lien de causalité avec une faute du concubin qui rompt, le concubin délaissé peut obtenir des dommage et intérêts.

Tempérament n°2, législatif : la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dont les articles 14 et 15 prévoient la situation du concubin délaissé eu égard à l’occupation du logement.
> prévoit le maintien dans les lieux pour le concubin délaissé
> utilise la notion de “concubin notoire”

Le concubin survivant peut-il obtenir des dommages et intérêts de la part de l’auteur de ce qui a provoqué la mort de son concubin ?
Arrêt Dangereux, chambre mixte, 27 février 1970 : une concubine demandait des dommages et intérêts à l’auteur de l’accident involontaire dans lequel son concubin avait péri.
La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence : avant, dans cette situation, le survivant ne recevait pas de dommages et intérêts, parce que les juges considéraient que la concubine n’était pas recevable à agir parce qu’il n’y avait pas de lien de droit entre la victime et elle.
Les juges énoncent ici l’article 1240, qui n’exige pas l’existence d’un lien de droit : une concubine peut donc recevoir une indemnisation pour le préjudice résultant de la mort de son concubin.

En matière de biens, le principe est celui de la liberté.
→ Chacun en est pour ses frais et récupère ses biens.

Il appartient à chacun de rapporter la preuve de la propriété sur chaque bien.
Si l’un des concubins ne parvient pas à démontrer qu’il est propriétaire de tel ou tel bien, les juges considèrent que les biens sont indivis par moitié.
Si les biens ont été achetés avec un financement différend par l’un et par l’autre, les juges tiendront compte de ces différences d’apport.
Les juges apportent des tempéraments / des aménagements.

Il y a parfois société créée de fait.
La société créée de fait est une technique consacrée par le législateur depuis 1978, à travers l’article 1873 du code civil, qui permet de reconnaître le groupement de personnes qui se comportent comme des associés. Un tel regroupement peut être observé au sein du couple, entre époux ou entre concubins.

💡
La société est définie dans le Code civil aux articles 1832 et suivants.
On parle de société lorsque 2 personnes ou plus apportent des apports (en finances, en matériel ou en nature) dans le but d’exercer une activité qui va procurer des bénéfices ou des pertes, et que chacun des associés a l’intention de participer aux bénéfices ou aux pertes.
Quand une société se dissout, chacun récupère ce qu’il a amené.

La Cour de cassation est très exigeante dans les conditions de création de la société créée de fait.
Les juges ne sont pas enclins à reconnaître facilement cette fiction qui permet de déroger à la règle selon laquelle les intérêts patrimoniaux ne font pas l’objet d’une réglementation.

Napoléon : “les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéresse des concubins”.

La chambre commerciale a rendu 2 arrêts importants le 23 juin 2004 :
L’existence de société créée de fait entre concubins exige tous les éléments caractérisant une société. Elle nécessite l’existence d’un accord, l’intention de participer aux bénéfices et aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles.
Ces éléments constitutifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres.
→ on ne peut pas déduire d’un accord l’intention de participer aux bénéfices et aux pertes

L’enrichissement sans cause est, comme la société créée de fait, une invention du juge.
Il s’agit du dernier recours : lorsque les concubins n’ont pas fait de convention entre eux, qu’ils n’arrivent pas à prouver qu’ils sont propriétaires de tel ou tel bien et que la société créée de fait ne peut pas être établie parce que les conditions ne sont pas remplis, ils peuvent tenter l’enrichissement sans cause, prévu par l’article 1303 du Code civil.

Cette disposition peut être appliquée à des concubins uniquement lorsqu’il y a appauvrissement d’un côté et enrichissement de l’autre (Civ. 1, 6 octobre 2010).
Conditions nécessaires : corrélation et absence de cause logique.

Chapitre 4 : Les effets du concubinage

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Introduction au concubinage

💡 Concubinage = union libre = vie maritale.

Le concubinage est progressivement pris en compte par le droit, branche par branche : droit fiscal, droit social, etc.
Objectif : donner des avantages à des couples qui n’étaient pas mariés mais qui prétendaient à un certain degré de stabilité.

En 1999, le législateur intègre le concubinage dans le code civil, à l’article 515-8 :
Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Les concubins ne peuvent donc être que des personnes en couple qui ont des relations sexuelles.

Au moment de l’adoption en France du pacs, on consacre le concubinage en lui donnant une définition légale et en l’ouvrant aux personnes de même sexe.
Mais le pacs est finalement admis aussi pour les personnes de même sexe.

L’union libre est une situation informelle qui produit des effets de droit.

La différence avec le mariage s’atténue progressivement.
L’article 343 du Code civil modifié le 21 février 2022 l’adoption aux couples de concubins et de pacsés (avant : uniquement les couples mariés ou, paradoxalement, les célibataires).

On distingue 2 principales différences entre le concubinage et le mariage :

  1. Le concubinage ne fait pas l’objet d’un statut (= ensemble de droits et de devoirs) cohérent et complet.
    Il n’y a pas d’équivalent des articles 212 et suivants.
    Les solutions que les juges ont apporté en pratique aux conflits entre concubins ont néanmoins été largement transposées depuis le droit commun.
  1. Puisque le concubinage est une situation de faits, la preuve en est libre.

On ne peut pas raisonner par analogie avec le mariage, puisque les 2 unions ne sont pas de même nature – on pourrait même raisonner a contrario.

Chacun est libre de s’engager dans le concubinage, et de le rompre.
Dès lors, il n’y a pas de statut préconstitué du concubinage, dans lequel les concubins entreraient.

Les effets du mariage ne gouvernent pas le concubinage, qui demeure très largement sous l’empire des règles de droit commun (droit des biens s’ils acquièrent des biens, droit des contrats, droit de la responsabilité).

Le concubinage ne comporte pas d’effets personnels, pas de devoir de fidélité ni d’assistance, pas d’acquisition de nationalité.
+ pas de possibilité d’adopter jusqu’au 21 février 2022

On observe malgré tout un rapprochement des contentieux relatifs au mariage, au concubinage et au pacs : la loi du 12 mai 2009 a étendu la compétence du juge aux affaires familiales (JAF) pour connaître du contentieux de la liquidation des intérêts patrimoniaux et des indivisions entre concubins (article 1136-1 du Code de procédure civile).

Le JAF rend également des ordonnances de protection, destinées à lutter contre les violences au sein du couple, que les partenaires soient mariés, pacsés ou concubins (articles 515-9 et suivants du Code civil).

→ Si les règles de fond restent très différentes entre mariage et concubinage, il y a une forme de rapprochement procédural (même juge).

I – La contribution des concubins aux charges du concubinage

Celui des 2 concubins qui assure une dépense du ménage ne reçoit pas de l’article 214 du Code civil le droit d’exercer un recours contre l’autre pour que ce dernier contribue à la dépense.
Chacun assume définitivement les dépenses courantes qu’il engage.

Exemple : Civ. 1, 2 septembre 2020, 19-10.477.
”Sauf convention contraire” : les concubins peuvent toujours conclure entre eux un contrat, parce qu’il n’y a pas de statut du concubinage et donc pas de règle d’ordre public.

II – Le problème des libéralités entre concubins

Une libéralité est un acte juridique par lequel une personne procure à autrui un bien ou un droit sans contrepartie (réalisé à titre gratuit).
Exemple : une donation.

Si le concubinage est adultère, la libéralité consentie est-elle valable ou nulle ?
Principe : le concubinage, même adultère, n’entraîne pas à lui seul une incapacité à donner ou une incapacité à recevoir → ces libéralités ne sont donc pas nulles.

Avant, la jurisprudence classique considérait que la libéralité ainsi consentie était annulable s’il était prouvé qu’elle procédait d’une « cause immorale” (si la libéralité avait consisté à être une contrepartie à l’établissement de ces rapports immoraux).
C’est le résultat d’un revirement de jurisprudence portant sur la conception de la fidélité dans le mariage, illustré notamment par un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 16 décembre 2020 portant sur le courtage matrimonial en ligne.

Chapitre 3 : Les effets du mariage

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Le mariage produit de nombreux effets :
> l’alliance ;
> l’acquisition de la nationalité ;
> l’émancipation des mineurs ;
> création d’une vocation successorale ;
> etc.

À partir des articles 212 et suivants, la doctrine distingue des rapports personnels et pécuniaires.

I – Les rapports personnels

Les rapports personnels ne sont pas évaluables en argent.

Le mariage a 2 effets du point de vue personnel :

  1. Il constitue une atteinte à la liberté individuelle ; les personnes mariées sont moins libres que les personnes non mariées car le mariage crée des devoirs réciproques.
  1. Il crée une entité (le couple marié) qui intéresse autant les époux que la société.

Ces règles forment ce que l’on appelle le régime primaire (ou “régime impératif”) du mariage. Il s’agit d’un régime d’ordre public.
Il s’applique peu importe que les époux aient pu conclure un contrat de mariage avant la célébration du mariage et qui concerne la répartition de leurs biens.

A – La naissance de devoirs réciproques

Le chapitre 6 du Code civil s’intitule “Des devoirs et des droits respectifs des époux”.
Le législateur parle de “devoirs” et non “d’obligations”, parce que traditionnellement les obligations résultant du mariage ont aucune une connotation juridique que morale.

1) Le devoir de communauté de vie

L’article 215 al 1 du Code civil établit une obligation de communauté de vie.
Il s’agit d’une obligation concrète de matériellement vivre ensemble (communauté de toit et de lit).

Les époux peuvent en être dispensés par un juge préalablement au prononcé d’un divorce.

Puisqu’il s’agit d’une obligation, comment cette obligation est-elle exécutée si l’un ou l’autre ne lui satisfait pas ?
Une exécution forcée est-elle possible ?
Non. La communauté de vie est une obligation purement personnelle qui ne peut donc pas faire l’objet d’une exécution forcée en nature.
→ le juge ne peut pas contraindre un époux à retourner vivre avec l’autre

Cette obligation de vie commune doit aujourd’hui être replacée en perspective avec toute la législation développée dans les années 2010 sur la protection du conjoint contre la violence (droit pénal).

2) Le devoir de fidélité

Traditionnellement, l’obligation de fidélité trouve son fondement dans la nature familiale du mariage (les enfants d’une femme mariée sont supposés être les enfants de son mari).

Jusqu’en 1975, l’adultère était pénalement sanctionné ; aujourd’hui, ce n’est plus un délit pénal, ni une cause péremptoire de divorce.

Depuis une loi de 2001 visant à mettre en conformité le droit français avec le droit européen, l’enfant adultérin n’est plus discriminé.

La Cour de cassation a progressivement grignoté l’obligation de fidélité, avec une jurisprudence relative au caractère licite ou illicite du courtage matrimonial.
Idée : l’obligation de fidélité ne concerne que les rapports entre époux.

3) Le devoir d’assistance

Le devoir d’assistance est un devoir moral.
Les époux se doivent d’être là et de se soutenir dans les épreuves de la vie.

≠ devoir d’assistance financière

4) Le devoir de respect

Le devoir de respect a été ajouté à l’article 212 du Code civil par la loi du 4 avril 2006 destinée à lutter contre les violences conjugales et les mariages forcés.

Son contenu exact est difficile à déterminer.

B – L’unité du ménage

La loi traite le ménage comme une entité distincte de celle de chacun de ses membres.
Exemple : article 213 du Code civil : “Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille.”

1) Dans les rapports entre époux

L’article 213 du Code civil dispose que ce ménage est aujourd’hui égalitaire : il n’y a plus de chef de famille.
Idée : cette entité fait l’objet d’une codirection.

Le principe de codirection n’est pas pratique lorsque les époux ne s’entendent plus.

2) Dans les rapports avec des tiers

Le ménage affirme son existence vis-à-vis des tiers de 3 façons :

  1. Le mariage fait l’objet d’une publicité (il est transcrit dans les actes d’état civil) ;
  1. Chaque époux a la faculté de porter à titre d’usage le nom de son conjoint, en vertu de l’article 225-1 du Code civil (créé le 17 mai 2013).
    Après le divorce, chaque époux perd l’usage du nom de son conjoint.
  1. La résidence du ménage, “siège social de la famille”, est choisie d’un commun accord.

II – Les rapports pécuniaires

A – Les rapports alimentaires

1) Le devoir de secours

Le devoir de secours est énoncé à l’article 212 du Code civil.
Il s’agit de l’obligation, pour chaque époux, de fournir à son conjoint, si celui-ci est dans le besoin, ce qui lui est nécessaire pour vivre.

Application au mariage de l’obligation alimentaire.
”alimentaire” : on évoque ici des obligations portant sur des besoins / une nécessité, et non ce qui fait le confort.
Elle est dépendante des besoins du créancier et des ressources du débiteur (on ne peut être condamné à une obligation alimentaire qui si l’on n’est pas soi-même dans le besoin).

L’accomplissement du devoir de secours ne se distingue normalement pas de la participation des charges du ménage.
Il s’en distingue lors de la rupture de la vie conjugale.

Devoir de secours “à l’état pur” : au moment du décès d’un des époux, les héritiers de l’époux décédé doivent des aliments (= obligation alimentaire) à l’époux dans le besoin (= l’aider financièrement).

2) La contribution des époux aux charges du ménage

L’article 214 du Code civil établit une notion de contribution à la dette (question de la répartition de la dette entre les époux)
≠ notion d’obligation à la dette (question de savoir comment l’engagement des époux sera assumé vis-à-vis des tiers créanciers)

L’article 214 dispose que “si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du ménage […]”.
→ les articles 212 et suivants sont d’ordre public, mais l’article 214 est une exception : il peut être écarté par contrat

Cette disposition s’applique aux seuls époux mariés et ne s’applique pas aux concubins.

Elle s’applique tant que dure le mariage : la séparation de fait ne la fait pas disparaître.

Elle s’exécute par le versement d’une pension alimentaire.
⚠️ Pas au sens de l’obligation alimentaire : il s’agit ici d’une obligation qui porte sur autre chose que les stricts besoins, mais sur les besoins du foyer au quotidien.
⚠️ ≠ prestation compensatoire (somme d’argent versée par un époux à son ancien conjoint afin de compenser la chute de son niveau de vie qui s’est créée à la suite de leur divorce).

B – Les règles de gestion

1) La gestion ménagère

Idée : le droit du mariage déroge au droit commun des contrats.

💡
En droit commun, les codébiteurs sont solidaires à la dette (articles 1310 et suivants du Code civil), mais la solidarité ne se présume pas, elle doit être prévue au contrat.

En matière de mariage, la solidarité se présume.
Article 220 du Code civil : “toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement”.
→ le créancier peut demander l’entier paiement de la dette à l’un ou l’autre des débiteurs

Ainsi, chaque époux peut être poursuivi par un créancier sur son patrimoine personnel pour la totalité de la dette.
(il appartient au tiers contractant de prouver que la dette est une dette ménagère)

L’alinéa 2 de l’article 220 prévoit une exception pour les dépenses “manifestement excessives” → prend en compte le train de vie du ménage, l’utilité de l’opération et la bonne foi du tiers contractant

L’aliéna 3 de l’article 220 prévoit comme exception des opérations jugées dangereuses par le législateur : les emprunts et les achats à tempérament.
Pour les emprunts, il faut que les 2 époux aient consenti ; si ça n’est pas le cas, la solidarité est écartée, sauf si ces emprunts portent sur des sommes modestes nécessaires à la vie courante et que la totalité des montants ne soit pas excessif par rapport au train de vie du ménage.

2) Le logement

Le législateur a voulu protéger le cadre de vie de la famille, parce que c’est en général l’élément le plus important du patrimoine.

L’article 215 alinéa 3 énonce que les actes de disposition sur le logement familial et les meubles qui y sont attachés requièrent l’accord des 2 époux.
→ un époux ne peut pas effectuer seul un acte de disposition du logement ; s’il le fait, l’autre peut demander l’annulation de l’acte

La même protection du logement commun existe lorsqu’il s’agit d’un logement loué.
Ainsi, quel que soit le régime matrimonial des époux, sans préjudice de toute convention contraire, le bail est réputé indivis (appartenir à l’un et l’autre des époux), même s’il a été conclu avant le mariage.
(”réputé” : fiction juridique)
Si le bailleur donne congé à l’un des époux, celui-ci est inopposable à l’autre, qui peut alors rester.

Il s’agit d’une règle d’ordre public, qui est applicable également aux pacsés.

À noter

Ce cours n’examinera pas 2 points :

  1. Les présomptions de pouvoir, qui concernent les banques (article 221 du Code civil) et les biens meubles (article 222).
  1. Les mesures de crise, qui mettent en place des mécanismes pour que la vie de famille se poursuive alors même que la codirection ne peut pas être effectuée :
    1. la représentation juridique d’un époux par un autre (article 219) ;
    1. l’autorisation judiciaire (217).

Chapitre 2 : La nullité du mariage

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

La nullité du mariage est de nature judiciaire.
Elle détruit le lien matrimonial, tout en respectant l’indissolubilité du mariage à laquelle le divorce s’attaque.

Annuler un mariage revient à dire qu’il ne s’est pas formé.

Intérêt de la nullité : quand on est moralement contre le divorce.
On parle de “divorce des catholiques”.

Il s’agit d’une sanction civile (pas pénale ni administrative).
Elle résulte soit de l’absence, soit de l’imperfection de l’une des conditions requises pour la formation du lien.

I – Causes et fins de non-recevoir

A – Les causes

Les causes de l’annulation se conçoivent par hypothèse des faits de la formation du mariage.
≠ les causes du divorce ne se conçoivent qu’une fois le mariage formé

Autre distinction fondamentale :
Nullité relative : les faits à l’origine de la nullité protègent l’intérêt d’un des époux.

Nullité absolue : les faits à l’origine de la nullité portent atteinte à l’intérêt de la société ou à l’ordre public.

Liste des causes de nullité absolue :

  • Défaut d’âge nuptial
  • Défaut de consentement matrimonial
    et ce qui y est assimilé ; ex : mariage blanc (faux consentement)
  • Absence d’un époux lors de la célébration
  • Polygamie
  • Inceste
  • Défaut de célébration publique
  • Jusqu’à la loi du 17 mai 2013 : concordance des sexes

Liste des causes de nullité relative :

  • Vice de consentement (erreur et violence)
  • Mariage contracté par un mineur sans autorisation familiale

Il y a beaucoup plus de causes de nullité absolue.

Remarque : on pourrait hésiter sur le classement de la démence d’un des époux au moment de la célébration du mariage.
Cause de nullité absolue ? (assimilation au fait qu’il n’y ait pas consentement).
Mais l’ordre public n’a pas été atteint.

Le ministère public peut demander la nullité du mariage pour violence.

On pourrait avoir l’impression que les vices du consentement (erreur et violence, prévus par l’article 180 du Code civil) sont une cause de nullité absolue, mais il s’agit d’une cause de nullité relative, parce que tout intéressé ne peut pas demander la nullité du mariage pour ce motif.

B – Les fins de non-recevoir

On parle de fin de non-recevoir quand un plaideur invoque un argument qui a pour résultat que le juge n’examinera pas la demande au fond.
Le juge s’intéresse d’abord à si la demande est recevable, puis à si elle est bien fondée.

En matière d’actes juridiques (manifestation de volonté qui produit des effets de droit), les nullités relatives peuvent être couvertes par une confirmation, contrairement aux nullités absolues qui ne le peuvent pas.
→ en matière de nullité relative, le juge peut dire “non, cette demande n’est pas recevable” parce que la nullité a été réparée car la volonté des époux s’est exprimée autrement
→ les nullités relatives sont donc susceptibles d’être réparées

C – La prescription

La prescription est la consolidation d’une situation juridique par l’écoulement du temps.

Jusqu’au 17 juin 2008 (loi unifiant les délais de prescription), les nullités absolues se prescrivaient par 30 ans et les nullités relatives par 5 ans.

L’article 184 du Code civil est le siège des nullités absolues.
Il dispose qu’il existe un délai de 30 ans en matière de nullité absolue des mariages.

Idée : le mariage est une institution ; lorsqu’une des conditions de formation de celle-ci n’a pas été respectée et qu’elle touche à un élément fondamental du mariage, il faut pouvoir attaquer ce mariage pendant longtemps.

II – Procédure

Le droit commun des procès civils s’applique pour les actions en nullité d’un mariage.
Le tribunal judiciaire est compétent ; il statue collégialement.

Ne peut agir en nullité relative que l’époux qui est protégé par la cause de nullité en question (puisqu’elle est relative à sa personne).
→ l’époux dont le consentement a été vicié, trompé sur les qualités essentielles, violenté, mineur, etc.

Nullité absolue : la demande peut être formée par tout intéressé (article 184 du Code civil).
Même l’époux bigame peut attaquer le mariage !
Exemple : les parents, les créanciers, etc.

III – Effets de la nullité

A – La situation des enfants

La réforme de 1972 modifie l’article 202 du Code civil, en énonçant que peu importe que les époux aient été de bonne ou de mauvaise foi, le mariage produit ses effets à l’égard des enfants.
Cela signifie concrètement que le mariage n’est pas dissous à la racine → les enfants sont juridiquement parlant des enfants divorcés, on ne considère pas à leur égard que le mariage n’a pas eu lieu.

B – La situation des époux

Ici, le critère est celui de la bonne ou de la mauvaise foi.
Il existe 2 possibilités :
1- l’un peut avoir été de mauvaise foi
2- les deux peuvent avoir été de mauvaise foi

Si les 2 ont été de mauvaise foi, alors le mariage est annulé au sens plein.
annulation rétroactive du mariage
Non seulement il cesse de produire effet après l’annulation, mais les effets qu’il a pu produire avant le jugement d’annulation sont effacés.
Le mariage est considéré comme n’ayant produit aucun effet.

Si l’un ou les deux ont été de bonne foi, on applique la théorie du mariage putatif (= supposé).
Le mariage est annulé pour l’avenir, pas pour le passé.
Les effets qu’il a pu produire jusqu’au jugement d’annulation demeurent.

La bonne foi est présumée en droit (article 2274 du Code civil : “La bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver”).

Si un seul époux est de bonne foi, le droit ne maintient pas les effets antérieurs au bénéfice de l’époux de mauvaise foi.

Chapitre 1 : Les conditions du mariage

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Introduction à la notion de mariage

C’est à l’occasion de la loi de 1994 (sur la PMA) qu’on parle de “couple” et non plus de mariage.
À l’époque, le “couple” désigne un homme et une femme, qu’ils soient liés par un mariage ou non.

À partir du moment où l’on reconnaît le couple comme formé de personnes qui vivent ensemble, est-ce que la structuration même du droit de la famille (autrefois fondé sur le mariage) ne change pas ?

Aujourd’hui, le droit de la famille est devenu un droit des familles, structuré sur la notion de couple (et non plus de mariage).
Le couple (= relations entre 2 personnes qui se nouent dans la durée) naît, vit et meurt.

Le mariage n’est pas défini dans le Code civil, parce qu’à l’époque de sa rédaction, le mariage paraissait comme une évidence.
Il comporte néanmoins des dispositions qui nous donnent une définition technique du mariage :

  • Article 143 (depuis 2013) : le mariage peut être contracté par 2 personnes du même sexe ou de sexe différent.
  • Article 165 : détermine les formes par lesquelles vont être célébrées le mariage.
    Le mariage exige un minimum de formalité et de publicité → il est à la fois un contrat et une institution.
    ⚠️ Ne pas confondre “le mariage est un contrat” avec le contrat de mariage (pas la même chose !).

Mariage : acte par lequel 2 personnes s’engagent solennellement à vivre ensemble sans fixer de terme à leur union.

Les fiançailles sont une promesse de mariage.
L’idée des rédacteurs du Code civil de 1804 est juriciser les fiançailles le moins possible, pour préserver jusqu’au bout la liberté de mariage.
Idée : le mariage doit être vraiment libre.
Ils ont donc laissé les fiançailles dans le non-droit (elles ne sont pas réglementées par le droit).

Principe : les promesses de mariage ne sont pas un contrat (uniquement un contrat moral), donc elles ne sont pas juridiquement obligatoires.
→ cet accord ne peut pas faire l’objet d’une exécution forcée en nature, ni d’une exécution forcée par équivalent

Tempérament : la personne laissée de côté pourra recevoir des dommages et intérêts si la rupture a été fautive (Civ., 30 mai 1938).

La question des cadeaux des cadeaux dans les fiançailles :
Article 1088 : “Toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas”.
→ principe : les cadeaux doivent être restitués

Tempérament : les cadeaux d’usage sont conservés (définis à l’article 852 du Code civil dans un contexte successoral).
La bague de fiançailles a souvent de la valeur et peut avoir un caractère familial ; si c’est une bague familiale, elle revient dans la famille (considérée comme un prêt d’usage).

Le “vide juridique” n’existe pas ; il n’y a que des “vides législatifs”.


Il existe des conditions de forme et de fond en l’absence desquelles le mariage n’est pas valable.
La notion d’empêchement à mariage exprime cette idée.
Empêchement à mariage : obstacle qui affecte les personnes et qui se traduit par une défense qui leur est faite de se marier.
On distingue 2 types d’empêchements :

  1. L’empêchement dirimant est sanctionné par la nullité du mariage.
  1. L’empêchement prohibitif : si l’officier d’état civil le constate, il doit s’abstenir de célébrer le mariage ; mais si le mariage est célébré, il demeure valable.

On distingue 3 composantes du mariage : physiologique, psychologique et social.

I – La dimension physiologique (= corporelle)

Le mariage est un accord de volonté qui va avoir comme conséquence que des gens sont autorisés par la société à avoir des relations sexuelles et sont vivement encouragés à procréer.

La dimension sexuelle du mariage ne peut pas être mise en côté ; en 1804, l’élément physiologique était aussi important que l’élément de volonté.
Aujourd’hui, l’élément de volonté est + important.

A – La puberté

Avant, la limite était de 18 ans pour les garçons et de 15 ans pour les filles (le Code civil prenait ici en compte un élément strictement physiologique : quand peut-on procréer).

La loi du 4 avril 2006 procède à un alignement sous la pression du progrès de l’égalité hommes/femmes et de la lutte contre les mariages forcés.

Cette condition de puberté peut être levée “pour des motifs graves” (ex : grossesse) : article 145 du Code civil.

⚠️ Ne pas confondre âge nubile (= âge minimum pour se marier) et majorité matrimoniale (= âge à partir duquel les enfants mineurs peuvent se marier sans l’accord de leurs parents).

En 1804, la majorité matrimoniale était fixée à 25 ans pour les garçons et 20 ans pour les filles (avec âge nubile 18 et 15 ans).

La procréation n’est pas forcément au cœur du mariage : ce n’est pas une condition de validité du mariage.
On peut célébrer un mariage in extremis quand l’un des fiancés peut mourir rapidement (article 75 du Code civil).

La santé des époux n’est pas une condition de validité du mariage.
La loi du 20 décembre 2017 supprime le certificat prénuptial par lequel un médecin attestait de la bonne santé des époux.

B – La question de la différence des sexes

Jusqu’à la loi du 17 mai 2013, la différence des sexes était une condition de validité des mariages.
Pourtant, le Code civil n’a jamais dit ça explicitement.

2 interprétations s’opposaient : le législateur n’a pas dit que c’est une condition du mariage parce que :
1- ça n’en est pas une ; ou
2- c’est évident ?

Mais il y avait écrit “homme” et “femme” (ex : dispositions sur l’âge nubile).

1) Le mariage entre personnes du même sexe

La question se pose de + en + dans les années 1980.
L’épidémie du Sida engendre des situations très dures, où le statut du compagnon survivant qui perdait tous ses droits se pose.

Les juges se posaient la question, quand ils étaient face à des demandes de personnes du même sexe vivant ensemble depuis plus de 30 ans, de maintenir l’aide au logement.
→ raisonnement par analogie : ces gens qui ont vécu en concubinage ont vécu comme des gens mariés ?

La loi du 15 novembre 1999 sur le pacs crée une union civile, à mi-chemin entre le concubinage et le mariage.
Mais le pacs n’a pas la même dimension que le mariage et ne crée pas de liens familiaux, donc le problème subsiste.

En 2013, loi portée par Mme Taubira.
Modifie notamment l’article 143 du Code civil : “Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe.”
Article 6-1 du Code civil : permet aux époux d’adopter. Disposition modifiée par la loi du 12 août 2021 qui a ouvert l’assistance médicale à la procréation aux personnes de même sexe.

2) Le mariage transsexuel

Le mot transsexualisme, qui désigne le fait de passer d’un sexe à un autre, est aujourd’hui critiqué.
Le terme transsexuel est employé dans ce cours car c’est celui que les juges utilisent dans leurs arrêts.

⚠️ Il ne faut pas confondre le transsexualisme avec l’intersexuation (enfants intersexes / hermaphrodites).

Question qui pouvait se poser jusqu’à la loi du 17 mai 2013 : une personne ayant juridiquement changé de sexe peut-elle se marier avec une personne du sexe opposé juridiquement ? (un homme devenu femme peut-il se marier avec une femme ?)

Juridiquement, rien ne semble s’y opposer, puisqu’ils sont de sexe différent.
Mais la modification du sexe à l’état civil n’est pas rétroactive – le jugement par lequel l’acte d’état civil est modifié est constitutif d’un nouvel état (il crée une nouvelle situation juridique).

Arrêt de la CEDH du 25 mars 1992
La CEDH considère que la législation française qui a refusé le changement de sexe à l’état civil n’était pas conforme aux articles 8 et 12 de la Convention EDH.

Arrêt de la CEDH du 11 juillet 2002 (Goodwin v UK)
La CEDH condamne le Royaume-Uni en estimant que le fait que son droit national retienne, pour le mariage, le sexe enregistré à la naissance, constituait une limitation portant atteinte à la substance même du droit de se marier.

Cette question ne se pose plus en France depuis 2013. Peu importe que le jugement soit considéré comme constitutif ou déclaratif, il n’y a plus d’enjeu juridique.

II – La dimension psychologique

Le mariage nécessite la volonté libre des époux.
Article 146 du Code civil :

Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.

Le texte utilise une formulation négative pour exprimer l’importance de cette condition psychologique.
Celle-ci est également illustrée par le fait que le mariage posthume est possible (article 171 du Code civil) ; de même pour le mariage in extremis.

A – La volonté des futurs époux

Article 75 du Code civil, qui décrit les formalités du mariage : “[l’officier d’état civil] recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux”.
Il faut non seulement que cette volonté existe, mais aussi qu’elle soit intègre.

1) L’existence d’une volonté

a) La question de l’altération des facultés mentales

On distingue :

  1. Le mariage des personnes qui sont atteintes d’une altération des facultés mentales les empêchant de consentir aux actes juridiques ;
  1. Le mariage entre personnes qui ont des mesures de protection (assistées ou représentées).

Depuis la loi du 23 mars 2019, la personne sous tutelle peut se marier librement : la liberté matrimoniale prévaut. Elle doit seulement informer son tuteur de son projet de mariage.

S’il s’avère qu’une personne en épouse une autre et que cette autre personne est atteinte au moment de la célébration du mariage d’une altération de ses facultés mentales, le mariage pourra être annulé (article 184 du Code civil ; nullité absolue) car l’expression de la volonté est considérée comme “fictive”.
C’est à la personne qui attaque ce mariage de prouver que l’autre personne était atteinte d’une altération de ses facultés mentales.

b) La question de l’absence de volonté matrimoniale réelle

Mariages dits “blancs”, “simulés”, “fictifs” : hypothèse dans laquelle les époux ont consenti à la célébration du mariage mais sans réelle intention matrimoniale.
Le droit civil analyse cette situation en disant que “la volonté des époux se posait sur des effets du mariage qui sont accessoires au mariage”.

Volonté sur des effets accessoires = volonté nulle = mariage nul.

Arrêt Appietto, Civ. 1, 20 novembre 1963 :
2 personnes avaient eu un enfant hors mariage et le futur père avait consenti au mariage sous la pression des familles afin d’éviter le “scandale de la bâtardise”.
La Cour de cassation refuse d’annuler le mariage au motif que le but recherché n’est pas étranger à l’union matrimoniale.

Depuis 1963, principe :

  • Lorsque les époux sont mariés dans l’unique but d’atteindre un résultat accessoire au mariage, le mariage est nul faute de consentement requis à l’article 146 du Code civil.
  • Lorsque les époux cherchent à atteindre au moins un des buts inhérents au mariage, ce dernier reste valable.

Comment faire la différence entre les buts inhérents et accessoires du mariage ?
Pas de réponse claire ; il faut prendre en compte l’évolution de la conception de l’institution matrimoniale dans une société donnée.
Aujourd’hui, la jurisprudence tend à considérer que ce qui est essentiel est la volonté de vivre ensemble.

Affaire Talere, Civ. 1, 17 novembre 1981 :
Deux personnes s’étaient mariées, puis ont divorcé dans l’unique but de se remarier sous l’empire de lois plus favorables qui permettaient au mari d’acquérir la nationalité française.
Cour de cassation : le divorce et le remariage demeurent valables, mais le 2nd mariage n’a pas pu valablement produire l’effet recherché, à savoir l’acquisition de la nationalité.

Depuis 1993 : lutte contre les mariages blancs.
L’article 175-2 du Code civil octroie des pouvoirs au procureur de la République et à l’officier d’état civil pour détecter d’éventuels mariages blancs.

L’officier d’état civil doit éventuellement auditionner les personnes (article 63 al 2 du Code civil) et les époux doivent mentionner leurs témoins avant le mariage (article 63 al 1).

Le fait que l’acquisition de la nationalité française soit un effet du mariage est prévu par l’article 21-2 du Code civil.

Civ. 1, 10 février 2021, 19-50.027 :
Une personne qui s’est mariée avec une femme mais qui avait maintenu une relation adultère avec une autre personne avec laquelle il avait eu 2 enfants dans un autre pays pendant plusieurs années.
Y a-t-il une communauté de vie entre les époux ?
La cour d’appel a considéré souverainement qu’il n’y avait pas de communauté de vie affective des époux, donc fraude est caractérisée, donc le mariage ne peut pas produire l’effet acquisitif de nationalité. La Cour de cassation confirme.

2) L’intégrité de la volonté

On dit que la volonté des futurs époux doit être exemptée de vices.
→ ce n’est pas le défaut de consentement qui est examiné, mais le vice de consentement

En matière de mariage, 2 vices sont possibles : la violence et l’erreur.

a) La violence

L’article 180 al 1 du Code civil évoque “l’exercice d’une contrainte” : on parle ici aussi d’une violence morale.

“y compris par crainte révérencielle envers un ascendant” (contrainte morale) → loi de 2006 destinée à lutter contre les mariages forcés, qui a uniformisé l’âge au mariage et ajouté cette phrase.

b) L’erreur

L’article 180 al 2 du Code civil dispose que “S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage.”

On parle “d’erreur sur les qualités essentielles”.
Au 19ème siècle, uniquement si l’erreur porte sur la personne, c’est-à-dire son identité.
Pouvait également être plus large et porter sur l’appartenance familiale.

Arrêt Berthon, chambres réunies, 24 avril 1862 :
La Cour de cassation, face à des demandes d’annulation de mariage pour cause d’erreur sur l’identité de la personne, affirme que “la nullité reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions [sociales] ou des qualités [professionnelles] de la personne, sur des flétrissures qu’elle aurait subi [= condamnations]”.
→ l’erreur ne peut porter que sur l’identité civile de la personne

Rapidement, les juges du fond n’ont pas respecté la décision de l’arrêt Berthon.
Développement d’une jurisprudence libérale, consacrée par la loi du 11 juillet 1975 (portant sur le divorce), qui ajoute “ou sur des qualités essentielles de la personne”.

La jurisprudence considère que, pour être essentielle, la qualité doit être d’une telle importance qu’elle aurait dissuadé l’époux de se marier.
Les juges considèrent que cette qualité doit être “sociologiquement déterminante”, ce qui signifie que, dans la société considérée, cette qualité doit être considérée comme objectivement déterminante pour le mariage.

Jugement du TGI de Paris, 13 février 2001 :
En l’espèce, la femme était une prostituée ; le mari affirme que, s’il l’avait su, il ne l’aurait pas épousée ; les juges annulent le mariage.

Jugement du TGI de Lille du 1er avril 2008 :
Deux personnes se sont mariées et l’époux a demandé la nullité du mariage car la femme n’était pas vierge, mais son époux ne le savait pas au moment du mariage.
Le TGI retient la nullité pour erreur sur la virginité de l’épouse (= retient que c’est bien une qualité essentielle).
La cour d’appel de Douai infirme le jugement : “le mensonge qui ne porte pas sur une qualité essentielle n’est pas un fondement valide pour l’annulation d’un mariage”.

B – La volonté des familles

Ce point était historiquement très important, le mariage étant également une affaire de lignage.
Cette volonté se manifeste de manière directe et indirecte.

1) Manière directe

L’expression directe de la volonté des familles repose sur la question du mariage des mineurs.
Exercice de l’autorité parentale.

Un mineur pourrait obtenir une dispense de mariage, mais il a quand même besoin de l’autorisation de ses représentants légaux pour se marier.

Article 148 du Code civil : “Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement.”

2) Manière indirecte

L’opposition indirecte se manifeste par l’opposition de droit des parents au mariage.

Une opposition à un mariage est un acte juridique par lequel une personne qualifiée signifie à l’officier d’état civil qu’il existe une cause de nullité et/ou un empêchement prohibitif concernant l’union projetée. Par cette opposition, la personne qui la forme défend à l’officier de procéder à la célébration.

L’officier d’état civil a l’obligation de surseoir à statuer (reporter) tant que les futurs époux n’ont pas obtenu la “mainlevée de l’opposition” par le biais d’un jugement.

Peuvent agir (articles 172 et suivants) :
> les ascendants : pour toute cause d’annulation ;
> certains collatéraux, le conjoint, le tuteur : pour des causes déterminées ;
> le ministère public : dans les cas où il pourrait demander la nullité du mariage.

III – La composante sociologique

A – Les interdits matrimoniaux

1) L’interdiction de la polygamie

Le droit français n’admet pas qu’une personne puisse être engagée dans plusieurs liens matrimoniaux à la fois (article 147 du Code civil).

Cette règle est si importante qu’elle est sanctionnée pénalement (1 an d’emprisonnement et 45 000€ d’amende) : article 433-20 du Code pénal.

L’arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 10 février 2021 (voir plus haut) combine 2 questions : celle de la bigamie et celle de l’intention matrimoniale.
La Cour de cassation répond que ça n’est pas possible.

2) L’interdiction de l’inceste

Selon les anthropologues, l’inceste semble faire l’objet d’un tabou universel.
Le droit civil cultive cette idée depuis longtemps, sans pour autant employer le mot “inceste” (qui figure depuis peu dans le droit pénal).

Article 161 du Code civil : “En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne.”
S’applique également aux liens d’alliance en ligne directe → une personne ne peut pas se marier avec le conjoint de l’un de ses ascendants ou descendants.

Article 162 : “En ligne collatérale, le mariage est prohibé […] entre frères et entre sœurs.”
Depuis 1975, le mariage n’est plus prohibé entre alliés en ligne collatérale (beau-frère / belle-sœur).

Article 163 : prohibé entre l’oncle / la tante et le neveu / la nièce.

La prohibition du mariage entre alliés en ligne directe peut être levée par le Président de la République lorsque “la personne qui a créé l’alliance est décédée” (article 164).

⚠️ Remarques :

  • Pour les empêchements à mariage, on ne prend jamais en compte les liens de concubinage.
  • L’interdiction du mariage ne concerne pas les alliés en ligne collatérale (je peux épouser ma tante par alliance).
  • La prohibition de l’inceste a aussi des effets en matière de filiation ; un enfant incestueux sera juridiquement l’enfant d’un seul de ses parents biologiques.
  • La Cour de cassation fait généralement des interprétations in concreto : dans son appréciation de la conformité de l’arrêt d’appel face à la règle de droit, elle se livre à un examen concret des faits et de la proportionnalité entre la règle de droit et les faits qu’elle aura examiné.
  • Fragilisation de l’interdit de l’inceste entre alliés en ligne directe ?

3) La preuve du mariage

Le mariage est soumis à la publication du projet de mariage (articles 63 et 64 du Code civil).
→ on parle de “publication des bans”

Depuis la loi du 26 novembre 2003, une audition commune est exigée pour éviter les mariages blancs.
Le rituel de la cérémonie est fixé à l’article 75 du Code civil.

Pour les époux, on parle de “preuve préconstituée”.
Articles 174 et 175 du Code civil : l’acte de mariage signé fait foi du mariage.

Il peut s’avérer que des enfants aient besoin de prouver le mariage de leurs parents mais qu’ils n’aient pas accès à l’acte de mariage.
Ils peuvent alors recourir à la possession d’état.

Notion de possession d’état

Possession d’état : situation apparente d’une personne, dont la façon dont elle est traitée (tractatus), sa réputation (fama) et la façon dont elle est nommée (nomen) attestent de composantes de son état civil.

Lorsqu’une personne peut démontrer un certain nombre de faits qui vont à l’appui de sa revendication, le droit se contente de cette démonstration de fait.

L’article 61-5 du Code civil applique au changement de sexe la théorie dite de la possession d’état.

Fiche d’arrêt : Civ. 1, 1er décembre 2021, n°20-17.892

Auteur : Alexandre Lefebvre


a.- Présentation de l’arrêt

La décision étudiée est un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 1er décembre 2021 (numéro de pourvoi est le n° 20-17.892). Cet arrêt rappelle l’exigence d’impartialité auquel sont tenues toutes les juridictions pour assurer l’égalité entre les parties.

b.- Faits

Un couple s’est marié. Un des époux a décidé de divorcer et a saisi le juge.

c.- Procédure et solution des juridictions du fond

  • Un jugement a prononcé le divorce.
  • Un appel a été formé contre ce jugement.
  • Par arrêt du 7 juillet 2020, la Cour d’Appel de Pau a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux et l’a condamné à payer à son ex-épouse la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts 
  • L’époux a formé un pourvoi en cassation contre cette décision de la Cour d’appel. 

d.- Argumentations en présence

-L’époux, demandeur au pourvoi, considère que les juges de la Cour d’appel ont porté une appréciation sur ses arguments en les qualifiant « fatras de développement ou encore d’ “excessivement non synthétiques et inutilement répétitives” et n’ont donc pas été impartiaux.

Le demandeur au pourvoi estime en effet que le fait d’exposer les moyens et prétentions des parties selon des modalités différentes est de nature à faire peser un doute légitime sur l’impartialité de la Cour d’appel, ce qui est incompatible avec l’exigence d’impartialité prévue à l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

-La Cour d’appel, dont l’arrêt est cassé, a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux et l’a condamné à payer des dommages et intérêts à son ex-femme. Dans son arrêt, la Cour d’appel avait précisé que « l’appelant, de manière très confuse, formule plusieurs griefs à l’encontre de l’épouse », relevé le « le fatras de développement de l’appelant » au sujet du comportement de son épouse et avait visé les dernières conclusions de Mme [L] du 3 janvier 2020 sans émettre de commentaire sur celles-ci. 

e.- Problème de droit posé à la Cour de cassation

En commentant la façon dont sont présentés les arguments du demandeur au pourvoi sans rien dire de tel des arguments du défendeur, une cour d’appel fait-elle peser un doute légitime sur son impartialité et, par voie de conséquence, viole-telle l’article 6 §1 Conv EDH ?  

f.- Solution de la Cour de cassation  

Cassation : Oui

La Cour de cassation considère que le fait d’exposer les moyens et prétentions selon des modalités différentes est de nature à faire peser un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction.

Les juges du fond ne doivent pas porter une appréciation liée au comportement procédural d’une partie sous peine de créer un doute sur l’impartialité de la juridiction.  

g.- Portée de l’arrêt

L’exigence d’impartialité à laquelle sont soumises les juridictions a pour conséquence que la juridiction est tenue d’exposer de manière identique les moyens et prétentions de chaque partie.

Commentaire d’arrêt complet : Civ. 1, 27 janvier 2021, n°19-26.140

Commentaire issu du cours de droit de la famille de Florence Bellivier.
Cliquer ici pour afficher l’arrêt commenté.


Lors de la création du pacte civil de solidarité (PACS) en 1999, Jean Carbonnier avait affirmé : « Si le Parlement et même le gouvernement s’étaient donné le temps de réfléchir, ils se seraient vraisemblablement abstenus ». Ce jugement s!appuyait notamment sur les faiblesses techniques du texte. Les défauts de 1999, notamment concernant le régime du PACS, ont été corrigés par la loi du 23 juin 2006. Ces modifications sont substantielles et rapprochent considérablement le PACS du mariage. L’arrêt en date du 27 janvier 2021 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation souligne l’évolution de la nature du PACS, et plus précisément porte sur le devoir d’aide matérielle entre partenaires. 

En l’espèce, deux personnes vivant en couple acquièrent en indivision un bien immobilier leur servant de résidence principale le 6 septembre 2003. Afin de financer cet achat, deux prêts immobiliers sont souscrits. Le 26 septembre 2003, ces deux personnes concluent un pacte civil de solidarité́, dissous le 8 mars 2023. 

 Le 12 mai 2016, la femme assigne son ex-partenaire devant le juge aux affaires familiales pour que soit ordonné le partage de l’indivision consécutif à la dissolution du pacte civil de solidarité. L!homme, dont les revenus étaient bien supérieurs à ceux de sa compagne, a assumé seul le règlement des échéances des prêts contractés en commun pour l’acquisition du bien indivis. Face aux juges du fond, il revendique en conséquence une créance contre l’indivision. La décision rendue en première instance n’est pas connue. Par un arrêt en date du 24 octobre 2019, la Cour d’appel d’Angers rejette la demande de l’ex-pacsé. Les juges d’appel retiennent que les paiements effectués par lui, pendant la durée du PACS, l’ont été en proportion de ses facultés contributives, au titre de l’aide matérielle réciproque à laquelle les ex-partenaires étaient tenus  dans le cadre de leur PACS. 

 Au soutien de son pourvoi, l’ex-partenaire allègue la violation des articles 515-4 et 1134 (devenu art. 1103) du code civil. Il estime en effet que les juges n’ont pas retenu une clef de répartition des charges qui tienne compte des facultés respectives des partenaires puisqu’il est le seul à avoir assumé le remboursement des emprunts en raison de l’insuffisance des revenus de sa compagne, qui n’était pas en mesure de contribuer à hauteur de sa part dans l’indivision. En outre, il reproche aux juges du fait d’avoir inversé la charge de la preuve. En effet, les règles de l’indivision font présumer une participation des indivisaires aux charges de l’indivision à hauteur de leurs parts, soit, au cas présent, pour moitié chacun. La question de la charge de la preuve ne sera pas évoquée dans les développements du commentaire car cela ne revêt pas la question principale soulevée dans le cadre de notre séance.

 La question à laquelle doit répondre la Cour de cassation est donc la suivante : un expartenaire à un pacte civil de solidarité peut-il prétendre à une créance contre son ex-partenaire au motif qu’il a intégralement remboursé les prêts ayant servi à financer l!acquisition du logement indivis ? 

Par un arrêt du 27 janvier 2021, la première chambre civile de Cour de cassation rejette le pourvoi au visa de l’article 515-4 du code civil au motif que les partenaires s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproque selon leurs facultés respectives, dès lors qu’ils n’en ont pas autrement convenu. La Haute juridiction considère que les juges du fond ont souverainement estimé que les paiements effectués par l’ex-partenaire étaient proportionnels à ses facultés contributives et participaient de l’exécution de l’aide matérielle entre partenaires, ce qui ne permettait pas le remboursement des sommes versées. 

 Au-delà du rappel du devoir d’aide matérielle réciproque incombant aux partenaires de Pacs (I), la première chambre civile de la Cour de cassation vient étendre sa jurisprudence relative à la protection du logement des époux aux pacsés (II).

I. Le rappel du devoir d’aide matérielle réciproque entre les partenaires pacsés

Par cet arrêt, la Haute juridiction judiciaire rappelle la notion d’aide matérielle réciproque incombant aux partenaires pacsés (A) qui, à défaut d’aménagement conventionnel, doit être appréciée proportionnellement aux facultés respectives du couple (B).

A – La notion d’aide matérielle réciproque, un devoir lié à une communauté matérielle des partenaires

 Le pacte civil de solidarité, introduit par la loi du 15 novembre 1999, est défini par l’article 515-1 du Code civil comme le « contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». L’originalité de la loi de 1999 est, audelà de l’ouverture d’un statut juridique pour les couples homosexuels, d’avoir créé un cadre général à tous les couples et alternatif au mariage. Ce statut permet aux partenaires de convenir d’un cadre pour régler leur communauté de vie tant affective que matérielle. 

 Ainsi, dans cet arrêt du 27 janvier 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que les partenaires de PACS sont soumis au devoir d’aide matérielle réciproque. L’article 515-4 alinéa 1er du code civil dispose en effet que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives ». Cette notion désignait, dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 1999, une aide mutuelle et matérielle. La loi du 23 juin 2006 a modifié l’article 515-4 en caractérisant désormais les caractères de la communauté de vie, notamment par le prisme de l’aide matérielle et de l’assistance réciproques. 

 Les partenaires de PACS sont ainsi soumis, à l’instar des époux, à une contribution réciproque. En effet, l’article 515-4 du code civil doit être mis en parallèle avec l’article 214 du même code relatif à la contribution réciproque aux charges du marge. Ce devoir patrimonial de solidarité financière est apprécié, dans les deux cas, en fonction des facultés respectives des partenaires.

B – L’application de la proportionnalité à défaut d’aménagement conventionnel

 L’originalité du PACS repose sur sa nature contractuelle. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°99-419 DC en date du 9 novembre 1999, rappelle que ce statut juridique est avant tout un contact. Il est considéré que « les dispositions générales du code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s’appliquer, sous le contrôle du juge » (Considérant 28). 

La nature contractuelle du PACS a des conséquences sur le devoir d’aide matérielle imposé aux partenaires. En comparaison avec la contribution aux charges du mariage, où l’article 214 du Code civil énonce que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives », les pacsés ont également le choix concernant les modalités d’application de l’aide matérielle. 

 Les partenaires peuvent ainsi aménager conventionnellement la répartition financière allouée à l’aide matérielle. Ils peuvent ainsi insérer des clauses dans leur convention pour contenir le risque lié à l’inclusion du paiement de l’emprunt dans l’aide matérielle. Un type de clauses peut être envisagé pour cadrer le périmètre de l’aide matérielle. Il s’agit de clauses extensives, visant à inclure l’apport en capital des ressources personnelles. Toutefois les clauses limitatives, ayant pour objet d’écarter totalement ou partiellement le remboursement du logement familial, pour reprendre les faits d’espèce sont prohibées par la jurisprudence. En effet, le Conseil constitutionnel invoque le caractère obligatoire de l’aide matérielle, qu’il analyse comme « un devoir entre partenaires de PACS » (CC, DC 9 novembre 1999). 

 A défaut de clause, ce montant sera proportionnel à leurs facultés respectives. L’arrêt du 27 janvier 2021 rappelle les conséquences de l’absence d’aménagement conventionnel et reprend l’appréciation in concreto des juges du fond sur les facultés respectives des partenaires. En l’espèce, la cour d’appel d’Angers a constaté que l’ancienne partenaire, qui réclamait le partage des biens en indivision après la dissolution du PACS, bénéficiait de revenus « notoirement insuffisants pour faire face à la moitié du règlement des échéances des emprunts immobiliers ». Les juges du fond ont également comparé sa situation financière à celle de son ancien partenaire qui percevait des revenus « quatre à cinq fois supérieurs ». Dès lors, la forte inégalité de ressources justifie, selon l’appréciation souveraine des juges d’appel approuvée par la Cour de cassation (« en a exactement déduit »), que le remboursement du prêt immobilier à l’époque du PACS ait été intégralement assumé par le partenaire, en vertu du devoir d’aide matérielle réciproque. 

 Au-delà du rappel des conditions relatives à l’aide matérielle, la Haute juridiction judiciaire va se servir de cette occasion pour étendre la protection du logement des partenaires de PACS.

II. L’illustration d’une volonté de protection du logement du couple

 Par cet arrêt, la première chambre civile rend une décision qui a pour but de neutraliser les créances afférentes au logement pour les partenaires dans le cadre d’un PACS (A). Cette jurisprudence met en évidence la primauté de l!aide matérielle sur les règles de droit commun de l!indivision (B).

A. La neutralisation des créances afférentes au logement pour les partenaires de PACS

 Le second apport de l’arrêt réside dans l’extension au PACS de la neutralisation des créances relatives au logement du couple. En effet, la jurisprudence est constante sur cette question pour les époux séparés. A plusieurs reprises, la Cour de cassation est venue rejeter la notion de créance pour les financements liés au domicile du couple (Civ. 1ère, 14 mars 2006, 15 mai 2013, 24 sept. 2014, 1er avril 2015). Par un arrêt du 15 mai 2013, la première chambre civile avait déjà considéré « qu’après avoir relevé, par motifs adoptés, que l’immeuble indivis constituait le logement de la famille, la cour d’appel a pu décider que le paiement des dépenses afférentes à l’acquisition et à l’aménagement de ce bien participait de l’exécution par le mari de son obligation de contribuer aux charges du mariage ». Il semblerait qu’encore une fois, la Cour de cassation étend la notion de contribution aux charges du mariage à l’aide matérielle des partenaires de PACS sur laquelle s’appuie l’arrêt du 27 janvier 2021. 

Par ailleurs, la Cour de cassation s’est déjà positionnée en ce sens concernant le domicile des concubins. Par un arrêt du 13 janvier 2016 (Cass., 1ère civ, 13 janv. 2016, n°14-29.746) la première chambre de la Haute juridiction avait rejeté la prétention d’un concubin qui avait financé l’acquisition de la résidence principale au-delà de sa quotité de propriété, en relevant que sa sur-participation dans le financement constituait seulement une modalité de sa contribution aux dépenses de la vie courante. En effet, les juges du fond, après avoir constaté le caractère spécifique du bien immobilier, constituant « le logement du couple et de leur enfant en commun », avait relevé qu’au cours de leur vie commune, les concubins avaient consenti à un partage des charges, l’un remboursant certaines dépenses, comme le remboursement de l’emprunt immobilier, et l’autre s’acquittant d’autres frais tels que les frais de la vie quotidienne comme la nourriture et l’habillement. 

 Dès lors, semble se dessiner un mouvement d’uniformisation de l!acquisition en indivision par les couples : qu!ils soient mariés sous le régime de la séparation de biens, partenaires de PACS, ou simplement concubins, les acquéreurs indivis ne sauraient automatiquement bénéficier d’une créance de l’article 815-13 du Code civil dans le cadre des opérations de liquidation-partage, au seul motif qu’ils ont participé financièrement à l’acquisition au-delà de leur quotité de propriété.

Se dégage de cette jurisprudence, innovante pour les partenaires de PACS, une protection générale du logement du couple face aux règles du droit commun.

B. La primauté de l’aide matérielle sur les règles de droit commun de l’indivision

 L’arrêt du 27 janvier 2021 rappelle ainsi qu’en l’absence d’aménagement conventionnel de l’aide matérielle, l’appréciation de celle-ci se fait proportionnellement aux facultés respectives des partenaires. Cette appréciation relève de l’interprétation souveraine des juges du fond. 

En l’espèce, les juges du fond relève qu’en absence d’éléments de preuve contraires apportés par le requérant, la différence de faculté de contribution des partenaires dans le cadre du PACS induit « qu’il a existé une volonté commune d’indivision régissant le PACS conclu le 26 septembre 2003 ». 

 En affirmant que les créances afférentes au logement relèvent de l’aide matérielle dans le cadre du PACS, la Cour de cassation explique que les règles de l’indivision seront évincées par les règles de l!aide mutuelle et matérielle. L’article 515-5 du code Civil dispose que sauf convention contraire, les partenaires « conservent l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ». En l’espèce, l’acquisition du bien immobilier ne relevait pas de la caractéristique d’un bien personnelet se retrouve donc dans le régime de de l’indivision. L’indivision désigne la situation dans laquelle se trouvent des biens sur lesquels s’exercent des droits de même nature appartenant à plusieurs personnes.  

 Avant la modification de l’article par la loi du 23 juin 2006, il existe une présomption d’indivision dans le cadre du PACS- « à défaut, ces meubles sont présumés indivis par moitié ». Dès lors, le législateur de 2006 a laissé aux partenaires pacsés le choix entre deux « régimes matrimoniaux »,  c’est à dire le régime de séparation de biens ou le régime conventionnel d’indivision des acquêts. Le renvoi opéré par l’article 515-5-3 du Code civil aux articles 1873-1 et suivants du Code permet aux partenaires de conclure des conventions relatives à l’exercice de leurs droits indivis, et ce, sauf dispositions contraires, pour la durée du pacte civil de solidarité. Néanmoins par cet arrêt, les juges de la Cour de cassation indiquent que les financements liés au logement, même indivis, participent à l’aide matérielle et ne sont pas assimilables à des créances. Ils ne seront dès lors pas soumis aux règles de droit commun de l’indivision. 

 Au-delà de la question de l’appréciation du financement d’un logement individu de partenaires de PACS, il s’agit dans cet arrêt de mettre en exergue la nécessaire protection du couple, sous ses trois formes d’union possibles. Le renforcement institutionnel du pacte civil de solidarité, par le biais du législateur mais aussi de la jurisprudence, vient illustrer ce rapprochement des effets du mariage avec la situation des époux séparés de biens où il avait également été reconnu par la jurisprudence que le financement de l’acquisition d’un bien indivis par un époux séparé de biens pouvait être une modalité de sa contribution aux charges du mariage.

Commentaire d’affirmation : « Le concubinage est une situation de fait emportant des effets de droit »

Auteur : Alexandre Lefebvre.


Le couple n’est pas à proprement parler défini par la loi. Longtemps, le couple n’a été appréhendé que par le biais du mariage. Effectivement, avant 1999, le mariage était la seule forme de couple reconnue par le droit civil (le droit social, lui, ainsi que le droit de la santé publique connaissaient le concubinage). Le pacs n’était pas encore né, et le concubinage n’était pas une catégorie juridique. Bonaparte disait d’ailleurs « Les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d’eux ». 

 Même si la loi du 15 novembre 1999 a défini le concubinage (art. 515-8 CC), celui-ci ne bénéficie pas d’un statut juridique du concubinage. C’est pourquoi la doctrine oppose la situation de fait que constitue le concubinage et les deux situations de droit que sont le mariage et le Pacs. L’article 515-8 du code civil précise que le concubinage est une « union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Le concubinage est constitué d’une communauté de vie comme dans toute vie de couple, il doit y avoir un minimum de partage c’està-dire une communauté matérielle et affective. La communauté de vie comprend également la communauté de lit. Le concubinage est également constitué d’un caractère de stabilité et de continuité. En effet, le « concubinage notoire » sous-entend une communauté de vie et d’intérêts et suppose une relation stable hors mariage, comme connue des tiers[1] .

Sans donner au concubinage un statut juridique, la loi et la jurisprudence sont intervenues progressivement pour prendre en compte les conséquences de cette forme de conjugalité. Outre la loi du 15 novembre 1999 que nous avons mentionnée, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale et l’ordonnance du 4 juillet 2005 ont achevé de supprimer les distinctions entre la famille que l’on qualifiait de « naturelle » et celle que l’on appelait « légitime ».  Enfin, les lois du 4 avril 2006 et du 9 juillet 2010 entraînent une aggravation des peines pour les violences commises au sein d’un couple, y compris par un concubin ou un ancien concubin pour la première, puis un renforcement des mesures pouvant être prises par le juge en cas de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire ou concubin pour la seconde loi.

Par conséquent, le concubinage reste une  une situation de fait qui emporte de plus en plus d’effets de droit. 

I  – Le concubinage une situation de fait : le principe d’autonomie des concubins

Plusieurs éléments permettent d’affirmer que le concubinage est une situation de fait n’ayant pas de conséquences en droit :

  • Les devoirs civils du mariage rejetés 

Le concubinage est caractérisé par un rejet des devoirs civils du mariage. 

En effet, le certificat de concubinage n’a pas d’effet de droit. Enfin, la réparation d’un préjudice est possible uniquement sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Le concubinage ne crée pas de lien avec la famille de l’autre donc il n’y a pas d’obligation alimentaire envers les parents ou les enfants de l’autre. La présomption de paternité des enfants n’existe pas. Les devoirs mutuels que le mariage crée ne s’appliquent pas, notamment le devoir de fidélité. 

Par conséquence, il est possible parler de l’indépendance personnelle des concubins.

  • L’absence de solidarité ménagère et de contribution aux charges du mariage

Plusieurs arrêts attestent que les concubins ne sont pas soumis aux articles 214 et 220 du code civil.

Chaque concubin doit supporter les frais qu’il a exposés sans recours contre l’autre, sauf toutefois accord contraire entre eux par exemple le loyer sauf si le bail a été souscrit aux deux noms. Il est possible d’évoquer plusieurs décisions évoquant qu’il n’y a pas de contributions aux charges de la vie commune[2][3] [4]. En réalité, ni l’article 214 ni l’article 220 n’ont leur équivalent en matière de concubinage. 

Remarque : 

L’arrêt Civ 1er, 17 octobre 2000 pose le principe selon lequel il n’y a pas de contribution aux charges de la vie commune dans le concubinage imposé par le législateur, mais que les concubins restent toujours libres de prévoir, par convention une telle contribution, laquelle prendra les formes et la répartition qu’ils souhaitent. Or justement, le pourvoi de l’arrêt Civ 1er 28 juin 2005 tente de démontrer la présence d’une telle convention réglant la contribution aux charges de la vie commune. Effectivement il cherche à montrer que l’engagement de l’un des concubins à assumer une quote-part des dépenses afférant à la vie commune doit être interprété comme une convention organisant une contribution aux charges de la vie commune. 

  • La rupture du concubinage : l’unique faute civile possible

La rupture du concubinage entraine uniquement une faute possible sur le fondement de l’article 1240 du code civil. En effet, en vertu de l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 avril 1998, la seule rupture du concubinage n’est pas de nature à entraîner l’octroi de dommages et intérêts. En revanche des circonstances de la rupture_peuvent être constitutives d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.  

On retrouve dès lors le même raisonnement que dans le cadre de la rupture des fiançailles : si la rupture en elle-même n’est pas une faute, les circonstances de la rupture peuvent conduire à l’octroi de dommages et intérêts, dès qu’il résulte de ces circonstances une faute et un préjudice. En effet, Il faut un préjudice, d’une part, une faute, d’autre part, que l’on peut caractériser le cas échéant en examinant les circonstances de rupture, et un lien de causalité[5]. Par exemple, le fait que la mère d’un enfant ait su que son amant était marié et père de plusieurs enfants légitimes n’est pas de nature à la priver du droit de demander réparation du préjudice qu’elle a subi en raison du comportement fautif de son amant à son égard[6]

De plus, l’obligation naturelle est parfois retenue pour admettre un « devoir de conscience » de l’auteur de la rupture[7].

  • L’inapplicabilité de la notion de prestation compensatoire 

Ils sont libres dans l’union, ils sortent libres de la désunion. La prestation compensatoire susceptible d’être versée par l’un des ex-époux à l’autre est inapplicable dans le cadre du concubinage. Cela est justifié par le caractère purement factuel du concubinage.

II  – Le concubinage emportant des effets de droit : les tempéraments au principe

  • L’atténuation de l’indépendance des concubins 

L’atténuation de l’indépendance des concubins se manifeste à l’égard du devoir d’assistance et de respect.

  • Concernant le devoir d’assistance, le concubin peut être le tuteur ou le curateur de celui avec lequel il est lié par l’état de concubinage comme l’évoque l’article 449 al 1 du code civil. De même, l’art 494-1 du code civil, relatif à l’habilitation familiale, compte le concubin parmi les personnes susceptibles d’être habilitées à effectuer des actes au nom de son compagnon ou compagne hors d’état de manifester sa volonté́. 
    • Concernant le devoir de respect, auquel les époux sont tenus, devrait s’appliquer aux concubins. En ce sens  l’article 515-9 du code civil prévoit la délivrance par le JAF d’une ordonnance de protection en cas de violences exercées au sein du couple par un ancien concubin. 
  • La reconnaissance d’un « contrat de concubinage »

Le régime matrimonial en concubins n’existe pas. Actuellement, il arrive à l’heure actuelle que, lors de l’achat d’un bien, les concubins passent devant notaire une sorte de contrat de « quasimariage » réglant leurs relations. Certains professionnels proposent même une formule de « contrat de concubinage » destiné à régir de façon générale les rapports patrimoniaux, à la manière d’un contrat de mariage.

Exemples :

  • Il est  possible d’admettre une solidarité conventionnelle à certaines conditions, lorsque celle-ci est par exemple manifeste[8].
  • L’existence d’un accord entre les concubins : contrat de participation aux dettes[9]
  • Le juge peut même reconnaitre l’existence d’une convention tacite entre les concubins[10]
  • Les correctifs imaginés par la jurisprudence pour tempérer les résultats du principe de l’autonomie 

▪     L’admission d’une contribution aux charges du ménage

Sous couvert d’appréciation souveraine des juges du fond, les juges retiennent parfois un ersatz obligation de contribution aux charges du ménage. En effet, la Cour de cassation a admis une sorte d’obligation de contribution aux charges du ménage pour les concubins : « La Cour d’appel a souverainement estimé qu’il avait participé au financement des acquisitions immobilières de sa concubine dans son propre intérêt, pour loger la famille qu’il formait avec celle-ci et leurs enfants et que, pour le surplus, les règlements qu’il avait effectués correspondaient aux frais de la vie commune ».[11]

De plus, si les concubins ont créé une « apparence de mariage », une solidarité pourrait être reconnue par les juges et pourrait donc jouer dans le cadre de l’obligation à la dette. Cette solution suppose que le tiers ait pu légitimement croire que le couple était marié, ce qui implique le plus souvent des manœuvres de la part des concubins; le seul fait de déclarer que l’on est marié ne suffit pas[12]

Par conséquent, la justice est appelée toutes les fois où il est reproché un manque de contribution de la part d’un concubin, et la jurisprudence a été conduite à reconnaître une insuffisance de participation à ce qu’elle considère comme une obligation naturelle de contribuer aux charges d’un ménage. Ainsi, la jurisprudence en reconnaissant a posteriori une telle obligation de contribuer aux charges considère nécessairement que cette obligation existe a priori.

En droit positif, il est possible de parler d’une reconnaissance d’une contribution aux charges du ménage. La jurisprudence a été conduite à reconnaître une insuffisance de participation à ce qu’elle considère comme une obligation naturelle de contribuer aux charges d’un ménage. Cette reconnaissance est critiquable.

  • L’application possible de la société crée de fait

La société créée de fait est constitué de 3 éléments cumulatifs : un apport, la volonté de réaliser une activité commune (affectio societatis) et une intention de partager les résultats (une communauté de vie ne suffit pas). La Cour de Cassation applique strictement les trois critères cumulatifs de cette notion[13]

Cette réticence des juges est également perceptible concernant l’enrichissement sans cause. Ce dernier est un autre correctif imaginé par la jurisprudence pour tempérer le principe d’autonomie entre les concubins.

  • L’enrichissement sans cause 

L’enrichissement sans cause est une action subsidiaire quand l’un a participé à l’activité de l’autre en dehors de toute rémunération, de toute intention libérale et de contribution normale aux dépenses de la vie courante.

Comme pour l’application de la société créée de fait, les juges sont également réticents concernant l’application de cette notion[14].

  • L’engagement de la responsabilité du tiers auteur du décès 

Le concubin étant considéré comme une victime par ricochet du décès de son concubin causé par un tiers, il peut agir sur le fondement de 1240 à l’égard du tiers auteur du décès.

Cette règle s’applique quelle que soit la forme prise par le conubinage (personnes de même sexe ou de sexe différent, consubinage « simpe » ou adultérin…). Tant le préjudice moral (dépression d’un concubin à la suite du décès de l’autre concubin par exemple) que le préjudice matériel (perte de revenus liée au fait que le concubin défunt subvenait aux besoins de l’autre) peuvent être invoqués à cet égard. 

  • L’indivision  

En principe, l’absence de régime matrimonial entraine que chaque concubin reste propriétaire des biens qu’il possédait avant le concubinage, voire après le concubinage, sauf si un achat a été fait en indivision[15]

  • L’exercice de l’autorité parentale 

Les concubins exercent en commun l’autorité parentale à l’égard de l’enfant dès lors que la filiation est établie à l’égard des deux parents. 

Conclusion en droit positif :

De plus, l’absence de statut général entraîne que, selon la rédaction de chaque texte particulier, le concubinage est ou non assimilé au mariage. Bien qu’il soit possible de s’interroger sur le possible alignement du pacs vers le mariage, le concubinage semblant dès lors être encore laissé de côté. Cette affirmation est à nuancer, car on observe parallèlement un mouvement qui tend, non pas à rapprocher toutes les formes de conjugalité sur une seule, mais bien de créer un ensemble de règles qui serait commun à toutes les formes de couples, et même qui seraient applicables au couple comme entité juridique indépendamment de la forme qu’il prend en termes d’union. 

Dans ce sens on peut citer : 

  • L’ensemble des règles issues de la loi de 2006 sur les violences conjugales, qui traitent de la situation indifféremment de l’union : articles 515-9 et suivants du Code civil
  • L’ensemble des règles relatives à l’aide médicale à la procréation : articles 311-20 et suivants du Code civil
  • La désignation de l’époux, partenaire ou concubin comme tuteur ou curateur : article 449 Civ. 

[1] Paris, 16 janv. 2001, Civ. 1ère, 28 févr. 2006

[2] Civ 1er 11 janvier 1984, n° 82- 16198.

[3] Civ 1er 17 octobre 2000, n°98-19527.

[4] Civ 1er 28 juin 2005, n°02-12767.

[5] Cass, civ., 30 mai 1838

[6] Cass. civ. 1re, 15 mai 1990.

[7] K. Brellis, « Pour un principe de refus des remboursements et indemnités à la séparation d’un couple de concubins », AJ famille, novembre 2021, p. 620 et s.

[8] CE, 9 juillet 2003, n°2551103

[9] Cass. civ. 1er, 19 avril 2005

[10] CA Paris, 17 septembre 2015.

[11] Cass. civ. 1er, 28 mars 2015

[12] CA Rouen, 30 octobre 1973

[13] Civ 1er 20 janvier 2010, n°08-16105

[14] Civ. 1er, 11 mars 2014, n°12-28224

[15] Art 815 et suivants