Chapitre 4 : Les différents actes de commerce

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Introduction sur l’acte de commerce

Le code de commerce ne contient aucune définition de l’acte de commerce. La notion d’acte de commerce n’est pas définie par le Code de commerce.
Ils y font uniquement l’objet d’une liste aux articles L110-1 et L110-2.
Cette énumération est hétéroclite et descriptive ; elle reprend l’ancien article 632 du Code de commerce de 1807.

Article L110-1 du Code de commerce :
”La loi répute actes de commerce :
1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ;
2° Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ;
3° Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières ;
4° Toute entreprise de location de meubles ;
5° Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ;
6° Toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de ventes à l’encan, de spectacles publics ;
7° Toute opération de change, banque, courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement ;
8° Toutes les opérations de banques publiques ;
9° Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ;
10° Entre toutes personnes, les lettres de change ;
11° Entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales.”

Article L110-2 du Code de commerce :
”La loi répute pareillement actes de commerce :
1° Toute entreprise de construction, et tous achats, ventes et reventes de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure ;
2° Toutes expéditions maritimes ;
3° Tout achat et vente d’agrès, apparaux et avitaillements ;
4° Tout affrètement ou nolisement, emprunt ou prêt à la grosse ;
5° Toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer ;
6° Tous accords et conventions pour salaires et loyers d’équipages ;
7° Tous engagements de gens de mer pour le service de bâtiments de commerce.”

Il s’agit d’une énumération dans laquelle on trouve des opérations (”Toute opération de change, banque…”), des professions (”négociants, marchands et banquiers”), des entreprises (”entreprise de location de meubles”)…

Toutes ces catégories ont en commun de définir la commercialité de l’acte, mais il n’y a pas de cohérence d’ensemble.
C’est une méthode peu satisfaisante. La liste est dès lors incomplète et la jurisprudence a été obligée de la compléter.

Section 1 : Les actes de commerce à titre principal

Les actes de commerce à titre principal regroupent ceux par la forme (§ 1) et par nature (§ 2).

§ 1. Les actes de commerce par la forme

A – La lettre de change

L’article L110-1 du Code de commerce dispose que la lettre de change est un acte de commerce.

La lettre de change, aussi appelée traite, est un effet de commerce, c’est-à-dire un mode de paiement qui repose sur le mécanisme de la circulation de créance.

Il n’y a pas de définition légale de la lettre de change, mais l’on s’accorde à dire qu’elle est le titre par lequel une personne, le tireur, donne l’ordre à son débiteur, le tiré, de payer à une troisième personne, le bénéficiaire, une somme d’argent à une date précise, c’est-à-dire à terme : la traite est ainsi payable à 30 ou 60 ou 90 jours.

Par exemple, une traite (ou lettre de change) est établie entre un fournisseur et un commerçant. Le fournisseur a livré en produits le commerçant. Ce fournisseur (→ le tireur) peut tirer une traite sur le commerçant (→ le tiré) en règlement de la dette. Et le bénéficiaire sera celui à qui la traite sera remise ; ce peut-être le banquier du tireur. Le banquier peut alors porter immédiatement le montant au crédit au compte bancaire de son client (le fournisseur) sans attendre l’échéance prévue pour le paiement. C’est une opération que l’on appelle l’escompte.

Puisque ce titre est réputé acte de commerce par la forme par le Code de commerce, on lui applique le droit commercial. Toute personne, qu’elle soit un commerçant ou non, effectue un acte de commerce en apposant sa signature sur la lettre de change.

B – Les sociétés commerciales

💡
Rappel : sont commerciales toutes les sociétés qui, quelle que soit leur activité, empruntent une certaine forme juridique, selon l’article L210-2 du Code de commerce :
Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée (SARL + EURL) et les sociétés par actions (sociétés anonymes + les sociétés en commandite par actions + les sociétés par actions simplifiées SAS ou SASU)”

Légalement donc, ces sociétés sont réputées être toujours des sociétés commerciales. Le contrat de société qui donne naissance à ces sociétés est un acte de commerce par la forme.

C’est donc la forme, indépendamment de l’objet de l’activité, qui permet la qualification d’acte de commerce de ces sociétés.

Toute société commerciale est en principe assujettie au droit commercial même si son objet est civil. C’est la société en tant que personne morale qui est commerçante, de sorte que les actes passés par cette dernière autant que ceux qui intéressent sa constitution ou sa dissolution seront considérés comme des actes de commerce auxquels on applique le droit commercial.

§ 2. Les actes de commerce par nature

A – Les actes de commerce par nature selon leur objet

1) L’achat pour revendre

On est ici au cœur même de l’activité commerciale : c’est l’acte même qui permet la circulation des richesses dans un but spéculatif.
C’est la conception traditionnelle que l’on se fait du commerce : l’origine étymologique du mot même de commerce (du latin commercium, et de même radical que merx, mercis, marchandises) consiste dans l’achat, la vente, l’échange de marchandises, de denrées, de valeurs, de services, en vue de réaliser un profit. C’est cette activité qui, pour les juristes, renvoie à l’activité de négoce.
C’est aussi le cœur de l’activité économique si l’on adopte la conception des économistes, qui considèrent que l’activité économique est “le nombre d’achats et de ventes qui ont lieu dans l’économie sur une période de temps déterminée”.

L’acte correspond à “tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre” (article L110-1) et à “tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux” (article L110-1).

Il faut noter que les biens visés sont extrêmement nombreux.

  • Pour les meubles, l’achat pour la revente intéresse aussi bien les meubles corporels que les meubles incorporels (achat et revente d’un brevet, d’un fonds de commerce, d’une licence d’exploitation, …).
  • Il faut ajouter l’achat d’immeubles pour les revendre.
    Exception : les opérations de promotion immobilière, lorsque l’acquéreur agit pour édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux. Ces opérations ne sont pas des actes de commerce : le statut juridique des promoteurs immobiliers est celui de “maître d’ouvrage”, qui est une activité est de nature civile.

De plus, l’achat est la condition de la commercialité de l’acte. Sont donc exclus de la commercialité :

  • Les activités de production et d’extraction, car la vente des produits n’est pas précédée d’un acte d’achat ;
    → La vente des produits tirés du sol n’est pas commerciale, mais civile.
  • L’exploitation d’une source / d’une carrière ;
  • L’activité agricole (l’agriculteur vend des produits qu’il n’a pas achetés) ;
  • Les activités intellectuelles (exploitation d’une œuvre).

Enfin, le but de l’achat doit être la revente.

La qualification d’acte de commerce n’existe qu’à cette condition.
Ce qui compte : l’intention de la revente, plus que la revente effective du bien.

Exemple : les revendeurs dans les réseaux de distribution (franchisés, concessionnaires, …) s’approvisionnent régulièrement auprès de la tête de réseau → actes d’achat en vue de revendre à la clientèle.

Les actes de consommation ne sont pas des actes de commerce.


2) Les opérations financières

Parmi les opérations financières visées par le Code de commerce, on trouve :

  1. Les opérations de banque ;
    Elles sont définies par l’article L311-1 du Code monétaire et financier : “les opérations de banques comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement”.
  1. Les assurances, qui ne sont envisagées par le Code de commerce qu’en matière maritime.
    La jurisprudence a comblé cette lacune en considérant que les assurances terrestres sont commerciales.
    Exception : les assurances mutuelles ont un but non lucratif → conservent une nature civile.
  1. Les opérations de bourse ne sont pas visées par le Code de commerce.
    Cependant, les sociétés d’investissements sont commerciales (anciens “agents de change”).
    Pour les particuliers, la jurisprudence évalue la nature réelle de la volonté de spéculation du détenteur d’un portefeuille → celui qui effectue de nombreuses opérations aux montants élevés sera qualifié de commerçant.

3) Le courtage

Le courtage correspond à la mise en relation de 2 ou plusieurs autres personnes.
Le courtier est donc un intermédiaire ; il n’a pas la qualité de mandataire car il n’agit pas au nom et pour le compte d’autrui, mais bien en son propre nom + pour son compte.

Toute activité de courtage est commerciale, même si le domaine concerné est civil.

💡
On a déjà vu dans ce cours que le courtier a la qualité de commerçant (articles L131-1 et suivants du Code de commerce).

L’article L110-1 rattache le courtage aux actes de commerce en visant largement “Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières”.

B – Les actes de commerce par nature en entreprise

D’après le Code de commerce, on peut distinguer 9 types d’actes de commerce en entreprise.
Ils ont en commun de ne pouvoir être accomplis que dans le cadre d’une entreprise.
→ S’ils sont effectués à titre isolé, il ne peuvent pas être considérés comme des actes de commerce.

Entreprises réputées commerciales par le Code de commerce :

  1. Les entreprises de location de meubles (tout type de biens).
    Peu importe que celui qui loue le bien soit un commerçant ou un simple consommateur.
    La location d’immeuble échappe à la commercialité.
  1. Les entreprises de manufacture.
    Le terme manufacture est désuet ; il vise une activité industrielle.
    Il doit être interprété largement : transformation de matières premières, de produits agricoles…
  1. Les entreprises de transport.
    Le Code de commerce ne vise que le transport “par terre ou par eau” (article L110-1), mais la règle vaut pour tout transport.
    Il n’y a pas de lieu de distinguer selon que le transport porte sur des marchandises ou des personnes.

    Qu’en est-il du covoiturage ?
    Com., 12 mars 2013, n°11-21.908 :
    Une activité de covoiturage ne constitue pas un acte de commerce susceptible de constituer une concurrence déloyale.

  1. Les entreprises de fourniture de biens ou de services.
    L’activité de fourniture de biens peut s’apparenter à une opération d’achat pour revendre.
    L’entreprise de distribution de services doit aussi être comprise largement : il peut s’agir de n’importe quel service.
  1. Les entreprises de vente à l’encan.
    Ce sont des entreprises spécialisées dans les enchères publiques.
  1. Les entreprises de commission.
    On a déjà vu que le commissionnaire, intermédiaire commerçant, est défini par le Code de commerce comme “celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d’un commettant” (article L132-1).

    Com. 6 juill. 1960, n°58-11.222 :
    La cour d’appel a “rappelé à bon droit qu’à la différence d’un mandataire, un commissionnaire agit en son propre nom ou sous un nom social qui n’est pas celui de son commettant”.

  1. Les entreprises d’agence et bureaux d’affaires.
    Exemple : agences de publicité.
  1. Les établissements de spectacles publics.
    Exemple : théâtres, cinémas, salles de spectacle.
  1. Les établissements exploitant les œuvres d’autrui.

Section 2 : Les actes de commerce à titre accessoire

Un adage romain pose un principe général du droit : accessorium sequitur principale = “l’accessoire suit le principal”.
Certains actes pourtant civils par nature sont considérés comme des actes de commerce :
> soit parce qu’ils sont passés par des commerçants (accessoire subjectif) ;
> soit, plus rarement, parce qu’ils se rattachent à un acte principal commercial (accessoire objectif).

§ 1. Les actes de commerce par accessoire subjectif

L’article L110-1, 9° du Code de commerce fait implicitement application de cette règle : il prévoit la commercialité de “toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers”.
Il y a donc 2 conditions de la commercialité par accessoire subjectif :

  1. L’auteur doit être un commerçant.

    Il peut s’agir d’une personne physique ou morale.

    💡
    Rappel : pour une personne physique, c’est en principe l’inscription au RCS qui confère la qualité de commerçant, mais il ne s’agit que d’une présomption simple.

    Seul l’auteur doit avoir la qualité de commerçant → peu importe avec qui l’acte est passé (autre commerçant, personne civile, simple consommateur…).
    Exemple : le contrat de travail conclu entre un commerçant et son employé est un acte de commerce du point de vue du commerçant qui le passe.

  1. L’acte doit se rattacher à l’activité commerciale.

    Pour les personnes physiques, les actes passés par le commerçant pour ses besoins personnels ou domestiques restent civils.
    Pour les personnes morales, les actes qui peuvent être passés au nom de celles-ci découlent de l’objet social.

    La jurisprudence a renforcé l’autorité de cette condition en dispensant le commerçant de rapporter la preuve que l’acte est relatif à l’activité exercée.
    → Toute acte fait par un commerçant bénéficie d’une présomption de commercialité par accessoire.

§ 2. Les actes de commerce par accessoire objectif

A – L’accessoire objectif par la cause commerciale de l’obligation

Depuis le 19ème siècle, la jurisprudence estime que la souscription de parts sociales dans une société commerciale est elle-même commerciale.
Cette solution est d’autant moins évidente que les souscripteurs, par définition, ne sont pas encore des associés.

De la même manière, des actes relatifs au fonds de commerce sont eux aussi commerciaux par accessoire objectif : l’acquisition du fonds, son nantissement et sa mise en location-gérance sont considérés comme des actes de commerce et sont soumis au droit commercial peu importe la qualité de l’auteur.

Cour de cassation, 13 mai 1997, n°94-20.772 :
”Un acte accompli par un non-commerçant devient un acte de commerce lorsqu’il est passé dans le but d’exercer un commerce qu’il est indispensable à l’exercice de celui-ci”.

Confirmation : Com., 15 novembre 2005, pour un crédit sollicité en vue de l’achat d’un fonds de commerce.

B – L’accessoire objectif par l’objet commercial de l’obligation

Un chèque est indifféremment commercial ou civil selon que la dette qui en justifie l’émission est civile ou commerciale.
Par exemple, le chèque émis pour le paiement de l’acquisition d’un fonds de commerce est un acte de commerce.
≠ le chèque émis pour l’acquisition d’une clientèle civile est un acte civil.

Le cautionnement ou le gage sont considérés comme des actes de commerce lorsqu’ils sont passés par des personnes civiles pour garantir une obligation commerciale. L’objet de l’obligation se rattache à l’opération commerciale.
Par exemple, le dirigeant d’une société qui se porte caution pour la société passe un acte de commerce.

  • Pour le gage : À VÉRIFIER
    Dans le gage, une personne affecte un bien à la garantie de sa dette.
    Voir les articles L521-1 et suivants du Code de commerce. V. les art. L. 521-1 et s. C. com. (dispositions contenues dans un Chapitre sur le gage commercial).
    L’art. L. 521-1 soumet ce gage à une réglementation particulière : chaque fois qu’il garantit une dette commerciale, il peut être prouvé par tous moyens.
    Art. L.521-1, al. 1er : « Le gage constitué soit par un commerçant, soit par un individu non commerçant, pour un acte de commerce, se constate à l’égard des tiers, comme à l’égard des parties contractantes, conformément aux dispositions de l’article L. 110-3. »
    Art. L.110-3 : « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. »
    De cette indication particulière, on en a tiré la conclusion plus générale qu’il présente un caractère commercial. C’est donc la nature de la créance garantie qui détermine celle du gage. La qualification commerciale revêt, en matière de gage, une grande importance, puisque l’exécution du gage commercial est plus rigoureuse que celle du gage civil (art. L. 521-3).

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