Introduction au cours de droit des affaires (L2)

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Ce cours de droit des affaires porte sur les règles fondamentales relatives à l’activité commerciale.
Il ne faut pas oublier que l’activité principale du commerçant est de développer sa clientèle.

§ 1. Définition du droit des affaires

Pendant longtemps, cette matière a été appelée “droit commercial”, en raison du 1er Code de commerce de 1807.
Mais cette terminologie de “droit commercial” est bien plus restreinte que la terminologie de “droit des affaires” : elle suit donc une approche plus restrictive de la matière.

Le droit commercial, au sens strict, réunit l’ensemble des règles relatives au commerçant, à son statut, à sa qualité, aux actes de commerce… ou encore les règles relatives à la juridiction commerciale.
→ Approche très restrictive de la matière.

Aujourd’hui, ce droit a évolué : on parle volontiers de droit des affaires, qui a un domaine bien + vaste que le droit commercial.
Par exemple :
> le droit public des affaires s’interroge sur l’intervention de l’État dans l’économie ;
> le droit public économique renvoie au droit fiscal, mais implique aussi des excursions dans le droit du travail et le droit de la concurrence.
Par exemple, le livre 4 du Code de commerce est intitulé “De la liberté des prix et de la concurrence” et vise notamment à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles.

La matière est donc relativement large.

L’extension de la matière concerne aussi la personne même du commerçant.
Les auteurs écrivent régulièrement que cette personne du commerçant se voit aujourd’hui diluée parmi d’autres professionnels qui concourent à l’activité économique : artisans, activités libérales et agricoles…

Alors que le droit commercial renvoyait à la personne du commerçant, on a tendance à voir l’émergence d’un droit des activités professionnelles ou d’un droit des activités économiques.

Sauf qu’à trop vouloir diluer le commerçant, on peut perdre de vue ce qui a fait la spécificité de la matière.
Pour la professeure, l’acte de commerce, l’activité de négoce… qui ont fait les prémices du droit commercial, doivent être sauvegardés.

Ce droit des affaires qui s’est développé est une branche du droit privé qui, par dérogation au droit civil sans l’exclure pour autant, règlemente de façon spécifique les activités de production, de distribution et de services (→ qui obéissent à des règles spéciales).

§ 2. Historique du droit des affaires

Les prémices du commerce sont très anciennes.
La production et le négoce débutent avec le début de l’agriculture dans diverses parties du monde lors de la révolution néolithique (à la préhistoire).

Dans l’Histoire, le 1er code connu est le Code d’Hammourabi, qui rassemble des décisions de justice prises par le roi mésopotamien Hammourabi.
Y sont gravées des règles très larges, et notamment des règles qui intéressent directement le droit des affaires ; par exemple, des articles qui règlementent les prix des différentes professions et prestations et les activités des marchands.

En France, les 1ères règles de droit commerciales remontent au temps des romains, qui créent des contrats spéciaux.
Les romains inventent le terme de commercium, qui vise toute relation établie entre plusieurs personnes à propos d’un bien et qui reconnaît le droit d’acheter et de vendre (le jus commercii).
Ces contrats illustrent l’aspect traditionnel du commerce, vu comme un échange de biens dans les relations instituées par le mercator (= le marchand).

C’est avec cette origine romaine que l’on voit que c’est l’échange de biens (= le négoce) qui a constitué l’aspect traditionnel du commerce.

Les romains traitaient aussi des choses in commercio et des choses extra commercium.
Dans le Code civil de 1804, l’article 1128 disposait que “il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui peuvent faire l’objet d’une convention”.
Cette formule n’existe plus, mais il y a toujours écrit “un contenu licite et certain”.
Cela signifie que si la chose n’est pas dans le commerce, le contrat n’aura pas de contenu licite → cette règle romaine persiste.

L’article 1598 du Code civil dispose que « tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation”.
Cette règle perdure aujourd’hui : l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, qui a été soumis à consultation publique à partir de juillet 2022, n’abroge pas cet article 1598.
→ Inspiration forte du droit romain.

Les tribunaux de commerce sont les juridictions les plus anciennes.
Elles datent de l’Ancien Régime (par exemple, le tribunal de commerce de Toulouse a été instituée en 1549).

Ce sont des commerçants, des industriels et des artisans qui siègent au sein des tribunaux de commerce.
L’introduction de l’échevinage (= système d’organisation judiciaire par lequel une juridiction de jugement est composée simultanément de magistrats et de juges non professionnels) est régulièrement proposée.

L’édit pris par Charles 9 en 1563 a institué de façon permanente (et non plus temporaire) plusieurs tribunaux de commerce dans les grandes cités marchandes, compétentes pour connaître “des différends entre marchands qui doivent négocier ensemble”.
La généralisation des tribunaux de commerce s’est faite ensuite par l’ordonnance de Colbert en 1673, sous le règne de Louis 14.

On distingue 2 ordonnances :
> celle de 1673 relative au commerce de terre (il s’agit d’un texte important, qui a été appelé “Code marchand” ou “Code Savary”) ;
> celle de 1681 relative au commerce maritime.
→ Premières œuvres de codification en France.

Les tribunaux de commerce ont survécu à la période révolutionnaire.
2 textes importants sont souvent présentés ensemble comme formant un tout :

  1. La loi d’Allarde (parfois appelé à tort décret d’Allarde) des 2 et 17 mars 1791 pose le principe fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie :
    ”Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon”.
  1. La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 abolit les corporations et toute règlementation professionnelle.
    Contexte : à l’époque, on se méfie des groupes de pression et des coalitions.

La 1ère œuvre majeure de codification dans le domaine est le Code de commerce, édicté par une loi du 15 septembre 1807 et entré en vigueur le 1er janvier 1808.

Le traité de Rome (1957) marque l’émergence d’un marché unique.
Ce texte est important, parce qu’il montre l’influence du droit européen sur le droit des affaires.
L’Acte unique européen (1986) fixait l’échéance pour la réalisation du marché intérieur commun à tous les États membres au 31 décembre 1992.

Le traité de Maastricht de 1992 a achevé la création de ce marché intérieur unique, où ont été prônées un certain nombre de libertés économiques qui intéressent le droit des affaires.
L’article 26 du TFUE définit le marché intérieur comme “un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée”.

§ 3. L’avènement et la protection d’un marché concurrentiel

Le droit commercial s’est développé sur la base de l’idée d’une concurrence loyale et saine.
Aujourd’hui, on ne peut pas étudier ce droit sans avoir une vision minimale des règles de concurrence.

La volonté législative d’encadrer et de surveiller les relations commerciales pour opérer un contrôle des bonnes pratiques s’est nettement affirmée ces dernières années.
Objectif : régulation des rapports commerciaux.

Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie connaît donc des limites :

A – La concurrence déloyale

L’activité concurrentielle n’est pas interdite – et heureusement !
Le principe de la liberté de la concurrence est d’ailleurs posé par le livre 4 du Code de commerce (auparavant, l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence).

Ce qui est réprimé, c’est l’abus dans la liberté du commerce et de l’industrie.
💡 La notion d’abus de droit a été théorisée par Josserand.

Chambre commerciale, 22 octobre 1985, n°83-15.096 :
Cet arrêt de censure est rendu sous un triple visa : “Vu la loi des 2 et 17 mars 1791 sur la liberté du commerce et de l’industrie, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil”.
”Si la libre recherche de la clientèle est de l’essence même du commerce, l’abus de la liberté au commerce causant, volontairement ou non un trouble commercial, constitue un acte de concurrence déloyale”.

La clientèle est donc un bien que les concurrents peuvent se disputer.
Il est légitime qu’existe une compétition entre professionnels, mais seuls des moyens normaux ou conformes aux usages peuvent être utilisés ; il y a donc une certaine éthique des affaires.
→ Sanction des moyens déloyaux de détournement de la clientèle.

Chambre commerciale, 11 mars 2014 :
”Le seul déplacement de clientèle vers une entreprise concurrence ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en l’absence de manœuvres ou procédés déloyaux”.

La concurrence déloyale est une doctrine d’origine jurisprudentielle et doctrinale, qui permet de sanctionner un concurrent qui use de manœuvres commerciales déloyales afin de capter indûment la clientèle du concurrent.

La concurrence déloyale s’est fondée sur l’article 1240 du Code civil ; c’est pour ça que les conditions de la concurrence déloyale entre concurrents sur un marché correspondent aux conditions traditionnelles de la responsabilité civile :

  1. Une faute : ici, le détournement de clientèle.
    Il appartient donc à la victime de prouver le ou les actes de concurrence déloyale et d’en établir le caractère fautif.
  1. Un dommage / préjudice : ici, un préjudice commercial subi par la victime de l’agissement déloyal.
    Idée : par la suite des agissements déloyaux, la clientèle passe du fond de commerce la victime à celui de son concurrent.

    Le juge doit évaluer le préjudice pour pouvoir le réparer. C’est une tâche délicate.
    La méthode généralement suivie est de comparer les chiffres d’affaires réalisés avant et après les actes de concurrence déloyale.
    Une quantification est donc réalisée à partir de la baisse des chiffres d’affaires de l’un et des profits réalisés par l’autre.

    Évolution :
    Chambre commerciale, 17 février 2020, n°17-31.614 :
    La Cour de cassation évalue ici le préjudice dans un cas de parasitisme, qui est un cas particulier de concurrence déloyale dans lequel le préjudice résulte “des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements intellectuels, matériels ou promotionnels d’un concurrent, ou à s’affranchir d’une règlementation dont le respect a nécessairement un coût”.
    Il s’agit d’un arrêt novateur qui complète la façon dont les juges évaluent le préjudice, puisqu’au lieu de chercher le manque à gagner pour la victime, la Cour de cassation considère l’économie réalisée par l’auteur des pratiques parasitaires.

  1. Un lien de causalité entre faute et dommage.
    L’exigence de preuve est faible.

Le doyen Roubier a émis en 1952 une proposition doctrinale qui a dégagé les actes de déloyauté :

  1. Le dénigrement de l’entreprise concurrente, qui porte atteinte à la réputation des produits ou services d’une entreprise.

    Dans un arrêt du 24 septembre 2013, la Cour de cassation a affirmé qu’est constitutif d’un dénigrement la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent, peu importe qu’elle soit exacte.
    Condition : il faut une diffusion publique.

  1. La confusion est le fait de créer, dans l’esprit de la clientèle, une assimilation entre des entreprises ou les produits de celles-ci.
  1. La désorganisation d’une entreprise rivale sont des procédures qui ont pour effet de nuire à l’organisation interne d’une entreprise.
    Exemples : divulgation de fichiers clients, obtention d’informations privilégiées, débauchage massif de ses salariés.

    Yves Saint-Gal a ajouté à cette théorie doctrinale :

  1. Le parasitisme est défini par la Cour de cassation (Chambre commerciale, 26 janvier 1999) comme la situation dans laquelle “un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin d’en tirer un profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire”.

Cette concurrence déloyale s’est particulièrement développée depuis les années 1985 dans le domaine des réseaux de distribution.
Que faire des tiers, qui activent la concurrence sur le marché en se faisant approvisionner sans faire partie du marché ?
Ils sont considérés comme des tiers parasites, et il est parfois possible de sanctionner ce tiers pour concurrence déloyale.

Par une série d’arrêts du 27 octobre 1992, après des revirements jurisprudentiels, la Cour de cassation a estimé que celui qui crée son réseau de distribution doit prouver la licéité de son réseau et qu’il a rendu son réseau étanche ; c’est ensuite au revendeur hors réseau de prouver la régularité de son approvisionnement (s’il s’est approvisionné auprès d’un membre du réseau, l’approvisionnement est irrégulier).

L’actuel article L442-2 du Code de commerce protège les réseaux en interdisant la revente hors réseau à un distributeur qui n’en fait pas partie.
⚠️ La jurisprudence s’est construite sur l’ex article L442-6.

Le revendeur tiers peut parfois s’approvisionner à l’étranger auprès d’un revendeur dont le contrat ne prévoyait pas de clause d’exclusivité. L’approvisionnement n’est alors pas irrégulier.

Cette règle de 1992 instaure donc un renversement de la charge de la preuve (c’est au revendeur hors réseau de prouver la régularité de son approvisionnement).

Aujourd’hui, la question se pose sur les produits vendus par les plateformes de commerce électronique : sont-elles des vendeurs agréés ?

B – L’interdiction des pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence

Objectif : protéger la concurrence sur un marché.
Pour préserver la concurrence, on sanctionne les mauvaises ententes et les abus de position dominante.

En France, l’Autorité de la concurrence (une AAI) a remplacé le Conseil de la concurrence, qui a remplacé la Commission de la concurrence.

Le texte de référence sur le sujet est l’article L442-1 du Code de commerce, issu de la réforme opérée par l’ordonnance du 24 avril 2019.
Il pose un régime dérogatoire au droit commun (= “droit civil”) et prévoit l’engagement de la responsabilité civile délictuelle pour des activités ciblées.

L’ordonnance de 2019 élimine bon nombre de pratiques, pour n’en conserver que 3 :

  1. L’obtention ou la tentative d’obtention d’une avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionnée au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
  1. La soumission ou la tentative de soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

    Cour de cassation, 2017 : y compris un déséquilibre portant sur le prix des marchandises ou sur les prestations dans la convention commerciale entre fournisseurs et distributeurs.

  1. La rupture brutale des relations commerciales établies.

Le législateur a reconnu au ministre de l’Économie le pouvoir d’intervenir en agissant en justice pour faire respecter l’article L442-1.
Il peut faire constater la nullité des clauses et peut demander la restitution des avantages indus.
(article L442-4)

Chambre commerciale, 8 janvier 2008, n°07-16.761 :
L’un des premiers arrêts qui reconnaît la recevabilité de l’action du ministre (ce qui n’allait pas de soi).

§ 4. Les sources du droit des affaires

Le droit des affaires trouve ses fondements dans le Code civil (droit commun) et le Code de commerce (droit spécial).
Le droit commun n’est pas exclu : au contraire, on y recourt à chaque fois qu’on le peut.

La loi du 16 décembre 1999 a habilité le gouvernement à procéder par ordonnances pour adopter la partie législative de certains codes.
Le nouveau Code de commerce a été publié le 21 décembre 2000 et a été immédiatement applicable.
Un décret du 25 mars 2007 a parachevé le travail de codification en ce qui concerne la partie règlementaire du Code de commerce.

L’idée du législateur, avec ce nouveau Code de commerce, était d’y intégrer tout ce qui n’y figurait pas.
Exemple : le statut des agents commerciaux, qui était hors du Code.

Le droit européen constitue une 2ème source du droit des affaires. En effet, celui-ci s’est construit avec le droit européen.

Enfin, les usages du commerce constituent une source particulière du droit des affaires.
Ce sont des pratiques contractuelles habituellement suivies par les acteurs eux-mêmes dans une branche donnée du commerce et qui portent sur des modalités du commerce (par exemple, sur les délais de paiement).

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