Fiche d’arrêt : Cass. com., 15 septembre 2009, n°08-19.200

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 septembre 2009, 08-19.200, Publié au bulletin

Faits : Une société exerçant une activité principale de négociant en vin loue, de manière répétée sur plusieurs années, un stand sur un salon ouvert 10 jours par an où elle vend ses produits. Elle est informée par la société organisatrice du salon qu’elle ne pourra plus participer aux éditions suivantes du salon.

Procédure : La société négociante en vin considère que cette décision est abusive et lui cause un grave préjudice et saisit donc la justice pour obtenir des dommages-intérêts au motif de rupture brutale des relations commerciales établies, sur le fondement de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 12 juin 2008, lui donne raison. La société organisatrice du salon se pourvoit en cassation : elle soutient qu’il n’y avait pas en l’espèce de relation commerciale établie au sens de l’ex article L442-6, I, 5°.

Question de droit : Une succession de contrats ponctuels peut-elle être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie au sens de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive et rejette donc le pourvoi. Elle souligne que les juges du fond ont souverainement relevé que la relation commerciale établie entre les 2 parties sur la base d’une succession de contrats ponctuels était régulière, significative et stable ; elle pose ainsi 3 critères importants.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 6 février 2007, n°04-13.178

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 février 2007, 04-13.178, Publié au bulletin

Faits : Deux sociétés entretiennent des relations commerciales avec une société tierce. Cette dernière augmente sans préavis les tarifs qu’elle leur consent.

Procédure : Les deux sociétés acheteuses saisissent la justice pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce : en effet, elles estiment que l’augmentation sans préavis des tarifs de la part de leur partenaire commercial constitue une rupture brutale des relations commerciales de la part de celui-ci. Celui-ci soulève l’incompétence territoriale du tribunal de commerce saisi ; la cour d’appel lui donne raison, en soulignant que “les relations habituelles et stables entre les parties depuis plusieurs années ont créé une situation contractuelle que l’une d’elle ne peut unilatéralement modifier sans préavis sans engager sa responsabilité contractuelle” et non délictuelle. Elle retient donc que ce sont les règles de compétence juridictionnelle en matière contractuelle qui ont vocation ici à s’appliquer. Les deux sociétés demanderesses se pourvoient en cassation.

Question de droit : Les dispositions de l’ex article L442-6, I, 5° créent-elles un régime de responsabilité contractuelle ou délictuelle ?

Solution : Dans un attendu de principe, la chambre commerciale pose le principe suivant lequel “le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale […] engage la responsabilité délictuelle de son auteur”. Elle casse donc l’arrêt attaqué.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 2 octobre 2019, n°18-15.676

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 octobre 2019, 18-15.676, Publié au bulletin

Faits : Deux sociétés concluent un contrat de gérance-mandat d’une durée d’1 an avec tacite reconduction en vue de l’exploitation d’un magasin. La société mandante informe la société mandataire que le contrat ne serait pas reconduit. Cette dernière considère que la durée du préavis qui lui a donné était trop bref.

Procédure : La société mandataire saisit la justice pour obtenir le paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’ex article L442-6 I 5°, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 24 avril 2019. Les juges d’appel rejettent la demande, en considérant que les dispositions de l’article L442-6 invoqué n’ont pas vocation à s’appliquer à la cessation des relations commerciales entre un gérant-mandataire et son mandant, qui sont régies par les dispositions spéciales de l’article L146-6 du Code de commerce. La société mandataire se pourvoit en cassation.

Question de droit : Les dispositions de l’ex article L442-6, I, 5° sont-elles applicables dans le cadre d’un litige relatif à la durée de préavis de rupture d’un contrat de gérance-mandat ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive. Elle souligne “qu’ont vocation à s’appliquer les règles de responsabilité instituées par l’article L442-6, I, 5° du [Code de commerce] lorsque le préavis consenti est insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties et des autres circonstances”. Elle casse donc l’arrêt attaqué.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 6 février 2007, n°02-20.463

Décision : Chambre commerciale de la Cour de cassation, 6 févr. 2007, n° 03-20.463, Bull. 2007, IV, N° 20.

Faits : Une association entretient des relations commerciales avec une société. Cette dernière rompt ces relations d’une manière que l’association considère comme brutale.

Procédure : L’association saisit la justice pour obtenir le paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l’ex article L442-6 I 5° du Code de commerce, qui prévoyait alors qu’engage sa responsabilité “tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers qui rompt brutalement une relation commerciale établie”. Les juges d’appel rejettent cette demande, en considérant “qu’il ne saurait être admis, sauf à pervertir le sens de la loi du 1er juillet 1901, qu’une association accomplisse, à titre habituel et quasi exclusif, des prestations commerciales”, et que dès lors le demandeur ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article L442-6. L’association se pourvoit en cassation.

Question de droit : Une association peut-elle se prévaloir des dispositions de l’ex article L442-6 I 5° du Code de commerce ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive. Dans un attendu de principe, elle souligne que les dispositions de l’ex article L442-6 I 5° “peuvent être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé” et casse donc l’arrêt attaqué.

Portée de l’arrêt Sacilor Lormines contre France (CEDH, 2006)

Dans sa décision Sacilor Lormines c/ France du 9 novembre 2006, la CEDH affirme, à l’égard du Conseil d’État français, que le dualisme statutaire n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, à la condition qu’une même personne ne participe pas à la rédaction d’une norme puis participe au jugement.

Le dualisme statutaire est le fait que le Conseil d’État conseille le gouvernement et juge les justiciables.

Le Conseil d’État a tiré les conséquences de cette décision : le décret du 6 mars 2008 a :

  • séparé encore davantage les formations de conseil des formations de jugement ;
  • posé le principe selon lequel un membre du Conseil d’État qui a participé au délibéré relatif à un avis concernant une norme ne peut pas participer à la formation de jugement d’un recours dirigé contre la norme en question ;
  • permis au requérant de s’assurer du respect de ce principe en demandant la liste des membres composant la formation ayant rédigé l’avis sur l’acte attaqué.

Cliquer ici pour lire la décision Sacilor Lormines contre France.
Cliquer ici pour lire la note d’informations sur l’arrêt, rédigée par la CEDH.

Portée de l’arrêt Didier (Conseil d’État, 1999)

Dans sa décision Didier du 3 décembre 1999, le Conseil d’État affirme que le Conseil des bourses de valeur (ancienne autorité administrative indépendante) constitue un tribunal qui rend des décisions pénales au sens de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cliquer ici pour lire l’arrêt Didier.
Cliquer ici pour télécharger l’arrêt Didier au format .pdf.

Portée de l’arrêt Société des établissements Petitjean (Conseil d’État, 1967)

Dans sa décision Société des établissements Petitjean du 10 juillet 1981, le Conseil d’État reprend à son compte la position de la Cour de justice de l’Union européenne (ex-CJCE) à propos de l’effet direct des stipulations du droit originaire européen.

Il explique que les stipulations du droit originaire européen sont bien dotées de l’effet direct, à condition de respecter 2 conditions :

  1. ces normes doivent être claires, précises et inconditionnelles ;
  2. ces normes ne doivent pas nécessiter de mesures complémentaires pour être applicables.

Cette décision fait donc suite à l’arrêt Van Gend en Loos de la CJCE.

Cliquer ici pour lire le texte de l’arrêt Société des établissements Petitjean.
Cliquer ici pour télécharger l’arrêt Société des établissements Petitjean en version PDF.

Portée de l’arrêt Van Gend en Loos (CJCE, 1963)

Dans sa décision Van Gend en Loos du 5 février 1963, la Cour de justice des communautés européennes (aujourd’hui, Cour de justice de l’Union européenne) affirme que le droit de l’UE, dans sa composante originaire (les traités), est invocable directement par les particuliers, aussi bien devant les juridictions européennes que devant les juridictions nationales.
Autrement dit, la CJCE affirme que toutes les stipulations des traités relatifs à l’Union européenne sont dotés de l’effet direct et peuvent donc être invoqués devant toute juridiction.

Pour qu’il en soit ainsi, les normes de droit originaire doivent respecter 2 conditions :

  1. Ces normes doivent être “claires, précises et inconditionnelles” : le sens à donner à ces normes ne doit pas être ambigu.
  2. Ces normes ne doivent pas “appeler de mesures complémentaires pour être appliquées” : les stipulations en question doivent être d’application directe.

Si l’une ou l’autre de ces 2 conditions n’est pas remplie, alors la stipulation n’est pas invocable devant une juridiction.

Pour savoir si une stipulation est “claire, précise et inconditionnelle”, ou si son sens est dépourvu d’ambiguïté, le juge peut saisir la Cour de justice pour qu’elle livre son interprétation de la stipulation.
On parle de question préjudicielle : une question de droit qui détermine la solution à donner au litige. Le renvoi préjudiciel est un mécanisme de juge à juge, qui permet à un premier juge de demander à une cour suprême de livrer son interprétation (ici, sur un traité européen).

Cliquer ici pour accéder au texte de la décision Van Gend en Loos.
Cliquer ici pour accéder à la version .pdf de la décision.

Portée de l’arrêt Scordino contre Italie (CEDH, 2006)

Dans son arrêt Scordino contre Italie du 29 mars 2006, la Cour européenne des droits de l’homme affirme, de manière astucieuse, que les décisions par lesquelles elle interprète les stipulations de la Convention sont des décisions de principe (= valent pour tous).

Idée : elles font droit pour tous les destinataires, erga omnes. Lorsque la Cour condamne un État signataire pour avoir contrevenu à une stipulation de la Convention, les autres États doivent vérifier que leur droit interne est conforme.

Cliquer ici pour lire la décision Scordino c/ Italie.

Portée de l’arrêt Confédération nationale des radios libres (Conseil d’État, 2001)

Dans sa décision de principe Confédération nationale des radios libres du 19 janvier 2001, le Conseil d’État précise les conditions du référé suspension introduit par la loi du 30 juin 2000.

Il affirme dans cet arrêt que :

  1. Pour apprécier la condition d’urgence dans un référé suspension, le juge doit mettre en balance les différents intérêts en présence.
    Le juge fait donc du cas par cas.
  2. L’urgence peut être uniquement financière.
    Aujourd’hui, beaucoup de référés suspension voient leur condition d’urgence remplie par cette urgence financière.

Cette décision peut aussi être mise en relation avec la décision Commune de Venelles (Conseil d’État, 2001), qui précise quant à elle les contours du référé liberté.