Chapitre 1 : Les conditions d’attribution de la qualité de commerçant

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Section 1 : Les conditions d’attribution de la qualité de commerçant

L’article L121-1 du Code de commerce adopte une approche positive de la qualité de commerçant :

Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.

Cette définition s’applique que le commerçant soit une personne physique ou une personne morale. En effet :

  • un commerçant peut choisir d’exercer à titre individuel, sans créer de société → il est commerçant personne physique ;
  • ou alors, il choisit d’exercer l’activité commerciale et de développer son fonds de commerce en passant par la création d’une société et donc d’une personne morale → la société créée est commerçant personne morale.

§ 1. Le commerçant, personne physique

Pour qu’une personne physique soit commerçant, l’article L121-1 pose 2 conditions légales.
À ces critères légaux, la doctrine et la jurisprudence ont ajouté que le commerçant agit en son nom et pour son compte : il assure cette activité de manière indépendante.
Une autonomie juridique est donc reconnue dans la personne du commerçant.

A – Les critères légaux

Le 1er critère est l’exercice d’actes de commerce.
Ces actes de commerce sont définis et listés dans le Code de commerce aux articles L110-1 et L110-2.
Exemples : achats de biens meubles, activité de négoce…

Le 2nd critère est que ces commerçants doivent en faire leur activité habituelle.
Ici, 2 notions ressortent des termes utilisés : celle d’habitude et celle de profession.

Le commerçant exerce une activité professionnelle.
Une profession est une activité habituellement exercée par une personne dans le but d’en tirer des revenus.
Il doit y avoir une répétition des actes de commerce accomplis pour en tirer des ressources : le commerçant doit avoir pour but le profit.
Aujourd’hui, on constate que les activités professionnelles du commerçant sont diluées parmi toutes les activités professionnelles.

L’activité de transport est considérée comme un acte de commerce ; mais qu’en est-il du covoiturage ?
La question s’est posée en jurisprudence.
Com., 12 mars 2013, n° 11-21.908 :
L’objectif du commerce est d’en tirer un profit.
Le covoiturage, dans le cadre duquel on ne demande qu’une petite indemnisation, ne constitue donc pas un acte de commerce.

Parfois, la qualité de commerçant est discutée devant le juge, et il faut apporter la preuve de la qualité de commerçant.

Pour une personne physique, le législateur a facilité la preuve de la qualité de commerçant, parce qu’il n’est pas toujours facile de démontrer l’accomplissement d’actes de commerce.
Le droit français a donc posé une présomption (= un mode de raisonnement juridique en vertu duquel on déduit d’un fait un autre fait qui n’est pas prouvé) : l’article L123-7 du Code de commerce dispose que “l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant”.

Cette immatriculation se fait au Registre de commerce et des sociétés (RCS).
Depuis le 1er janvier 2023, cette immatriculation au RCS se double également d’une immatriculation au Registre national des entreprises (RNE).

La présomption de commercialité ne s’applique qu’aux commerçants personnes physiques.
→ Toute personne physique immatriculée au RCS est présumée avoir la qualité de commerçant.
Cette présomption peut être renversée en apportant la preuve contraire.

B – Le critère jurisprudentiel et doctrinal : la profession indépendante

À côté des critères légaux qui découlent de l’article L121-1 du Code de commerce, la jurisprudence et la doctrine ont ajouté le critère de l’indépendance juridique.

Ce critère permet d’exclure les salariés du statut de commerçant.
Les salariés sont soumis à un lien de subordination juridique vis-à-vis de leur employeur ≠ les commerçants sont dans une situation d’indépendance juridique.

Il faut noter qu’aujourd’hui, le développement du commerce est tel qu’on n’exerce plus le commerce seul ; les réseaux de distribution sont devenus cruciaux.

Les franchisés sont les commerçants qui ont intégré un réseau de distribution dans lequel il y a une multitude de revendeurs qui vont tous vendre des produits de la même marque.
Ils sont tous liés à la même tête de réseau, qui est liée contractuellement à autant de franchisés qu’il le souhaite.
On parle de réseau de distribution, parce qu’il y a un maillage du territoire avec autant de revendeurs que nécessaire.

Tous ces franchisés exercent des actes de commerce et ont la qualité de commerçants.

Dans le Code de commerce, il y a des dispositions relatives aux réseaux de distribution.
La loi Macron de 2015 a ajouté le titre “Des réseaux de distribution” ainsi que 2 nouveaux articles qui intéressent notamment les clauses de non concurrence et de non réaffiliation.

Des règlements d’exemption ont été développés en droit européen, avec comme objectif de lutter contre les ententes.
Le droit distingue donc les “mauvaises ententes” des “bonnes ententes”, qui sont dans l’intérêt du consommateur.

Le tout 1er règlement d’exemption en droit européen date de 1988 et concernait uniquement la franchise.
Il définissait le contrat de franchise comme un “accord par lequel une entreprise (le franchiseur) accorde à un autre (le franchisé), en échange d’une compensation financière directe ou indirecte, le droit d’exploiter un ensemble de droits de propriété industriels ou intellectuels concernant des marques, noms commerciaux, enseignes, dessins et modèles, droits d’auteur, produits ou la prestation de services à des utilisateurs finaux”.

Les franchisés bénéficient d’une marque et/ou d’un savoir-faire et paient donc régulièrement une redevance prévue ou contrat.

Le tout dernier règlement d’exemption applicable en matière de distribution date du 1er juin 2022.
Aujourd’hui, il n’est plus limité à la franchise.

Grâce aux droits mis à disposition du franchisé par le franchiseur, celui-ci va développer son activité commerciale (⚠️ à ses risques et périls !) et son fonds de commerce et créer, par son activité, sa clientèle.

Pour être commerçant, il faut être indépendant ; autrement dit, il faut avoir la propriété de son fonds de commerce.
Civ. 3, 27 mars 2002, Trévisan :
La Cour de cassation affirme que la clientèle appartient au franchisé, en retenant un critère géographique.
Cet arrêt a été applaudi par la doctrine.

CJCE, 1986, Pronuptia :
Valide les bases de ce qu’est la franchise aujourd’hui, centrée autour d’un savoir-faire, et en valide les pratiques (dans certaines limites).

Les concessionnaires sont aussi considérés comme des commerçants indépendants.
On considère que franchisés et concessionnaires sont liés par des contrats de distribution exclusifs (= ils sont liés en exclusivité à la tête de réseau).
≠ contrats de distribution sélectifs.

§ 2. Le commerçant, personne morale

L’article 1832 du Code civil donne la définition du contrat de société :
”La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.”

Il prévoit aussi la possibilité de créer une société unipersonnelle : en tant que commerçant, je peux choisir de développer mon activité en étant seul → en créant une société unipersonnelle.

Exemples : EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée), SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle)…
Ces sociétés vont être dotées de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au RCS.

⚠️
Ce n’est pas un cours de droit des sociétés. Il y a beaucoup d’exceptions.

Il existe 2 articles de référence sur la qualité de commerçant des personnes morales :

  1. L’article 1845 alinéa 2 du Code civil dispose que “ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet”.
  1. L’article L210-1 alinéa 1 du Code de commerce dispose que “le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet”.

A – La personne morale, commerciale par sa forme

1) Nomenclature des sociétés commerciales par la forme

Nomenclature = liste.

Selon l’article L210-1 du Code de commerce, toutes les sociétés qui empruntent une certaine forme juridique sont revêtent une nature commerciale, quelles que soient leurs activités :

“Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet,
> les sociétés en nom collectif [SNC],
> les sociétés en commandite simple [SCS],
> les sociétés à responsabilité limitée [SARL ou EURL]
> et les sociétés par actions [SA, SCA, SASU].”

⚠️ Peu importe l’activité de la société ! Il n’est donc pas rare qu’une société exerçant une activité civile soit rendue commerciale uniquement à raison de sa forme.


2) La question de l’attribution de la qualité de commerçant aux associés de la société commerciale par la forme

Toutes les sociétés commerciales par la forme ne confèrent pas dans le même temps la qualité de commerçant à leurs associés.

Il est important de le savoir quand on crée une société, pour connaître le risque de l’on encourt.
→ Les associés d’une société commerciale ne deviennent pas automatiquement commerçants.

a) Les sociétés commerciales par la forme qui confèrent la qualité de commerçant à leurs associés

On distingue les sociétés de personnes des sociétés de capitaux.
Dans les sociétés de personnes, on trouve notamment la SCS (société en commandite simple) et la SNC (société en nom collectif).

Dans les sociétés de personnes, l’intuitu personae est fort : généralement, ce sont des petites sociétés où la personne des associés revêt une grande importance (ex : sociétés familiales).
Dans les sociétés de personnes, le capital social ne garantit pas forcément les créanciers sociaux.

Le législateur considère traditionnellement que ces associés font “corps” avec leurs sociétés, donc généralement il admet que le statut de commerçant va de pair avec le fait qu’ils sont solidairement tenus aux dettes sociales.
Les créanciers savent qu’in fine ils pourront se retourner contre les associés.

Exemple type : la SNC (société en nom collectif).
Les dispositions relatives à la SNC se trouvent dans le Code du commerce ; l’article L221-1 dispose notamment que : “les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales”.

💡 La solidarité commerciale signifie que le créancier peut demander à n’importe lequel des associés le paiement de la totalité de la dette.

Les sociétés de personnes sont considérées comme des sociétés à risque illimité (≠ à risque limité).

b) Les sociétés commerciales par la forme qui ne confèrent pas la qualité de commerçant à leurs associés

Dans les sociétés de capitaux, ce qui importe, c’est ne plus l’intuitu personae, mais le capital social.
On considère que le capital de la société devient le gage commun des créanciers.
Attention, ce point est à relativiser avec l’émergence des sociétés de capitaux sans capital.

Par exemple, pour une société anonyme (SA), le législateur a prévu l’obligation d’avoir un montant minimum de capital social (article L224-2 : “le capital social doit être de 37 000 € au moins”).

L’article L225-1 al 1 dispose que “la société anonyme [SA] est la société dont le capital est divisé en actions et qui est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports”.

Dans les sociétés à responsabilité limitée, on ne peut perdre que son apport.
Pour ces sociétés là, le législateur n’a pas prévu de conférer la qualité de commerçants aux associés.

En principe, les créanciers sociaux ne peuvent rien demander aux associés (ni en cours de vie sociale, ni à la clôture de la liquidation).

Pour les associés qui n’ont pas le statut de commerçant, leur statut demeure un statut civil ; on applique donc les règles civiles.

Principe à retenir : la cession d’actions ou de parts sociales dans une SARL, une SA… sont des actes civils.
Cependant, lorsque la cession de titres emporte transfert du contrôle de la société commerciale à un associé qui devient majoritaire, la jurisprudence y voit un acte de commerce.
Analyse : le statut entre ces associés reste un statut civil, donc l’acte est civil ; mais la jurisprudence considère que c’est un acte de commerce et applique donc les règles applicables en matière de commerce.
Voir notamment : Com., 26 mars 1996, De Fontgalland c/ Consorts Hales et autres, n° 94-14.051.

B – La personne morale, commerciale par son objet

Les sociétés peuvent être rendues commerciales par leur objet (= leur activité) dès lors qu’elles exercent des actes de commerce à titre de profession habituelle.

Idée : le juge peut aller débusquer l’activité commerciale en relevant que la société est commerciale par son objet.

Exemple : les juges du fonds peuvent préciser si l’activité précise d’une SCI (société civile immobilière) est effectivement une activité de nature civile ou commerciale.

C – Le cas du GIE (groupement d’intérêt économique)

L’ordonnance du 27 septembre 1967 crée le groupement d’intérêt économique, dans lequel plusieurs membres viennent collaborer pour une activité donnée.

L’article L251-1 du Code de commerce dispose que le but du GIE “n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même”, mais de “faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres”.

Comme une société, le GIE acquiert la personnalité juridique à compter de son immatriculation au RCS.

L’article L251-4 prévoit aussi que le GIE « peut faire de manière habituelle et à titre principal tous actes de commerce pour son propre compte”.
→ Un GIE peut avoir un statut de commerçant.

Section 2 : L’exclusion de la qualité de commerçant

§ 1. La distinction avec d’autres statuts

A – Le commerçant n’est pas un salarié

Les salariés agissent selon les directives d’un employeur. Ils sont juridiquement dépendants de l’employeur.
On parle traditionnellement de “subordination juridique”.

On peut donc imaginer qu’un producteur utilise directement des salariés pour vendre sa production.
Ses salariés n’exercent pas des actes de commerce, car ils ne peuvent pas les exercer de façon indépendante : pour être commerçant, il faut être indépendant juridiquement et être autonome. Si l’on est placé sous les directives de quelqu’un, alors on dérive vers la qualité de salarié.

L’article L8221-6 du Code du travail pose un principe :
”Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordres par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1) Les personnes physiques immatriculées au RCS… et au Registre des agents commerciaux…”.
À partir du moment où une personne est inscrite au RCS, elle est présumée ne pas être liée par un contrat de travail.
→ Présomption légale de non contrat de travail.

L’article L8221-6 poursuit cependant :
L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I- fournissent (directement ou par une personne interposée) des prestations à un donneur d’ordres dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci”.
La présomption de non contrat de travail peut donc être renversée.
→ C’est une présomption simple.

La preuve à apporter pour renverser cette présomption est celle de l’existence d’un lien de subordination juridique permanente.
Donc, si on caricature : un commerçant n’est pas salarié, sauf s’il décide de l’être.
Enjeu : cette requalification en salarié est utile pour celui qui subit des difficultés économiques.

C’est l’article 12 du Code de procédure civile qui est le fondement de cette requalification :
Le juge “doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée”.
→ Le juge a le pouvoir de requalifier un contrat.

Soc., 18 janvier 2012, n°10-16.342 :
Un homme demande à la chambre prud’hommale de requalifier son contrat pour que son franchiseur lui verse des indemnités.
Selon la Cour de cassation, l’existence d’un contrat de travail doit résulter de “l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, de diriger l’exécution et d’exercer des sanctions”.
Les juges utilisent donc la méthode du faisceau d’indices pour rechercher une autonomie ou une soumission ; le juge ne s’arrête pas à la dénomination.

En l’espèce, la Cour de cassation relève que les stipulations du contrat de franchise en question ne lui laissent que peu d’autonomie + lui donnaient des instructions très détaillées, qui ne faisaient de lui qu’un simple agent d’exécution.

L’article L123-7 pose aussi une présomption simple suivant laquelle “l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant”.

La professeure Amiel Cosme y voit une dérive : “ne respectez pas le contrat, vous êtes sûrs d’être indemnisés”.
Elle insiste : “le commerçant n’est pas un salarié, sauf quand il décide de l’être”.

B – Le commerçant n’est pas un gérant de succursale

Comme un commerçant, un gérant de succursale peut avoir un stock de marchandises dont il se sera approvisionné et qu’il peut écouler, et il est aussi en relation avec une clientèle.
Il est soumis à un contrat de gérance de succursale.

Le statut des gérants de succursales se trouve dans le Code du travail (et non dans le Code de commerce !).
Le législateur est intervenu pour leur donner un statut protecteur.

La succursale se définit comme un établissement qui est détaché de l’établissement principe et qui constitue un fonds distinct possédant une clientèle propre.
Ce qu’il faut retenir : la succursale dépend juridiquement d’une entreprise dite “mère” ou “principale”, même si elle jouit d’une certaine autonomie d’organisation.

La succursale est confiée à un gérant, qui bénéficie d’une certaine autonomie, mais elle n’a pas de personnalité juridique propre.

On peut imaginer qu’une entreprise qui soit un producteur (de marchandises, de produits…) puisse avoir plusieurs succursales multiples pour distribuer ses produits.

Selon les articles L7321-1 et suivants du Code du travail, le gérant de succursale est assimilé à un salarié (les dispositions protectrices concernant le salarié lui sont applicables).

L’article L7321-2 du Code du travail définit le gérant de succursale :
”Est gérant de succursale toute personne : […] 2° Dont la profession consiste essentiellement : a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise”.

Une personne dont la profession consiste à vendre marchandises peut donc être commerçant, mais aussi salarié, gérant de succursale…

On déduit de cet article L7321-2 qu’il faut 3 conditions pour être considéré comme un gérant de succursale :

  1. Un lien d’exclusivité ou de quasi-exclusivité ;
    Le chiffre d’affaires du gérant de succursale ne dépend (quasiment) que de son fournisseur (principal).
  1. Un local fourni ou agréé par cette entreprise ;
  1. Une vente aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

Le b) de cet article applique la même définition aux mêmes conditions lorsqu’il s’agit de “recueillir des commandes ou recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter”.

L’article L442-6 du Code de commerce interdit les prix imposés ; le revendeur indépendant ne peut donc pas se voir imposer un prix.
Idée : puisqu’il est indépendant, il doit pouvoir fixer son prix de vente lui-même.
Souvent, on utilise l’expression “prix conseillé” pour ne pas avoir de prix imposés : si une tête de réseau ne peut pas imposer un prix, elle peut en conseiller.

Il y a de nombreuses jurisprudences dans lesquelles des distributeurs indépendants ont été requalifiés en gérants de succursale.
Cette dérive est dénoncée de longue date par les commercialistes, mais pas par la doctrine spécialisée dans le droit du travail…

La Cour de cassation a ajouté que la preuve d’un lien de subordination juridique n’est pas nécessaire, parce qu’elle n’est pas exigée par l’article L7321-2.

Com., 11 décembre 2019, n° 18-10.790 :
Un distributeur indépendant lié à la société SFR pour la distribution de ses produits s’est vu reconnaître le statut de gérant de succursale et obtient de nombreuses indemnités.
Sauf que quand on obtient un statut, cela signifie qu’on l’a depuis le départ : la requalification porte donc sur toute la durée du contrat faussement nommé.

À lire : C. Grimaldi, Recueil Dalloz, janv. 2020 : “Le gérant de succursale a droit au beurre et à l’argent du beurre”.
Ici, le beurre = gérant de succursale ; l’argent du beurre = contrat de distribution.

Com., 13 décembre 2017, n°16-12.477 :
Une femme exploite un institut de beauté sous l’enseigne Yves Rocher.
Sur la base de l’article L7321-2, un arrêt définitif lui reconnaît la qualité de gérante de succursale et lui octroie des indemnités.
Par ailleurs, quand elle dirigeait son institut, elle s’était portée caution solidaire.
Question : peut-elle être tenue en tant que caution solidaire des sommes qui étaient nées des relations commerciales ?

La cour d’appel avait indiqué que cela n’est pas possible, parce que la succursale n’a pas de personnalité juridique autonome, donc la caution était dépourvue d’objet.
La Cour de cassation censure l’arrêt : “le statut de gérante de succursale reconnu à Mme Y…, bien que caractérisé par la dépendance économique de la société D.B. Cosmétiques à l’égard de la société Yves X…, laissait subsister la personnalité morale de la société dépendante”.

Donc elle est gérante de succursale sans succursale, puisque par définition une succursale n’a pas de statut juridique !

C – Le commerçant n’est pas un V.R.P. (voyageur, représenter et placier)

Le VRP, aussi appelé représentant de commerce, a pour fonction de démarcher une clientèle de particuliers ou d’entreprises pour le compte d’un ou plusieurs employeurs.
Il prospecte une clientèle sur un territoire défini par le contrat. Sa mission est de recueillir des commandes.

Le livre 7 du Code du travail offre un statut très protecteur au VRP.
On considère que son statut est hybride : le VRP est mi salarié, mi mandataire.

L’article L7313-1 du Code du travail pose une présomption de salariat du VRP :
”Toute convention dont l’objet est la représentation, conclue entre un VRP et un employeur est, nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence, un contrat de travail”.

L’article L7311-3 du Code du travail définit le VRP :
”Est VRP toute personne qui :
1° Travaille pour le compte (→ mandat !) d’un ou plusieurs employeurs (→ salarié) ;
2° Exerce en fait d’une façon exclusive et constante une profession de représentant ;
3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel.”

Le Conseil des prud’hommes est le seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux contrats avec un VRP.

D – Le commerçant n’est pas un mandataire

1) La distinction du commerçant et du mandataire civil

On part ici du droit commun : l’article 1984 du Code civil dispose que le mandat est “ »l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le montant et en son nom”.

On parle de contrat de représentation.
C’est pour ça qu’un commerçant ne peut pas être mandataire, et vice versa.

Cette article n’a pas été modifié depuis 1804, mais on constate depuis des années un mouvement de professionnalisation du mandat.

Le mandat reste aujourd’hui largement obsolète.
Avant, être mandataire, c’était un contrat de bienfaisance (= un service que l’on rendait à un ami), mais la jurisprudence a compliqué les choses :

2) La distinction du commerçant et du mandataire d’intérêt commun

C’est la jurisprudence qui a ancré la théorie du mandat d’intérêt commun.

Com., 8 octobre 1969 :
”La réalisation de l’objet du mandat présentait pour le mandant et le mandataire l’intérêt d’un essor de l’entreprise par création et développement de la clientèle […] la cour d’appel pouvant retenir en l’espèce la qualification de mandat d’intérêt commun”.

Les juges cherchent si la qualification de mandat d’intérêt commun peut être retenue ou non, en retenant que le critère de l’intérêt commun est l’objet du mandat (par exemple : l’intérêt de l’essor de la société par création et développement de la clientèle).
Le mandant et le mandataire sont alors unis par ces intérêts communs.

Il y a eu des dérapages de la jurisprudence, qui a parfois considéré qu’il y avait mandat d’intérêt commun par le développement d’une clientèle commune.
Idée : un commerçant qui agit en son nom et pour son propre compte crée sa propre clientèle, et il donne cette clientèle au mandataire qui ne peut pas développer une clientèle autre.
La clientèle ne peut pas être commune, sinon ce n’est pas du mandat.

3) La distinction du commerçant et de l’agent commercial

L’objectif de la distinction est d’entraver l’application de l’article 2004 du Code civil, qui est une disposition applicable au mandat : “le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble”.
→ Révocation ad nutum = d’un simple coup de tête.

Soit la qualification de mandat d’intérêt commun est admise, et un déplacement de la charge de la preuve s’opère : le mandant doit justifier d’un motif légitime de rupture.

Soit cette qualification n’est pas admise : dans ce cas, les dommages et intérêts ne sont possibles qu’en cas de faute ou d’abus dans l’exercice du droit de rupture unilatérale (lorsque ça a causé un préjudice au mandataire).

Question : après avoir signé un contrat de franchise, de concession… est-ce l’intérêt du contrat ne réside pas dans un intérêt commun d’un essor du réseau par le développement d’une clientèle ?
Un concessionnaire a osé ça :

Com., 7 octobre 1997, n°95-14.158 :
Le concessionnaire, dans son pourvoi, invoque que “l’intérêt commun préside à la conclusion et à la réalisation des contrats de collaboration”.
Autrement dit, il affaire que le contrat de concession (= les contrats où un commerçant a conclu un contrat de concession) est un contrat de collaboration (→ dans lequel on collabore à l’essor du réseau).
Idée : j’ai collaboré à l’œuvre commune → il y avait un intérêt commun → les fruits de ma collaboration font que j’ai droit à une indemnité sur la rupture du contrat.

Ce raisonnement semble tenir la route sur la question de l’intérêt du contrat.

L’argument a été relancé par la loi Doubin du 31 décembre 1989, qui a ajouté une obligation précontractuelle d’information avant d’intégrer un réseau de distribution.
Le législateur y dit que les contrats sont conclus dans l’intérêt des 2 parties.

Néanmoins, la Cour de cassation a affirmé que “le contrat de concession exclusive ne constitue pas un mandat d’intérêt commun” → balaie complètement toute cette argumentation.
On n’a pas cherché à développer la théorie de l’intérêt commun en dehors du mandat d’intérêt commun.

Le rapporteur de cette loi avait expliqué que par “intérêt commun”, il entendait “collaboration”.
Un auteur a écrit que c’était de l’ordre de “l’incantation juridique”, parce qu’on n’en a pas fait découler un régime.

On reste donc dans la théorie d’un contrat de représentation : l’agent commercial est un mandataire.
→ Illustration de la professionnalisation du mandat.

Le statut de l’agent commercial a d’abord été institué par le décret du 23 décembre 1958, avant que la loi du 25 juin 1991 ne reprenne ce statut.
Cette loi avait pour objectif de transposer la directive du 18 décembre 1986.

La loi de 1991 était restée hors du commerce.
L’un des objectifs affichés du nouveau Code de commerce était d’intégrer dans le nouveau Code tous les textes qui étaient restés en dehors du Code (on parle de recodification à droit constant).
Aujourd’hui, le statut de l’agent commercial est situé aux articles L134-1 et suivants du Code de commerce.

L’article L134-1 du Code de commerce donne la définition suivante :
L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux.”
”Il peut être une personne physique ou une personne morale.”

L’agent commercial est un mandataire, donc c’est bien une fonction de représentation.
💡 En cas pratique : faire bien attention à la qualification d’agent commercial !

Sa fonction est de négocier (et éventuellement conclure) des contrats : c’est bien une fonction de représentation.
L’agent commercial est bien un intermédiaire entre son mandant et la clientèle qu’il est chargé de rencontrer. Il perçoit pour cela une commission.

Puisqu’il est un mandataire, il n’est pas commerçant.
Le mandat conserve donc un caractère civil, comme la Cour de cassation l’affirme depuis longtemps :
Cour de cassation, 29 octobre 1979 :
”Le mandat d’agent commercial a par lui-même un caractère civil pour le mandataire, celui agissant au nom et pour le compte du mandant”.
(alors que le commerçant, c’est celui qui agit en son nom et pour son compte !)

Le nom d’agent commercial est donc trompeur : il n’y a rien de commercial là-dedans.
Il est dans le Code de commerce, mais il n’est pas commerçant.

L’activité d’agent commercial suppose une prospection de clientèle ; la Cour de cassation s’attache sur ce point à vérifier que les éléments de définition de l’article L134-1 sont bien réunis.

Com., 15 janvier 2008, n°06-14.698 :
Le statut d’agent commercial est refusé à l’intermédiaire qui “n’était investi d’aucun pouvoir de négocier les contrats”.

La Cour de cassation avait adopté une conception stricte du verbe “négocier” : elle a toujours considéré que que la négociation implique nécessaire le pouvoir de modifier le prix des produits commercialisés.

Les cartes ont été rebattues avec une décision du 4 juin 2020 de la CJUE :
Dans cette affaire, les faits sont banals : une société était chargée d’assurer la vente de bijoux au nom et pour le compte d’un fabriquant ; 13 ans plus tard, ce fabriquant décide de retirer à cette société son secteur de vente (la moitié sud du territoire français) en raison de résultats commerciaux jugés insuffisants.
Le revendeur met le fabriquant en demeure de lui payer l’indemnité de rupture qui est due à tout agent commercial.
Question : a-t-il bien la qualité d’agent commercial ?

Le fabriquant contestait la qualité d’agent commercial, au motif que ce revendeur ne disposait pas du pouvoir de modifier les prix des bijoux.
Le tribunal de commerce de Paris pose une question préjudicielle à la CJUE, dont la compétence est liée à la directive européenne ayant harmonisé le statut des agents commerciaux.

Dans cette décision de 2020, la CJUE estime que l’article 1er de la directive de 1986 “doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial.
La CJUE se pose en contradiction avec la Cour de cassation ; on pouvait donc s’attendre à un revirement de jurisprudence, avec l’abandon de sa conception stricte du terme “négocier”.

Com., 2 décembre 2020, n°18-20.231 :
La société Éditions Atlas, qui commercialise des produits de loisir, avait conclu une convention avec une personne pour lui confier, pour une durée déterminée, la prospection d’une clientèle sur un secteur géographique déterminé dans le contrat.
Cette personne revendique le statut d’agent commercial et assigne la société Atlas en résiliation du contrat à ses torts, en réclamant des indemnités de rupture.

La Cour de cassation reprend la définition de l’article L134-1, puis mentionne la décision de la CJUE avant de conclure que “il en résulte que doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services”.

Cet assouplissement jurisprudentiel permet à beaucoup + de personnes de revendiquer le statut d’agent commercial.

En effet, la CJUE adopte une conception souple de ce statut, qui ouvre la voie à une revendication plus large, ce qui élargit donc les possibilités d’indemnisation de fin de contrat.

Est-ce la porte ouverte à de nouvelles dérives ?
Attention, il ne faut pas oublier que le pouvoir de négociation n’est pas le seul élément : il faut toujours que les autres éléments de définition de l’agent commercial soient réunis.

L’enjeu de la requalification du contrat est ici l’indemnité de fin de contrat offerte par l’article L134-12 du Code de commerce : “En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.”
Pour cela, il doit notifier au mandant, dans un délai d’1 an, qu’il souhaite faire valoir ce droit.

L’article L134-13 pose des exceptions au versement de cette indemnité :
> la faute grave ;
> la démission (= rupture à l’initiative de l’agent commercial) ;
> la cession du contrat à un tiers.

4) Les faux mandataires : les mandataires commerciaux

Ceux que certains appellent des “mandataires commerciaux” ne sont pas des mandataires : ce sont des intermédiaires entre un producteur et une clientèle, mais qui ne représentent pas le mandant (alors que le mandat est un contrat de représentation !).
Il y aurait alors des “mandats sans représentation”.

a) La commission

Le commissionnaire est celui qui a signé un contrat de commission. On dit qu’il agit “pour le compte” d’un commettant, mais en réalité il agit pour son propre compte.

Si un mandat est “sans représentation”, alors ça n’est pas un mandat.
Le commissionnaire est bien un intermédiaire chargé de la conclusion d’un autre contrat, mais il agit en son nom propre → c’est un faux mandataire, mais un vrai commerçant.

Le commissionnaire trouve sa place dans le Code de commerce de 1807 à l’article L132-1, qui le définit comme “celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d’un commettant”.

Cour de cassation, 6 juillet 1960, n°58-11.222 :
La cour d’appel a rappelé à bon droit que, “à la différence d’un mandataire, un commissionnaire agit en son nom propre ou sous un nom social qui n’est pas celui de son commettant”.

Le commissionnaire exerce des actes de commerce : l’article L110-1 vise la commission comme étant un acte de commerce.

Dans le droit de la distribution, des contrats de “commission affiliation” se sont développés, surtout dans le secteur textile.
On retrouve alors une personne commissionnaire (dans le secteur textile, ce commissionnaire va écouler les vêtements conformément à ce que demande le commettant et va recevoir une commission ou un pourcentage du CA réalisé) + une affiliation (la personne intègre un réseau de distribution).

Cour de cassation, 29 juin 2010, Chattawak :
Un revendeur qui était d’abord franchisé puis qui a été lié par un contrat de commission-affiliation (→ est devenu affilié) demande la requalification de son contrat en contrat d’agent commercial pour demander l’indemnité de rupture.
La question de l’appartenance de la clientèle est importante : si je suis commerçant, la clientèle m’appartient et je la développe par mon activité.
Si, dans le contrat, on relève que cette personne a un fond de commerce et dispose d’un fond de commerce propre, le statut d’agent commercial peut-il être revendiqué ?
→ Non. L’agent commercial est un simple mandataire qui n’a ni clientèle propre ni bail commercial.

b) Le courtage

Le courtier est un commerçant. Son statut se trouve dans le Code de commerce aux articles L131-1 et suivants.
Sa mission est de rapprocher les parties.

Crim., 15 octobre 1964 :
Le courtier est “un simple intermédiaire dont le rôle est de rapprocher 2 personnes désirant contracter ».
Il n’est pas un représentant (≠ mandataire).
Il agit en toute indépendance.

Il existe de nombreux courtiers : courtage en assurances, courtage de marchandises, courtage matrimonial…

L’article L131-2 prévoit que « le courtage de marchandises peut être effectué par tout commerçant ».
→ Le courtier fait des actes de commerce, donc il est commerçant.

§ 2. La distinction avec des activités professionnelles civiles

On constate aujourd’hui que le commerçant a tendance à être noyé / dilué parmi les autres professionnels du droit des affaires (artisans, agriculteurs, professions libérales…).

A – La distinction entre le commerçant et de l’artisan

Le statut légal de l’artisan est posé par la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion de l’artisanat + par 2 décrets du 2 avril 1998.

L’article 19 prévoyait que les artisans doivent être immatriculés au répertoire des métiers.
Depuis le 1er janvier 2023, il n’existe plus de répertoire des métiers.

L’artisan est une personne physique ou personne morale qui emploie moins de 10 salariés et qui exerce à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État.

Critères de distinction entre l’artisan et le commerçant :

  1. Le 1er critère tient à la dimension de l’entreprise.
    On considère que l’artisan est celui qui accomplit un travail personnel, celui qui confectionne de sa main et ne tire pas l’essentiel de son revenu d’une spéculation sur la main d’œuvre.
    Il travaille seul ou sans l’apport d’une main d’œuvre externe ou interne conséquente : c’est pour ça que le texte dit bien qu’il n’emploie pas + de 10 salariés.
  1. Le 2nd critère tient à l’activité concernée.
    L’artisan exerce une activité à prédominance manuelle (coiffure, menuiserie, peinture…).

Le décret du 2 avril 1998 établit une liste des professions artisanales ; il répertorie environ 250 professions, dans les métiers de l’alimentation, du bâtiment, de la fabrication et du service.

La loi Pinel relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises du 18 juin 2014 a modifié le statut initial des artisans.
Objectif : opérer un contrôle des qualifications de celui qui prétend être artisan.

Aujourd’hui, le répertoire des métiers n’existe plus (il a été remplacé par le RNE), mais le contrôle des qualifications subsiste.
💡 Le RNE a été introduit par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

La distinction entre commerçant et artisan est originellement très nette, en raison des compétences spécifiques exigées par l’artisanat.
Cependant, on constate un rapprochement entre commerçants et artisans → les catégories deviennent floues.

Pourquoi cette dilution ?
Parce qu’il y a beaucoup de textes aujourd’hui qui assimilent la profession de commerçant et la profession d’artisan.
Ils relèvent tous deux de la sphère des activités professionnelles, donc le législateur applique des textes aux uns et aux autres sans distinction.

Exemple : le statut des baux commerciaux.

Il y a eu un nouveau rapprochement avec la loi du 15 juin 2010 sur l’EIRL.
Ce dispositif de l’EIRL, s’adressant à tout entrepreneur individuel qui agit en son nom propre (commerçant, artisan…), permettait d’opérer une plus grande distinction entre patrimoine personnel et professionnel.

B – Distinction avec d’autres activités professionnelles de nature civile

1) Les activités agricoles

L’article L311-1 du Code rural dispose que « les activités agricoles ainsi définies ont un caractère civil ».
Ce ne sont pas des actes de commerce.
L’agriculteur est lui aussi un professionnel, mais dont les activités sont régies par le Code rural.

On constate cependant un rapprochement entre agriculteur et commerçant, parce qu’il est lui aussi soumis à une obligation d’immatriculation.
Cette immatriculation se faisait auparavant au Registre de l’agriculture, devenu Registre des actifs agricoles depuis une loi du 13 octobre 2014.
Désormais, tout chef d’exploitation agricole est immatriculé au RNE.

⚠️ On peut avoir un cumul. Par exemple, si un agriculteur a aussi une entreprise de transformation de produits agricoles en vue de revendre ces produits, alors une double immatriculation est possible → rapprochement.

Le fonds agricole, comme le fonds de commerce ou le fonds artisanal, peut être donné en nantissement (= sûreté réelle mobilière) (article L311-3 du Code rural).

Il y a aussi rapprochement parce que des terres agricoles peuvent faire l’objet d’une location → un agriculteur / un éleveur n’est pas forcément propriétaire et sera donc locataire pour l’exploitation de son fonds agricole.
Il y a donc un statut des baux ruraux dans le Code rural, qui est similaire et qui offre les mêmes protections que le statut des baux commerciaux dans le Code de commerce.
Voir aussi : Tribunal paritaire des baux ruraux.

Avec la loi de 2022 sur l’entrepreneur individuel, tout le monde est désormais soumis au même régime concernant la séparation des patrimoines.


2) Activités libérales, intellectuelles (avocat, officier ministériel, médecin…)

Il s’agit ici d’activités lucratives et à la recherche du profit, même si ces acteurs économiques ne sont pas commerçants.

Comme un commerçant, ils développent une clientèle et une activité lucrative et professionnelle ; ce sont donc bien des professionnels relevant du droit des affaires.

L’avocat, le médecin… développe une clientèle.
Mais déontologiquement, le médecin ne peut pas exercer la médecine comme un acte de commerce.

Pendant un temps, il y a eu une distinction entre clientèle civile et clientèle commerciale → autre marqueur marqueur de distinction entre activités libérales et commerçantes.
La Cour de cassation avait posé l’interdiction de la cession de la clientèle du médecin (Civ., 3 juillet 1996 : la cession de la clientèle du médecin était interdite de manière absolue).

Civ. 1, 7 novembre 2000 :
Revirement de jurisprudence : la cession par le médecin de son fonds libéral n’est pas illicite, à condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient.

Le premier rapprochement est donc jurisprudentiel : la licéité de la cession de la clientèle (pour toutes les professions libérales comme pour les commerçants → qu’il s’agisse d’une clientèle civile ou commerciale).

La loi de 2022 sur l’entrepreneur individuel s’applique à tous ceux qui exercent une profession indépendante, quelle qu’elle soit et sans aucune distinction.

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